B/ Les conditions de forme : procédure
d'attribution de la qualité de membre de la CEMAC
Le traité révisé CEMAC énonce une
procédure spécifique en son article 55, « ...cette
adhésion ne pourra intervenir qu'après accord unanime des membres
fondateurs(1). Toute adhésion ultérieure d'un
nouvel Etat sera subordonné à l'accord unanime des Etats membres
de la communauté(2) ». Cette précision
ou plutôt ce distinguo entre « membres fondateurs » et
« Etats membres de la communauté » mérite une
attention particulière.
1) L'accord unanime des membres fondateurs de la
CEMAC : un accord veto.
On aurait pu s`attendre dans le texte constitutif de la CEMAC
à ce que la procédure d`adhésion à la CEMAC soit
détaillée, ou tout au plus qu`elle renvoie l`organisation des
conditions et de la procédure d`adhésion d`un nouvel Etat dans la
CEMAC
65 Voir CHEVALLIER (J), L'Etat de droit,
Montchrestien, Paris, 4e édition, 2003, pp 160
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à une convention additionnelle. Mais ce n`est pas le
cas, la procédure d`adhésion a été autant
simplifiée que rendue ambigüe. On peut par analogie imaginer,
à la lumière de sa soeur inspiratrice, l`Union Européenne,
que la procédure d`adhésion de la CEMAC soit formulée et
adressée comme suit : l`Etat qui souhaiterait devenir membre adresserait
sa demande à la communauté. Et la décision finale
d`adhésion reviendrait en dernier ressort aux membres originels
c`est-à-dire des « membres fondateurs »66.
A l`évidence, le traité CEMAC met en exergue premièrement
les Etats membres fondateurs. Cela démontre la prééminence
des membres fondateurs de la CEMAC. L`on peut aisément comprendre cette
posture, dans le sens où ce sont les Etats dits « fondateurs
» qui ont oeuvré à la mise sur pied de la CEMAC et en
conséquence connaissent véritablement ce qui convient le mieux
pour la communauté, y compris dans le choix des candidats à
l`adhésion. En effet dans la procédure laconiquement
énoncée par le traité révisé de la CEMAC, il
n`est aucunement fait mention du rôle de la communauté dans le
processus d`adhésion. Cela augure inéluctablement une
procédure d`adhésion, essentiellement étatique. Il ne sera
pas surprenant que la procédure de choix débouche sur des
positions discrétionnaires. D`où l`importance pour le
traité d`accorder aux Etats fondateurs une position
prééminente dans la décision finale. Ainsi à la
lecture du traité CEMAC, la sélection des potentiels membres de
la CEMAC s`effectuera en deux phases. Premièrement, la phase de
contrôle et de prise de décision des membres fondateurs et
deuxièmement, le contrôle et la proposition d`avis de tous les
membres de la CEMAC y compris les membres fondateurs. Le texte constitutif de
la CEMAC aurait simplement pu stipuler que cette adhésion
n`interviendrait qu`après un accord unanime des Etats membres de la
CEMAC. Dans ce cas, on comprendrait qu`il s`agit au préalable d`un
accord unanime des Etats membres fondateurs et éventuellement des
membres non fondateurs. Cependant, la réalité est tout autre, le
traité CEMAC instaure une inégalitaire représentation dans
la prise de la décision finale lors de l`adhésion d`un nouvel
Etat. On finit par comprendre que la qualité d`Etat membre fondateur est
assimilable à la fonction de membre permanent du conseil de
sécurité de l`ONU qui dispose du droit de veto67. Car
on s`imagine difficilement une adhésion dans la CEMAC si les membres
fondateurs n`approuvent pas. Dans le cas ou la décision des membres non
fondateurs est en totale contradiction avec la décision des membres
fondateurs, quelle serait l`issue ? C`est à ce moment que la
qualité de membre fondateur prend tout son
66 Le terme est employé dans le
traité CEMAC pour établir un distinguo entre les fondateurs et
les membres qui ont adhéré plus tard. Un distinguo
évidement pas anodin parce qu`elle traduit un classement par importance
des membres de la CEMAC.
