2. Les mécanismes sur base des projets : la mise
en oeuvre conjointe (art.6) et le
mécanisme de développement propre (art.12
)
A la différence des échanges de permis,
où les droits d'émission ont un prix
monétaire bien défini, les transactions sur base
des projets se font dans une logique de troc : il
s'agit de troquer ses unités de quantité
attribuée contre un projet émanant d'une entité
désireuse
de compenser ses émissions (pour atteindre ses
objectifs de Kyoto ou d'un autre instrument
ou pour des raisons d'image). Le projet peut être de
réduction d'émissions (projet énergétique
ou industriel) ou d'absorption (projet forestier).
Le Protocole de Kyoto prévoit deux mécanismes de
projets, toujours dans le
but d'aider les 38 pays industrialisés figurant
à l'annexe B d'atteindre leurs objectifs respectifs.
Il s'agit de la mise en oeuvre conjointe et du
mécanisme de développement propre.
2.1 La mise en oeuvre conjointe
A l'instar du mécanisme de permis négociables,
le mécanisme de mise en
oeuvre conjointe est aussi consacré par l'art.6 et
supposent la participation de deux pays de
l'Annexe B. l'idée est simple : par un investissement
sur un projet pouvant réduire des émissions
de GES dans un pays de l'annexe B, un autre pays, lui aussi de
l'annexe b, reçoit des
crédits d'émission qui sont ajoutés
à ses unités de quantité attribuée.
Les projets de ce type génèrent des
unités de réductions des émissions (URE)
correspondant aux réductions d'émissions de GES
; leur quantité précise est certifiée par un
vérificateur indépendant. Les projets MOC
doivent être approuvés par le pays hôte et
enregistrés
auprès du Secrétariat de la CCNUCC. Ils ne
créent pas de nouveaux crédits mais entraînent
le transfert des unités de réduction d'un pays
de l'Annexe B vers un autre : pour chaque
crédit transféré et ajouté aux
quotas du pays récipiendaire, la quantité équivalente de
quotas
est annulée dans le pays hôte.75
Une grande majorité de projets MOC sont mis en oeuvre
en Russie, en Ukraine
et dans les pays d'Europe de l'Est. Néanmoins, d'autres
pays ont commencé à développer des
projets MOC, notamment l'Allemagne et la France.76
75 DELBOSC (A.) et PERTHUIS (C.), Les marchés du
carbone expliqués, Paris, Caring for Climate Series, 2009, p.14
76 Idem
44
2.2 Le mécanisme de développement
propre
L'art. 12 du protocole établi un mécanisme de
développement « propre ». Ce
mécanisme s'appuie sur le même principe que le
MOC, mis à part le fait qu'il est mis en
oeuvre dans des pays qui ne font pas parties de l'Annexe B.
Leur financement doit être assuré
par un pays de l'Annexe B, ou un porteur de projet basé
dans un pays de l'Annexe B. Une fois
le projet approuvé et enregistré auprès
du Secrétariat de la CCNUCC et les réductions
d'émissions vérifiées par une
entité indépendante, les participants aux projets MDP
reçoivent
la quantité correspondante d'unités de
réduction certifiée des émissions (URCE, ou CER pour
Certified Emissions Reductions). Les pays non Annexe
B n'ayant pas de plafond d'UQA, les
crédits MDP sont créés ex-nihilo.77
Aux termes du §2 du même article mécanisme
pour un développement
«propre» poursuit un double objectif ; «
...aider les Parties ne figurant pas à l'annexe I à parvenir
à un développement durable ainsi qu'à
contribuer à l'objectif ultime de la Convention,
et d'aider les Parties visées à l'annexe I
à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et
de réduction de leurs émissions ». Il
s'agit en fait de promouvoir l'investissement des pays
industrialisés dans les PED et encourager le transfert
des technologies faiblement émettrices
de GES.
