PARAGRAPHE II : Le pouvoir « exécutif » de
l'Etat membre de la CEMAC.
En s`inspirant du droit interne, le pouvoir exécutif
est l`attribution que détiennent les autorités les plus hautes
d`un Etat dont la fonction spécifique consiste
généralement «de créer des normes individuelles
(particulières) en se fondant sur les normes générales
créées par la législation et la coutume, et d'appliquer
les sanctions prévues par les normes générales et
individuelles »260. En comparaison avec la
communauté, on remarque premièrement que, le pouvoir d`assurer
l`exécution des normes de droit communautaire est partagé entre
la commission de la CEMAC et l`Etat membre de la CEMAC. Et deuxièmement,
la manifestation du pouvoir exécutif de l`Etat membre varie selon les
normes à exécuter. On distingue aussi une manifestation
particulière du pouvoir exécutif quand il s`agit des actes
primaires et additionnels (A) ou actes dérivés
(règlements cadres et des directives) (B).
A/ La réduction significative du pouvoir «
exécutif » de l'Etat membre face aux actes primaires, additionnels,
et des règlements communautaires.
Les actes primaires et additionnels représentent
généralement la manifestation de l`autorité des normes
communautaires parce qu`ils mettent en exergue véritablement les trois
principes fondamentaux de la norme communautaire que sont : la primauté,
l`applicabilité immédiat, et l`effet direct. Par
conséquent, le pouvoir exécutif qui a la faculté
d`édicter des normes pour faire appliquer des règles
générales, et les sanctions (veiller au respect et à
l`application de ses normes), se voit soustraire une prérogative celle
d`édicter des normes individuelles ou particulières. L`Etat
membre face à cette situation se transforme en un «
Etat
259 Voir l`article 4 du traité révisé de la
CEMAC.
260 KELSEN (H), Théorie générale du
droit et de l'Etat, suivi de la doctrine du positivisme juridique, bruyant
LGDJ, 1997, p 307.
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exécutant »(1), dont la
fonction exécutive se trouve limitée et partagée par la
commission de la CEMAC(2).
1) Une réduction causée par
prééminence du statut d'exécutant de l'Etat membre de la
CEMAC : les bases juridiques de la qualité d' « exécutant
»
L`Etat membre se caractérise par la manifestation de sa
volonté dans la formation des normes de droit communautaire. Ces normes
sont d`application quelque fois immédiate, en ce qui concerne les normes
primaires de droit communautaire, et d`autres normes qui nécessitent
l`action des Etats pour acquérir leur force juridique. Comme
affirmé plus haut, le droit primaire est la véritable
représentation de la force et de la spécificité de la
norme communautaire, car l`on retrouve une manifestation véritable des
principes fondamentaux du droit communautaire à savoir la
primauté, l`application immédiate et l`effet direct. C`est la
raison pour laquelle, lorsqu`elle se trouve en contact avec l`ordre juridique
interne ou communautaire, la norme communautaire réduit le pouvoir
exécutif de l`Etat membre au rôle d`exécutant. Non pas que
l`Etat membre est cantonné à exécuter la norme de droit
communautaire, mais bien plus, le pouvoir exécutif est inexistant parce
que inutile dans la mise en application de la norme communautaire. Cependant la
posture d`exécutant se manifeste et est prééminente
lorsque l`Etat membre est au contact avec le droit primaire.
L`article 4 du traité révisé de la CEMAC,
constitue la base juridique communautaire à cette qualité d`
«exécutant ». Cette obligation, au delà de
signifier l`obligation de coopération loyale ou de loyauté
communautaire, pose une obligation négative dans la mesure où,
« les Etats membres [...], s'abstiennent de prendre toute mesure
susceptible de faire obstacle à l'application du présent
traité et des actes pris pour son application »261.
Et également, une obligation positive dans le sens où, «
les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des
objectifs de la communauté en adoptant toutes mesures
générales ou particulières propres à assumer
l'exécution des obligations découlant du présent
traité »262. Il faut signifier à la lecture
du présent article du traité révisé de la CEMAC,
que l`impératif de l`intégration relègue les Etats, dans
l`application du droit primaire, à une posture d` «
exécutant ». Par conséquent, il est interdit,
« une application du droit communautaire ni coordonnée à la
volonté discrétionnaire des Etats »263.
Ainsi comme l`affirme NABLI, l`obligation d`exécution du droit
communautaire transforme les Etats
261 Voir article 4 du traité révisé
CEMAC.
262 Ibid.
263 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 21
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membres du droit communautaire en sujets264, en
« bras séculiers »265 de la
communauté. Pour cette raison des auteurs comme lui évoquent dans
le rapport de l`Etat membre au droit primaire, de compétences
liées car « de jure la compétence laissée aux
Etats membres pour compléter ou exécuter les actes
communautaires, s'analyse en réalité comme une compétence
liée »266.
L`action d`exécution revêt plusieurs formes. On
distingue à la suite de NABLI, l`exécution normative ;
administrative ; juridictionnelle et coercitive267.
L`exécution normative se caractérise par la
prise des mesures nationales, selon les hypothèses visant à
compléter la norme communautaire, à l`instar des directives
communautaires. Grosso modo, « la portée et
l'intensité de l'exécution varient selon l'effet direct de l'acte
communautaire »268.
