D/- Le parcours des administrations publiques
algériennes.
L'Etat et l'administration publique, leur
organisation, leur rôle, leur mode de fonctionnement et leur rapport
à la société et à l'économie ont, de tout
temps, été au centre des préoccupations des pouvoirs
publics algériens.
Au lendemain de l'indépendance, alors que le
mot d'ordre était à la construction de l'Etat, avec une fonction
publique naissante comme acteur-clé, la dynamique de réforme
s'est focalisée, pour des raisons historiques évidentes, sur
l'affirmation de la souveraineté, a travers notamment
l'algérianisation de l'encadrement de l'appareil administratif
hérité et l'adaptation du cadre normatif régissant son
fonctionnement. L'influence prépondérante du parti unique devait
se traduire, à cette époque, par une politisation du comportement
administratif, qui perdurera jusqu'à l'avènement du
multipartisme, au milieu des années 80.
Les années 70, marquées au plan mondial
par la première décennie de développement, ont
été pour l'Algérie, celles de la construction d'une base
industrielle relativement développée, centrée sur
l'entreprise publique, et de la mise en oeuvre de la
(1) cf. Ordonnance n°
06-03 du 15 Juillet 2006, portant statut général de la fonction
publique, article 2.
Chapitre I : Emergence et développement de la
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planification centrale, à travers des plans
successifs de développement consacrant l'emprise de la décision
administrative sur l'affectation des ressources. La logique de l'Etat
providence, qui découle de ce choix systémique, a
profondément influencé la gestion publique, durant cette
période. Devant la faiblesse du secteur privé et l'inexistence
d'une société civile organisée, l'Etat et l'administration
ont constitué l'unique vecteur du développement économique
et de la cohésion sociale.
Les années 80, avec la crise de la dette et le
retournement du marché pétrolier et ses conséquences
dramatiques sur les pays exportateurs, ont été celles du doute
quant à la capacité de l'Etat à gérer seul
l'économie et la société. Le déclin du dirigisme et
la montée des valeurs du marché, devaient plonger
l'administration dans une profonde crise d'identité, que les pouvoirs
publics tentèrent de surmonter, dans l'urgence, par des mesures de
stabilisation conjoncturelle, jugées courageuses.
Les années 90, enfin, ont été
celles des transitions économiques et politiques difficiles. C'est sur
ce fonds d'institutions, de récession économique et
d'épuisement social que les premières mesures structurelles ont
été volontairement engagées par les pouvoirs publics,
avant d'être relayées, à partir de 1994, par le programme
d'ajustement structurel, dont les effets se sont fait sentir en termes de
réduction des effectifs du secteur public et de tarissement de certaines
sources de rente. Le constat qui s'impose, par conséquent, est celui de
l'absence d'une démarche d'ensemble, posant la problématique des
finalités de la réforme, du champ et des moyens d'intervention de
l'administration et de la nature de ses rapports avec le citoyen, d'une part,
et la société globale, d'autre part. Les actions de
réforme engagées, au cours de la décennie 90,
relèvent davantage de la recherche d'une issue contrôlée
aux contradictions d'une administration soumise a de fortes contraintes
économiques et a des pressions en faveur de l'ouverture politique et
sociale, que d'une stratégie délibérée. Ces mesures
restent globalement conservatrices de l'ordre administratif établi, au
sens ou évacuent totalement la dimension « ajustement culturel
(1)», c'est-à-dire de l'émergence de nouveaux
comportements administratifs, fondés sur l'efficacité,
l'équité et la transparence.
A la fin des années 90, le
périmètre de la réforme de l'Etat et de l'administration
est redéfini de manière plus ambitieuse. Un projet global prend
forme, en réponse à un besoin
(1) Reforme administrative et
gouvernance en Algérie : défis et options prioritaires. Azeddine
abdennour, expert national. NAPLES, 17-20 May 2004.
Chapitre I : Emergence et développement de la
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pressant de cohérence et d'adéquation
entre les structures et les missions de l'administration, la gestion de
l'urgence et la maîtrise du long terme ou encore l'unité de son
action et la liberté des acteurs de la vie publique. Le projet,
impulsé par une réelle volonté politique, est porteur
d'une perception rénovée de la gestion publique, dont on peut
percevoir les signes précurseurs dans la constitution de 1996, qui
consacre l'impartialité de l'administration et clarifie ses
responsabilités.