Si le système de Kyoto avait défini clairement
ses objectifs, il ne permettait pas
le déploiement, en son sein, d'un dispositif complet et
cohérent d'incitation au respect des engagements
ainsi que de contrôle de ce respect. Dans le cas
spécifique des mécanismes de
flexibilité, plusieurs zones d'ombre demeuraient quant
à leur mise en ouvre.
Il y'a d'abord la question de la supplémentarité
car le Protocole spécifie que les
mécanismes de flexibilité viennent en appui
à des mesures et politiques nationales de réduction.
Comment alors éviter que certains pays de l'annexe B,
sans réaliser des efforts de réduction
au plan interne, réalisent l'essentiel de leurs
réductions par les mécanismes de flexibilité?
En outre, les dispositions instituant ses mécanismes ne
se limitent qu'à définir
les critères de participation à ces
mécanismes et à la limite, à mettre sur pied un
comité de supervision.
Ni plus ni moins.
77 DELBOSC (A.) et PERTHUIS (C.), Op cit, p.14
45
Or, un dispositif d'observance serait la clé de voute
d'une bonne mise en oeuvre
des mécanismes de flexibilité et un pare-feu
à une application anarchique des articles 6, 12 et
17.
C'est dans le souci de palier à cette carence, que lors
de la COP778 (qui devait
préparer l'entrée en vigueur du Protocole),
l'essentiel des négociations porteront sur la mise
en oeuvre des mécanismes de flexibilité.
Conformément au §2 de l'art.6, à l'art.12 §7 et
à l'art
17 du Protocole, les accords de Marrakech adopteront quatre
décisions :
- 15/CP.7 portant principes, nature et champ d'application des
mécanismes prévus aux
articles 6, 12 et 17 du Protocole de Kyoto .
- 16/CP.7 portant lignes directrices pour l'application de
l'article 6 du Protocole de
Kyoto
- 17/CP.7 relative aux modalités et procédures
d'application d'un mécanisme pour un
développement propre tel que défini à
l'article 12 du Protocole de Kyoto.
- 18/CP.7 relative aux modalités, règles et
lignes directrices applicables à l'échange de
droits d'émission (art. 17 du Protocole de Kyoto).
La décision 16 /CP7 concerne essentiellement le
mécanisme de mise en oeuvre
conjointe. Après un rappel des définitions en
son paragraphe premier, elle définie le rôle de la
COP qui est de donner l'orientation concernant l'application
de l'art.6.Quant à la supervision
78 La 7ème session de la Conférence des Parties
(COP/MOP), tenue à Marrakech du 29 octobre au 10 novembre
2001 à déboucher sur les accords de
Marrakech. Les principaux enjeux des négociations de la CP 7
étaient de
permettre l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto
malgré le retrait en mars 2001 des Etats-Unis, de ne pas
renégocier l'accord de Bonn comme étaient
suspectés de vouloir le faire la Russie, le Canada, le Japon et
l'Australie et d'établir un système
contraignant. L'accord conclu à Marrakech finalise donc le Plan d'Action
de
Buenos Aires établi en 1998 en résolvant
plusieurs problèmes techniques sensibles. Les points principaux de
l'Accord de Marrakech concernent :
· le maintien de l'intégrité de l'accord
politique conclu à Bonn en juillet 200 1 ;
· la mise en place d'un système de respect des
engagements fort qui sera d'application dès l'entrée en
vigueur
du Protocole de Kyoto, mais la question de la contrainte
légale a été reportée à la prochaine CP ;
· les règles et modalités des
mécanismes prévus dans le Protocole Kyoto, ce qui permet un
départ rapide des
projets MDP et le lancement dès 2008 des projets d'AC
;
· un marché international de droit
d'émissions qui sera mis sur pied dès 2008 ;
· la définition des règles
d'éligibilité pour participer aux mécanismes de
flexibilité ;
· les procédures de surveillance et de rapport ont
été établies en ce qui concerne les mécanismes de
flexibilité
ainsi que des procédures de comptabilisation : les
unités d'émissions issues des 3 mécanismes de
flexibilité
peuvent être transférées plusieurs fois
comme des unités égales ;
· des règles pour l'utilisation de crédits
à partir d'activités de puits dans la foresterie et
l'agriculture, ce qui renforce
l'intégrité environnementale du Protocole de
Kyoto ;
· un ensemble de décisions pour les pays les moins
développés vulnérables aux effets du changement
climatique
qui prévoit l'octroi des ressources nécessaires
dans les prochaines années pour les aider à construire
leurs capacités à adapter leurs économies
aux inévitables effets des changements climatiques.
