§2. Les instruments juridiques internationaux de lutte
contre les changements
climatiques
L'adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
(1) marque une nouvelle phase dans l'appréhension de la
question climatique : celle
d'une politique concertée des Etats dans la lutte
contre le réchauffement anthropique. Agissant
dans son sillage, le Protocole de Kyoto (2) viendra renforcer
ses mesures et consolider
cette action en faveur de la planète.
1. La convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
Après avoir survolé son historique, il sera
question d'analyser ses objectifs
et principes ainsi que son cadre institutionnel.
1.1 Historique de la Convention
Au début des années 90, les gouvernements,
prenant acte des inquiétudes
scientifiques sur le réchauffement climatique et de la
responsabilité humaine dans ce dérèglement,
commencèrent à reconnaitre la
nécessité d'agir. Il faudra signaler que L'Europe
avait déjà pris le devant de la scène
avec la "Déclaration de La Haye", en mai 1989, dans laquelle
24 Chefs d'Etat et de gouvernements s'engagèrent, sur
l'initiative de la France, des
Pays-Bas et de la Norvège, à lutter contre le
renforcement de l'effet de serre. En octobre 1990,
à l'occasion du Conseil Energie - Environnement de
Luxembourg, les ministres de l'environnement
des 12 pays de la Communauté Européenne
s'engagèrent à stabiliser les émissions de
CO2 de la Communauté à leur niveau de 1990 d'ici
l'an 2000.52
52 CORNUT (P.), op cit, p.54
25
Mais le vrai pas décisif sera franchi lors de la
seconde Conférence mondiale
sur le climat, tenue à Genève en novembre 1990.
S'appuyant sur les conclusions du premier
rapport d'évaluation du GIEC, la déclaration
finale confirmera que l'évolution du climat constitue
une préoccupation commune de l'humanité et
préconisera l'instauration d'une Convention
internationale sur les changements climatiques.53
C'est dans ce contexte que l'Assemblée
générale des Nations Unies adoptera,
22 décembre 1990, la résolution 45/212 par
laquelle elle décidera : « d'établir sous ses auspices
un processus intergouvernemental unique de négociation,
appuyer par le programme des
Nations Unies pour l'environnement et l'Organisation
météorologique mondiale, sous la
forme d'un comité intergouvernemental de
négociation chargé d'élaborer une Conventioncadre
concernant les changements climatiques et comportant des
engagements appropriés et
de mettre au point tout autre instrument connexe qui pourrait
être convenu, en tenant compte
des propositions qui pourraient être formulées
par les Etats participant aux négociations, aux
travaux du groupe intergouvernementale d'experts pour
l'étude et des conclusions des réunions
internationales sur la question[...]avant la Conférence
des Nations Unies sur
l'environnement et le développement, qui aura lieu en
juin 1992... ». 54 Ce Comité, présidé par
Jean Rippert, se réunira quatre fois en 1991
et deux fois en 1992 pour enfin adopter le 9 mai
1992, le texte de la Convention.
Formée d'un préambule de 23 points, de 26
articles et deux annexes, la Convention
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est un
instrument qui pose
les principes directeurs d'une coopération dans le
cadre de la lutte contre le réchauffement
climatique. L'article premier défini les changements
climatiques comme des « changements
de climat qui sont attribués directement ou
indirectement à une activité humaine altérant la
composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent
s'ajouter à la variabilité naturelle du
climat observée au cours de périodes comparables
». Sont aussi définis les gaz à effet de serre
qui sont « Les constituants gazeux de
l'atmosphère, tant naturels qu'anthropiques, qui absorbent
et réémettent le rayonnement infrarouge
».
53 CORNUT (P.), op cit, p.54
54 Assemblée générale des Nations Unies,
Protection du climat mondial pour les générations
présentes et Futures,
A/RES/45/212 du 21 décembre 1990, Nations Unies, New
York, 1990, p.160.
26
1.2 Objectifs et principes
Le présent point traite de l'objectif (art.2) et des
principes (art.3) énoncés par la
Convention. Il convient de noter que les termes objectif et
principes tels que donnés aux articles
précités ne figurent pas dans le texte
négocié. Ils ont été rajouté pour besoin de
commodité.
a) Objectif (art.2 de la convention)
Aux termes de l'article 2, l'objectif ultime de la Convention
est de « stabiliser
conformément aux dispositions pertinentes de la
Convention, les concentrations de gaz à effet
de serre dans l'atmosphère à un niveau qui
empêche toute perturbation anthropique [résultant
de l'activité humaine] du système climatique
». Cet objectif est précisé puisque le texte
prévoit
qu'il conviendra de l'« atteindre [...] dans un
délai suffisant pour que les écosystèmes puissent
s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la
production alimentaire ne soit
pas menacée et que le développement
économique puisse se poursuivre d'une manière durable
».
