CHAPIITRE IIII.. LA PROTECTIION DE L''ENVIIRONNEMENT
PAR LE
MARCHE--CARBONE
Le recours aux stratégies de marché comme moyen
d'assurer une protection de
l'environnement est un phénomène nouveau et la
principale innovation de Kyoto. Il se justifie
par la spécificité de la question climatique qui
appel aussi des stratégies spécifiques.
En effet, comme nous avions eu l'occasion de le faire remarque
ci-haut,
l'action climatique internationale, globale et
nécessairement couteuse économiquement,
s'inscrit dans un contexte particulier où tous les
Etats n'ont pas la même part de responsabilité.
Les Etats industrialisés, mis en avant plan dans cette
action compte tenu de leur responsabilité
dans la dégradation du climat, doivent trouver en
celle-ci (l'action) une certaine flexibilité
afin de les permettre de tenir leurs engagements respectifs
sans qu'ils en ressentent trop
l'incidence sur le plan économique. En d'autres termes,
les réductions de GES émis doivent
être les moins couteux possibles. Tel a
été l'équation de Kyoto ; comment maximiser
l'efficacité d'une action environnementale
internationale sous contrainte d'acceptabilité ?
Ainsi, l'instauration des mécanismes de
flexibilité, et du marché-carbone par
ricochet, a donc été fondamentalement
guidée par ce souci de réduire le coût des mesures (la
réduction des GES) tout en accroissant, par le recours
aux instruments économiques,
l'efficacité du Protocole.72
Il sera donc question dans ce chapitre d'analyser les
mécanismes de flexibilité
et l'émergence du marché carbone en
réponse aux exigences de Kyoto (section 1) et de cerner
leurs effets dans la protection de l'environnement
(section 2)
72 LASSUS Saint Génie (G.), Op cit, p.62
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SECTION I. LES MECANISMES DE FLEXIBILITE ET
L'EMERGENCE
D'UN MARCHE - CARBONE EN REPONSE AUX EXIGENCES
DE KYOTO
Cette section sera consacrée à l'étude
des mécanismes de flexibilité consacrés
par le protocole (§1) ainsi que du marché qu'ils
instituent : le marché-carbone (§2)
§1. Les mécanismes de flexibilité
Si les changements climatiques ont déjà, et
auront encore, des effets sur nos
sociétés, les mesures d'atténuations de
ceux-ci en auront aussi, sur tous les secteurs de la vie
mais surtout...sur les systèmes économiques. Le
besoin de gérer cette particularité du dossier
climatique à emmener le Protocole de Kyoto a
consacré des mécanismes de flexibilité.
En effet, cette option résulte de la lecture
combinée des deux donnés essentielles
de la question climatique ; outre la prise en compte de
l'envergure du cout des mesures
de réduction de GES et la volonté d'assurer
l'efficacité du protocole (l'approche coutefficacité),
il s'agit de stabiliser la concentration de gaz à effet
de serre présent dans
l'atmosphère. De ce fait, le lieu où
s'opère la réduction de gaz à effet de serre est sans
importance
car le résultat final obtenu- un certain état du
climat- ne dépend quasiment pas de
l'endroit où les émissions de gaz à effet
de serre sont produites.
La prise en compte de ces arguments conduira certains Etats
à militer en faveur
des « ...instruments de marché assurant [...] une
flexibilité géographique... »73, permettant
ainsi d'agir là où les coûts des
réductions sont moins élevés en termes de progrès
et de croissance
économique.
Les mécanismes de flexibilité tels que
définis par les dispositions du Protocole
de Kyoto sont au nombre de trois. Il s'agit d'une part du
mécanisme d'échange qu'incarne le
permis d'émission négociable (1) et d'autre
part, des mécanismes sur base de projet : la mise
en oeuvre conjointe [MOC] et le mécanisme de
développement propre [MDP] (2).
73 FAUCHEUX (S.), JOUMNI (H.), Economie et politique des
changements climatiques, Paris, La Découverte,
2005, p. 70.
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1. Le système international d'échange :
le mécanisme de permis d'émission négociable
(art. 6 et 17)
La possibilité de mettre en place un commerce des
droits d'émission résulte de
l'article 6 du Protocole de Kyoto qui prévoit que
«...toute partie visée à l'Annexe I peut céder
à toute autre Partie ayant le même statut, ou
acquérir auprès d'elle, des unités de réduction
des
émissions... ». L'art. 17 reconnait le droit aux
Parties de l'annexe B de «...participer à des
échanges de droits d'émission aux fins de
remplir leurs engagements au titre de l'article
3... ». A cette fin chaque pays se voit attribuer une
certaine quantité de gaz à effet de serre à
émettre, quantité fixée en fonction de
ses objectifs chiffrés de réduction d'émissions à
réaliser.
Cette unité de quantité
attribuée, évaluable en tonne de dioxyde-carbone
équivalent
(tCO2eq), est ensuite repartie entre les différentes
entreprises nationales sous forme de permis
d'émission. Chaque permis donne ainsi le droit à
son détenteur d'émettre une quantité précise
de gaz à effet de serre. Si une entreprise rejette plus
de gaz que son permis ne le lui permet,
elle devra soit réaliser des investissements pour
compenser ses émissions en surplus, soit
acheter un permis auprès d'une entreprise d'un autre
pays n'ayant pas consommé la totalité de
son quota d'émission. D'autres crédits, les
unités d'absorption, correspondent aux activités de
puits carbone.
Il s'agit donc, comme le notent Faucheux et
Joumni : «...de créer une rareté
sur un bien (les émissions de gaz à effet de
serre) avec pour conséquence la mise en place
d'un marché sur lequel les participants peuvent
céder ou acquérir une partie des quantités
d'émissions... ».74
Il convient aussi de noter que si l'art.17 reconnait aux pays
industrialisés le
droit de participer à des échanges de droits
d'émission, cette participation vient en complément
aux mesures de réductions nationales. Cette option a
été motivée par la volonté de ne
pas déboucher sur une simple transaction des droits de
polluer.
74 FAUCHEUX (S.), JOUMNI (H.), Op cit, p. 71
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