46
de ce mécanisme, il a été institué
un comité de supervision du MOC composé des
représentants
des Parties au protocole. Ses rôles et fonctions sont
définis au §3.79 Les critères de participation
et d'admissibilité des Parties au MOC sont
établis du §20 au §29. Le §30 éclaire
quant à la procédure de vérification des
projets et de leurs admissibilités au MOC.
S'agissant du mécanisme pour un développement
propre, la décision 17/CP7
en définie les modalités et procédure
d'application. Elle institue un Conseil exécutif chargé de
superviser le MDP sous l'autorité de la COP/MOP. Ses
fonctions et sa composition sont posées
respectivement par le §5 et 8.80Sont aussi
définies, les normes d'accréditation et les
79 Décision 16/CP7 §3 :
« Le comité de supervision au titre de l'article 6
supervise la vérification des URE générées par des
activités
menées dans le cadre de projets relevant de l'article
6, visée dans la section E ci-dessous. Ses fonctions sont les
suivantes:
a) Rendre compte de ses activités à chaque
session de la COP/MOP;
b) Accréditer les entités indépendantes
conformément aux normes et procédures figurant à
l'appendice A ;
c) Examiner les normes et procédures
d'accréditation des entités indépendantes visées
à l'annexe A, en prenant
en considération les travaux pertinents menés
par le conseil exécutif du mécanisme pour un
développement
propre (MDP) et, le cas échéant, en faisant des
recommandations à la COP/MOP sur la révision de ces
normes et procédures;
d) Examiner et réviser les lignes directrices en
matière de notification et les critères intéressant la
détermination
des niveaux de référence et la surveillance
visés à l'appendice B ci-après, pour examen par la
COP/MOP, en
prenant en considération les travaux pertinents
menés par le conseil exécutif du MDP, selon qu.il conviendra;
e) Élaborer le descriptif du projet relevant de
l'article 6, aux fins d'examen par la COP/MOP, en prenant en
considération
l'appendice B de l`.annexe sur les modalités et
procédures d'application d'un mécanisme pour un
développement propre et en prêtant attention aux
travaux pertinents menés par le conseil exécutif du MDP,
selon qu'il conviendra;
f) Entreprendre la procédure d'examen indiquée
aux paragraphes 35 et 39;
g) Élaborer tout règlement intérieur
complétant les dispositions de la présente annexe, aux fins
d'examen par
la COP/MOP.
80 Le Conseil exécutif supervise le MDP sous
l'autorité de la COP/MOP et suivant les orientations que celle-ci
pourra lui donner, et est pleinement responsable devant la
COP/MOP.
À cet égard, le conseil exécutif:
a) Fait des recommandations à la COP/MOP au sujet de
nouvelles modalités et procédures pour le MDP, selon
qu'il convient;
b) Fait des recommandations à la COP/MOP au sujet des
modifications ou des ajouts éventuels à apporter, s'il y
a lieu, au règlement intérieur du Conseil
exécutif figurant dans la présente annexe;
c) Fait rapport sur ses activités à la COP/MOP
à chacune des sessions de cette dernière;
d) Approuve les nouvelles méthodes concernant, entre
autres, la définition des niveaux de référence, les
plans
de surveillance et la délimitation du
périmètre des projets, conformément aux dispositions de
l'appendice C ciaprès;
e) Examine les dispositions concernant les modalités et
procédures simplifiées et la définition des
activités de
projet de faible ampleur et fait des recommandations à
la COP/MOP;
f) Est responsable de l'accréditation des
entités opérationnelles, conformément aux normes
d'accréditation
figurant dans l'appendice A ci-après, et fait des
recommandations à la COP/MOP au sujet de la désignation des
entités opérationnelles, conformément au
paragraphe 5 de l'article 12. Cette responsabilité consiste notamment
à:
i) Se prononcer sur le renouvellement, la suspension et le
retrait de l'accréditation;
ii) Mettre en oeuvre les procédures et normes
d'accréditation;
47
fonctions des entités opérationnelles
chargées de valider les activités de projets proposés.81
Le
paragraphe 28 quant à lui, concerne les critères
de participation au MDP. L'évaluation du projet,
sa validation et son enregistrement sont régis au
§35. La vérification et la certification du
projet au §61. Et enfin la procédure de
délivrance d'unités de réduction certifiées au
§64.
