B/ Les actes juridiques communautaires manifestant le
caractère législative.
Les actes dérivés constituent la grande
catégorie normative du droit communautaire. Ils recouvrent une
série d`actes fondés sur le traité, c'est-à-dire,
adoptés par les organes et les institutions communautaires en
application des dispositions du traité. Ils sont la conséquence
du transfert de compétences, ce qui témoigne de l`existence d`un
véritable « pouvoir législatif »,
complété par un pouvoir d`exécution. La nomenclature des
actes de droit dérivés et leurs effets respectifs est aujourd`hui
décrite par l`article 40 du traité
247 Article 41 du traité révisé de la
CEMAC « Les règlements et les règlements cadres ont une
portée générale. Les règlements sont obligatoires
dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout
Etat membre. Les règlements cadres ne sont directement applicables que
pour certains de leurs éléments ».
248 CJCE, 20 mars 1959, Nolde c/ Haute autorité
CECA, 18/57, Rec., p 89, spec. p 113. Cité par PICOD (F),
« La normativité du droit communautaire », cahiers du
conseil constitutionnel, N° 21, dossier : la normativité, janvier
2007, p 2.
249 AZOULAI (L), « La loi et le règlement vus
du droit communautaire », cahiers du droit constitutionnel,
N°19, Dossier : loi et règlement, janvier 2006, p 2.
250 CJCE, 23 Avril 1986, les verts c/ parlement, op
cit.
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révisé CEMAC, qui dispose que, « pour
l'application du présent traité [...] le conseil des ministres et
le comité ministériel adoptent des règlements et des
règlements cadres, des directives(...) ». Autrement dit, le
pouvoir de décision énoncé dans cet article s`exprime
à travers trois formes d`actes juridiques : le
règlement(1), le règlement cadre et la
directive(2).
1) La manifestation législative du
règlement CEMAC.
Le règlement est « la principale source
dérivée »251 du droit communautaire, parce
que à travers lui s`exprime véritablement le pouvoir
législatif des communautés252. Le règlement a
surtout prévalu pendant les premières décennies de la
construction communautaire européenne253. La raison en est
simple, le règlement est l`acte normatif par excellence. Il permet
d`intensifier le processus d`intégration normative au niveau des Etats.
Il laisse très peu de marge de manoeuvre aux Etats. L`article 41 du
traité révisé de la CEMAC lui confère des effets
juridiques comparables à ceux de la loi, dans l`ordre juridique interne.
C`est pour cela que la cour de justice européenne évoquera la
« fonction législative du règlement
»254. Il faut dire que le règlement est devenu,
dans l`histoire des constructions communautaires, un instrument pertinent
d`uniformisation des législations nationales et du pouvoir
législatif communautaire. Il permet de mettre en oeuvre la politique
communautaire immédiatement et intégralement, au gré des
longues discussions au sein du conseil des ministres ou du comité
ministériel, parce que les Etats membres savent pertinemment que si le
règlement passe, ils n`ont plus de marge de manoeuvre par la suite. Dans
la pratique communautaire CEMAC, l`on distingue les règlements de base,
ceux pris directement sur la base des traités, et des règlements
d`exécution qui constituent des mesures d`application des
règlements de base. Certes il est vrai que cette distinction introduit
une hiérarchie entre les règlements. Toutefois, il ressort
clairement de l`article 41 du traité révisé CEMAC que, le
règlement a une portée générale ; le
règlement est obligatoire dans tous ses éléments. Il
s`applique dans tous les Etats membres, aux personnes et situations qu`il
définit. Il lie également les institutions de la CEMAC. Et toutes
les dispositions du règlement qui
251 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 203.
252 Ibid.
253 Il faut remarquer que pendant les premières
décennies de la construction communautaire européenne, ou il
fallait intensifier l`intégration européenne, le règlement
sera largement utilisé par ce qu`il est performant dans ses
applications. Tandis qu`a partir de 1980/ 1990, on a constaté un regain
d`intérêt en ce qui concerne la directive parce que des critiques
avaient émaillées la pratique des institutions communautaires en
faisant valoir que les instances communautaires se concentraient trop sur le
règlement et laissaient peu de marge de manoeuvre aux Etats membres.
254 Voir CJCE, 21 Janvier 1999, France c/ Comafrica.
Cité par ISAAC (G), et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européen, op cit, p 203.
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peuvent être défaillantes, doivent être
respectées et mises en oeuvre par les personnes qu`elles concernent,
personnes publiques ou privées. Par le règlement,
l`autorité communautaire dispose du pouvoir normatif complet. Elle
prévoit non seulement le résultat à atteindre, et de
manière précise, mais également les modalités
d`application et d`exécution de l`acte jugé opportun pour
l`autorité communautaire, qui seront intégrées par
l`autorité nationale. Le règlement est doté de
l`applicabilité directe reconnue d`emblée par les
traités255. Le règlement est auto-exécutoire,
il s`exécute par son existence même. C`est en cela que le
règlement est une méthode d`intégration extrêmement
puissante. Reconnaître l`applicabilité directe d`un
règlement signifie que, non seulement l`acte, dès sa publication
dans le bulletin officiel de la communauté, produit ses effets
immédiatement et intégralement sur le territoire national des
Etats membres mais aussi et surtout il ne doit faire l`objet d`aucune mesure de
transposition.