67 Le droit de veto du conseil de
sécurité des Nations Unies est un droit accordé uniquement
aux cinq membres permanents du conseil qui leur permet de bloquer toute
résolution ou décision, quelle que soit l`opinion majoritaire au
conseil.
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sens car on voit mal la balance pencher en faveur des membres
non fondateurs. Toutefois, pour plus d`équité, Il serait
judicieux pour la Communauté de revoir ses textes pour faire jouer un
rôle à la commission dans le choix des nouveaux membres de la
CEMAC, même si il s`agit d`un rôle d`arbitre ou de simple avis.
Ainsi comme dans l`adhésion à l`UE, la négociation peut
être menée « du côté des communautés
par le conseil , le rôle de la commission consiste à
présenter des propositions en vue d'établir , entre les Etats
membres une base commune de négociations et ensuite, à jouer l'
« honnête courtier » entre les membres et les candidats
»68
De ce qui précède, l`on ne peut que se rendre
compte que l`adhésion des nouveaux Etats membres est difficilement
concevable parce que la législation communautaire en l`état
actuel pose des difficultés d`application.
2) L'accord unanime des Etats membres de la
communauté : une formalité
, en instituant deux phases dans la procédure
d`adhésion d`un Etat au statut de membre de la CEMAC, et en
commençant par les membres fondateurs, l`article 55 du traité
révisé CEMAC de 2009 met en exergue l`importance des membres
fondateurs et surtout le fait qu`on les retrouve encore parmi les Etats membres
qui se prononceront à l`unanimité pour l`adhésion du
nouvel Etat. Cela démontre la prééminence des membres
fondateurs. Et nous laisse penser que la seconde phase relative aux Etats
membres n`est qu`une formalité pour associer les autres membres non
fondateurs à la décision d`adhésion. Tout de même
quelques interrogations subsistent, à l`énoncé suivant
« toute adhésion ultérieure ... ». A
première vue l`article 55 s`adresse au premier Etat candidat à
l`adhésion. Par conséquent, les autres Etats désirant la
qualité de membre se verront appliquer la seconde phase qui subordonne
l`acquisition du statut de membre de la CEMAC à l`accord unanime des
deux groupes d`Etat membre. Cela est difficilement acceptable car il
reviendrait à reconnaître qu`à un moment donné, une
partie de l`article 55 est appelé à être
désuète après la première adhésion. En
d`autre terme, en cas d`adhésion d`autres Etats, les Etats membres non
fondateurs se prononceront comme les Etats membres fondateurs. La
qualité de membre de la CEMAC est subordonnée à un double
accord unanime de ses membres à savoir les membres fondateurs et non
fondateurs.
68 ISSAC (G) et BLANQUET (M), Droit
général de l'union européenne, Sirey
université, 9eme édition, 2006, p33.
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De l`article 55 du traité révisé de la
CEMAC et de la pratique communautaire dans l`Union Européenne, il sera
opportun de revoir la procédure d`adhésion à la CEMAC
comme il suit : l`Etat demandeur doit adresser sa demande d`adhésion
à la communauté c`est-à-dire à la commission CEMAC
ou à l`Etat dépositaire du traité constituant la CEMAC,
à charge pour lui de la transmettre à la commission. Une fois la
commission saisie de la demande d`adhésion à la CEMAC, celle-ci
vérifie sa conformité avec les conditions de fond à savoir
la nature africaine de l`Etat demandeur, et le respect de certains
idéaux proclamés par le traité révisé de la
CEMAC. La demande d`adhésion sera notifiée aux Etats membres,
à savoir membres fondateurs et éventuellement non fondateurs, et
transmise lors de leur réunion, à charge pour eux de se prononcer
définitivement sur l`adhésion de l`Etat demandeur, la
priorité dans la décision finale revenant aux membres fondateurs
en relation avec le parlement communautaire qui détient un droit de
consultation obligatoire en ce qui concerne l`adhésion d`un nouvel Etat
membre69. Après cette phase procédurale le
traité révisé CEMAC prévoit un ensemble de
conditions techniques relatives à l`acquisition par le nouvel Etat de la
qualité de membre de la communauté.
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