Quant à l'application de l'échange des droits
d'émission, c'est la décision
18/CP7 qui en établit les modalités,
règles et lignes directrices, dans la même logique que
pour les deux mécanismes précédents, mis
à part le fait que ces sont les parties prenantes qui
supervisent la cession ou l'acquisition des
crédits-carbone.82
g) Examine les normes d'accréditation figurant dans
l'appendice A ci-après et fait des recommandations à la
COP/MOP pour qu'elle les examine, selon qu'il convient;
h) Fait rapport à la COP/MOP sur la répartition
régionale et sous-régionale des activités de projet
relevant du
MDP en vue d'identifier les obstacles systématiques ou
systémiques à leur distribution équitable;
i) Rend publiques les informations pertinentes, qui lui ont
été soumises à cette fin, sur les activités de
projet
proposées au titre du MDP pour lesquelles un
financement est nécessaire et sur les investisseurs à la
recherche
de possibilités d'investissement afin d'aider à
organiser, si nécessaire, le financement d'activités de projet
relevant
du MDP;
j) Rend publics tous les rapports techniques qui auront
été commandés et prévoit une période de huit
semaines
au minimum pour permettre au public de faire des observations
sur les projets de méthodes et
d'orientations avant que la version définitive des
documents soit mise au point et que des recommandations
éventuelles soient présentées à la
COP/MOP pour qu'elle les examine;
k) Établit, gère et tient à la
disposition du public un recueil des règles, procédures,
méthodes et normes approuvées;
l) Établit et tient le registre du MDP tel que
défini à l'appendice D ci-après;
m) Met sur pied et gère une base de données
accessible au public sur les activités de projet relevant du MDP
qui contient des informations sur les descriptifs des projets
enregistrés, les observations reçues, les rapports de
vérification, ses décisions ainsi que des
informations sur toutes les URCE délivrées;
n) Examine les questions de respect des modalités et
procédures d'application du MDP par les participants aux
projets et/ou des entités opérationnelles et en
rend compte à la COP/MOP;
o) Élabore et recommande à la COP/MOP, pour
qu'elle les adopte à sa session suivante, des procédures
permettant
d'effectuer un réexamen ainsi qu.il est indiqué
aux paragraphes 41 et 65 ci-après, y compris des procédures
visant notamment à faciliter l'examen des informations
provenant des Parties, des parties prenantes
et des observateurs accrédités au titre de la
Convention. Tant qu'elles n'auront pas été adoptées par
la
COP/MOP, ces procédures seront appliquées
à titre provisoire;
p) S'acquitte de toutes les autres fonctions qui pourront lui
être dévolues en vertu de la décision 17/CP.7, de la
présente annexe et des décisions pertinentes de
la COP/MOP.
81 17/CP7 §20-27
82 18/CP7 §5
48
Schématisation simplifiée des
mécanismes de flexibilité
Avec les contraintes de Kyoto et les mécanismes de
flexibilité, les émissions de
CO2 deviennent des véritables actifs
négociables dans un lieu où l'offre (une émission
évitée)
peut rencontrer une demande (des émissions à
compenser), le marché carbone, et qui fera
l'objet du paragraphe suivant.
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