2) La quasi manifestation législative du
règlement cadre et de la directive.
Le règlement cadre représente dans le
traité révisé une originalité certaine, qui pousse
à la curiosité, parce qu`on ne retrouve pas dans l`organisation
supranationale qui nous a inspiré à savoir l`UE, la trace d`un
acte juridique intermédiaire entre le règlement et la directive.
La particularité est qu`il n`est point le règlement, parce qu`ils
sont différents sur le domaine de l`immédiateté des
éléments qui les constituent. En d`autre termes, le
règlement est applicable sur tous ces éléments, alors que
le règlement cadre n`est applicable que sur certains de ses
éléments. Il se distingue de la directive sur deux plans à
savoir en premier lieu la portée générale, à la
différence de la directive qui ne « lie » que les
« Etats membres destinataires »256. En second
lieu, un impératif est reconnu par le traité révisé
CEMAC à ce que la directive soit transposée, alors qu`en ce qui
concerne le règlement cadre, il est nullement imposé à
celui-ci une transposition particulière. Le règlement cadre est
certes une innovation dans le cadre communautaire, il se pose comme une
synthèse du règlement et de la directive. Au premier contact sa
dénomination évoque la loi cadre en droit constitutionnel, une
loi complétée par des décrets d`application. En cela elle
renverrait à une directive. Pourtant à la lecture de l`article
41, on se rend compte que le règlement cadre est différent de la
directive de par sa portée générale. Et il n`est
applicable et obligatoire que pour certains de ses éléments. Le
constat est le suivant, le règlement cadre est un instrument de respect
de l`autorité des Etats et de l`intégrité de leur ordre
juridique. Il permet sans aucun doute une intégration
différenciée parce que les éléments facultatifs
seront laissés à
255 Voir l`article 44 du traité révisé CEMAC
2009.
256 Voir l`article 41 du traité révisé CEMAC
2009.
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l`appréciation des Etats membres.
L`intérêt d`une réussite à tout prix du processus
intégratif CEMAC est sans doute à l`origine du règlement
cadre.
La directive quant à elle, constitue l`instrument le
plus original de l`ordre juridique communautaire. Elle est fondée sur
l`idée d`un partage des tâches et d`une collaboration entre deux
entités : l`autorité communautaire et les autorités
nationales. Aux niveaux communautaire, et national, il est mis en oeuvre une
méthode de législation à deux étapes progressives
et intimement liées. Au niveau communautaire il est «
légiféré » la directive. Et au niveau national, il
appartient aux Etats membres de traduire cette ligne politique et ce
modèle législatif dans leur ordonnancement interne au travers de
leurs catégories normatives propres. Il s`agit précisément
et subtilement d`un instrument de rapprochement normatif de l`ordre juridique
communautaire et national. Car il permet de dégager des solutions aux
difficultés que rencontre l`intégration des Etats membres du fait
de la résistance souveraine. Comme le disent Guy ISAAC et Marc
BLANQUET, « son inscription à la nomenclature correspond sans
doute à la volonté des rédacteurs des traités
d'offrir aux institutions, à coté du règlement, un
instrument d'uniformisation juridique, une formule fondée sur un partage
des taches et une collaboration entre le niveau communautaire et le niveau
national, donc plus souple et plus respectueuse des particularités
nationales spécialement adaptées à la fonction du
rapprochement des législations nationales »257. La
logique de la directive semble consister en une réalisation optimale des
objectifs visés, plutôt qu`en un quelconque équilibre entre
ces objectifs et l`intérêt propre de chaque Etat258.
Aux termes de l`article 41 du traité révisé de la CEMAC,
« Les directives lient tout Etat membre destinataire, quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales
leurs compétences en ce qui concerne la forme et les moyens ».
La directive ne lie ses destinataires qu`au regard de l`objectif à
mettre en oeuvre. En revanche, les moyens d`action, le choix de l`acte et sa
forme, sont laissés à la discrétion des autorités
nationales. La directive n`a pas de portée générale, elle
ne concerne que ses destinataires qui sont, la plupart du temps, les Etats
membres. La directive ne produit pas tous ses effets dans l`ordre juridique
interne dès son entrée en vigueur. Elle implique donc une prise
en charge au niveau national. Elle nécessite pour produire son plein
effet, d`être transposée dans l`ordre juridique interne. Les Etats
membres disposent d`une entière liberté dans le choix de l`acte
de transposition de la directive. Il pourra s`agir d`une loi, d`un
décret, d`un arrêté. En revanche, le droit communautaire
s`oppose à une transposition par voie de
257 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 205.
258 Ibid.
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circulaire, car elle ne dispose pas d`effet contraignant et
n`offre pas les garanties de publicité propres à la loi, au
décret ou à l`arrêté. La transposition est
essentielle pour l`efficacité d`une directive. Le défaut de
transposition, ou bien encore une transposition insuffisante ou
incomplète expose l`Etat membre défaillant à une action en
justice de la part de la commission européenne qui peut directement
saisir la cour de justice, après une mise en demeure de
l`autorité nationale. C`est une action en manquement259. Elle
permet de faire constater la violation du droit de l`union par l`Etat membre.
Peut-on parler d`un pouvoir exécutif de l`Etat membre de la CEMAC ?
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