L`exécution administrative met en exergue
l`administration oeuvrant pour la mise en oeuvre et à l`application du
droit communautaire aux particuliers. Toutes les administrations sont mises
à contribution pour faire de l`application quotidienne du droit
communautaire une exigence. Toutefois, cette prééminence de la
qualité d`Etat exécutant ne fait point disparaître la
fonction exécutive de l`Etat membre de la CEMAC.
2) La réduction de la fonction exécutive
de l'Etat membre de la CEMAC à une fonction de contrôle et de
sanction.
La mise en oeuvre effective du droit communautaire fait
l`objet de contrôle et de sanction lors de son non respect. La fonction
exécutive en droit communautaire est une fonction partagée. Au
niveau communautaire, c`est à la commission qu`est reconnu le rôle
de veiller au respect de la norme communautaire par les Etat membres.
Toutefois, la commission ne dispose pas de prérogatives de sanction en
cas de violation. C`est à ce niveau que l`Etat membre acquiert une
posture importante dans la fonction exécutive. La carence de la
prérogative de sanction de la commission, place les autorités
nationales dans la posture
264 Ibid.
265 KOVAR (R), « L`effectivité interne du droit
communautaire », in la communauté et ses Etats membres, rapport
du colloque de l'institut d'études juridiques européen,
Nijhoff, la Haye, 1973, p 205. Cité par NABLI (B), « L'Etat
membre : l' « hydre » du droit constitutionnel européen
», op cit, p 21.
266 Voir FINES (F), « L'application uniforme du droit
communautaire dans la jurisprudence de la cour de justices des
communautés européennes », in études en
l`honneur de Jean Claude GAUTRON, paris, pedone, 2004, pp 333-348.
267 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 22.
268 Ibid.
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d`exercer le pouvoir exécutif, qui revient au
contrôle et à la sanction, de nature administrative et
pénale, en cas de violation du droit communautaire.
Avant d`évoquer les prérogatives liées au
pouvoir exécutif reconnu à l`Etat membre de la CEMAC, il importe
de mettre en exergue le fondement de la fonction exécutive de l`Etat
membre. A ce sujet, deux hypothèses nous viennent à l`esprit :
premièrement, soit la fonction exécutive est expressément
reconnue à l`Etat membre de la CEMAC, soit l`Etat membre tire cette
légitimité de l`obligation générale à lui
imposée, de donner plein effet aux dispositions du droit communautaires.
Pour ce faire, il est contraint de veiller au contrôle, au respect de la
règle de droit communautaire, et éventuellement à la
sanction de quiconque la violera.
Il faut dire que, lorsque l`article 4 du traité
révisé de la CEMAC pose une obligation positive à l`Etat
membre, il s`agit implicitement de lui confier la tâche du contrôle
et de la sanction de la violation du droit communautaire. A cet effet, du
même article est assortie d`une sanction aux Etats membres « en
cas de manquement [...] aux obligations qui lui incombent, en vertu du droit
communautaire... ». Cet article pose, l`obligation du résultat
sous peine d`engager la responsabilité de l`Etat membre, pour manquement
aux obligations communautaires. En somme cet article confie aussi
implicitement, à l`Etat membre des prérogatives de contrôle
et de sanction, pour « assurer l'exécution des obligations
découlant du présent traité »269.
En ce qui concerne la fonction exécutive de l`Etat
membre, elle s`étend au contrôle et à la sanction. Le
contrôle est consécutif au stade d`application du droit
communautaire reconnu à la commission de la CEMAC, ayant une
représentation dans chaque Etat membre. Son rôle se limite
à contrôler le respect par les Etats membres des obligations qui
leur incombent. Cette tâche est partagée au niveau communautaire
avec les Etats membres. Tout Etat membre de la CEMAC peut, dans la cadre de la
violation des obligations du droit communautaire, saisir la commission pour
rétablir la légalité communautaire.
Au niveau national, la tâche est de veiller à
l`application des obligations. Cette tâche est conforme aux aspirations
des constitutions nationales. Le contrôle de l`obligation du droit
communautaire bénéficie de la même voie que celle du droit
national, car les normes de droit communautaire et l`ordre juridique interne
des Etats membres sont harmonisés, lorsque
269 Voir l`article 4 du traité révisé
CEMAC.
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le droit communautaire entre en vigueur. Seulement, la
primauté du droit communautaire sur le droit national impose le
contrôle du droit communautaire sur le droit national, si ils partagent
tous les deux un même domaine de législation.
Le pouvoir de sanction peut être administratif ou
pénal. Les sanctions administratives correspondent, comme le dit BELIGH
NABLI « un type de décisions unilatérales et sont l'une
des manifestations les plus typiques de l'acte de puissance publique
»270, et en exprime exactement « le jus prendi
qui appartient à l'Etat »271. En plus le rôle
primordial de l`administration se définit au niveau de l` «
exécution matérielle qu'au niveau de contrôle des mesures
prises »272.
Dans l`Etat, le pouvoir de sanction pénale est
congénitalement sa prérogative et son monopole, de par son
territoire et son monopole de la violence légitime. C`est un des
attributs de la souveraineté de l`Etat. Ainsi de la jurisprudence de la
cour de justice de l`UE, les sanctions pénales demeurent des
prérogatives, relevant de la compétence des Etats
membres273. Tout de même, le pouvoir exécutif de l`Etat
membre, certes limité en ses actes primaires, se trouve mis en exergue,
face aux directives communautaires.
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