L'intervention, au milieu des années 90, du
programme d'ajustement structurel, constitue une seconde inflexion, au sens ou
il dresse, pour la première fois, le constat de la centralisation
excessive du processus de décision, du coût élevé de
fonctionnement de l'appareil administratif et de l'inefficacité du
processus d'élaboration, de suivi et d'évaluation des politiques
publiques. L'appui international, au processus de modernisation administrative
et de concrétisation des principes de bonne gouvernance a eu, enfin,
pour effet, au delà des ressources mobilisées, de renouveler la
réflexion sur la réforme administrative et d'élargir son
champs a des thématiques nouvelles. La bonne gouvernance est
désormais au coeur de la réforme de l'Etat et de
l'administration. Elle constitue le principal déterminant d'une
démarche visant à doter l'Algérie d'une base
administrative stable, efficace et harmonieusement insérée dans
son environnement socio-économique.
C'est là une condition essentiel pour affronter
les principaux défis de la transition que sont :
- La relance du processus de
développement sur la base d'un partenariat actif entre
l'Etat, créateur d'un environnement politique et juridique favorable, le
secteur privé, principal créateur d'emploi et de revenus et la
société civile, créatrice de synergies entre le politique
et le social et selon un mode de développement ouvert, reposant sur la
réduction de la dépendance vis à vis des hydrocarbures et
une insertion avantageuse de l'Algérie dans les courants
d'échange mondiaux (accord d'association avec l'Union Européenne,
accession à l'Organisation Mondiale du Commerce etc.) ;
- La consolidation de la paix civile, de
la sécurité et de la stabilité des
institutions, en tant que condition essentielle a la poursuite de
la construction démocratique, de l'amélioration de la gestion des
affaires publiques et de renforcement de l'Etat de droit.
- L'amélioration de la situation
sociale, dans des conditions financières viables, à
la fois par l'approfondissement de la réforme des secteurs sociaux et
par la création de conditions favorables a une croissance soutenues et
durable, créatrice d'emploi.
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E/- Vers la professionnalisation de la fonction
publique et l'adaptation des méthodes de gestion publique avec les
ressources humaines et la communication.
A l'ère de la gouvernance, la dimension civique
prend un relief particulier dans la relation entre l'administration et le
citoyen, considéré désormais comme « client (1)
» avec ses exigences, en termes de qualité et de rapidité du
service public et ses implications sur le fonctionnement de l'administration,
dont la prestation est jugée au regard des critères de
management, de professionnalisme d'expertise et d'aptitude psychologique, en
vigueur dans le secteur privé.
L'enjeu, à ce niveau de priorité, est de
restituer au service public sa vocation, grâce a une administration
publique compétente, au service de l'intérêt
général. La politique des cadres joue un rôle
décisive, a cet égard, car c'est par leur exemplarité que
sont promues les valeurs fondatrices de la bonne gouvernance, que sont la
loyauté, le professionnalisme, l'intégrité et la
neutralité. Les actions entreprises, à envisagées, dans ce
cadre, portent, dans la phase actuelle, sur la refonte du statut de la fonction
publique, dans le sens d'une plus grande flexibilité dans la gestion de
la ressource humaine, l'intensification des efforts en matière de
formation, pour permettre à l'administrateur de faire face à la
complexité de sa nouvelle mission et, enfin, sur un effort de
communication pour rétablir les ponts entre l'administration et le
citoyen.
La démarche de réforme de l'Etat et de
l'administration, dans une perspective bonne gouvernance, définie dans
ses grandes lignes, reste à parachever quant a ses modalités et
son instrumentation de mise en oeuvre. Les pouvoirs publics s'y emploient avec
d'autant plus de détermination que l'immobilisme de l'administration,
dans un environnement interne et externe qui bouge, constitue une contrainte
majeure pour le développement économique et social du pays. Sans
attendre l'aboutissent du processus plusieurs initiatives ont été
prises dans le sens de l'amélioration de la qualité du service
public et de la décentralisation du pouvoirs de décision,
notamment dans le domaine économique. C'est ainsi que :
- Certains contrôles a priori ont
été supprimés ou allégés ;
- La contractualisation se généralise,
au détriment de l'injonction, entre l'administration et les entreprises
et organismes publics assujettis à des services publics ;
(1) Op. cit. NAPLES, 17-20
May 2004.
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- Les procédures de préparation du
budget sont revues dans le sens d'une responsabilité accrue des
gestionnaires en matière de répartition des enveloppes
financières ;
- Allégement de la procédure de passation
des marchés publics ;
- L'initiative est redonnée au niveau local, en
matière d'investissement public, à travers notamment le plan de
soutien à la relance économique, le fonds spécial de
développement des régions du Sud et la transfert vers les walis
de l'essentiel des opérations centralisée. Si ces initiatives,
s'insèrent dans le cadre de la nouvelle vision de la réforme de
l'Etat et vont globalement dans le sens de la refondation de l'administration
publique algérienne, il reste a formaliser une stratégie de mise
en oeuvre, qui fait aujourd'hui défaut. C'est là une
priorité qui vient s'ajouter a celles déjà
énoncées.
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