En énonçant cet objectif, la Convention traduit
la crainte de voir le système
climatique terrestre menacé par une augmentation des
concentrations de gaz à effet de serre
(GES) dans l'atmosphère, imputable à
l'accroissement des émissions de GES d'origine anthropique.
Elle ne fixe pas, s'agissant des émissions totales de
GES d'origine anthropique, de
limite à respecter pour atteindre l'objectif. Elle
n'indique pas non plus le niveau des concentrations
totales de GES au-delà duquel une « perturbation
anthropique dangereuse du système
climatique » se produirait. Les estimations de ces
niveaux ne cessent de varier avec le progrès
scientifique et la nécessité politique de tenir
compte de l'aptitude des sociétés à s'adapter aux
changements climatiques, laquelle est en constante
évolution, vient encore compliquer les
choses. Un autre point important est que pour stabiliser les
concentrations de GES dans
l'atmosphère à des niveaux proches de ceux
observés aujourd'hui, il faudrait en fait, dès à
présent, réduire fortement les émissions
car, une fois émis, les GES demeurent dans
l'atmosphère pendant longtemps: c'est le cas par
exemple du dioxyde de carbone, dont le
temps de séjour dans le système climatique est
en moyenne d'un siècle, voire plus.55
55 UNFCCC, Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques: Guide, Secrétariat de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Bonn,
2008, p. 24
27
b) Principes (art.3)
Les principes qui sous-tendent la Convention sont
énoncés à l'article 3, dans
lequel il est également précisé que
« ... Dans les mesures qu'elles prendront pour atteindre
l'objectif de la Convention et en appliquer les dispositions,
les Parties se laisseront guider,
entre autres, par ce qui suit ».
Au paragraphe 1 de l'article 3, l'accent est mis sur le
principe de l'équité et celui
des responsabilités communes mais
différenciées, lequel a été également
proclamé dans la
Déclaration de Rio de 1992 (Principe 7).
Dans le cadre de la Convention, ce principe a plusieurs
applications. Les émissions
passées et présentes de GES se
répartissent de façon inégale entre les Parties et
celles-ci
ne disposent pas des mêmes capacités ni des
mêmes ressources pour faire face aux causes et
aux effets des changements climatiques. Au paragraphe 1 de
l'article 3, il est donc demandé
aux pays industrialisés «d'être à
l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques
et leurs effets néfastes», ce qui conduit dans la
Convention à distinguer entre les Parties visées
à l'annexe I et les Parties qui ne sont pas
visées dans cette annexe (Parties non visées à
l'annexe I). À l'intérieur de ces deux grands
groupes, de nouvelles distinctions sont faites
pour tenir compte des capacités différentes des
Parties, de leur situation particulière et des facteurs
de vulnérabilité qui leur sont propres.56
En effet, si toutes les Parties ont pris des engagements au
titre de la Convention,
engagements qui pour la plupart sont énoncés au
paragraphe 1 de l'article 4, les Parties
visées à l'annexe I doivent satisfaire à
des obligations particulières pour démontrer qu'elles
sont à l'avant garde de la lutte contre les changements
climatiques. Le paragraphe 2 de
l'article 4 prévoit qu'il leur faut adopter des
politiques et prendre des mesures pour atténuer
les changements climatiques en limitant leurs émissions
de GES et en renforçant leurs puits et
réservoirs de GES. L'article 12 définit les
modalités selon lesquelles les Parties communiquent
des informations sur l'application de la Convention. La
Convention impose aux Parties
visées à l'annexe I de ramener leurs
émissions de GES aux niveaux de 1990 avant 2000, mais
elle prévoit également un réexamen de
l'adéquation de ces engagements.57
56 UNFCCC, Op cit, p. 26
57 Idem.
28
Une autre distinction est opérée entre les
Parties visées à l'annexe I. D'une
part, les Parties visées à l'annexe II de la
Convention (Parties visées à l'annexe II) sont tenues
d'apporter une aide financière aux pays en
développement et de faciliter le transfert de technologies
à destination de ces pays pour les aider à
s'acquitter des engagements pris au titre de
la Convention. D'autre part, les pays en transition sur le
plan économique (pays en transition)
se voient accorder une certaine latitude dans
l'exécution de leurs engagements en raison des
bouleversements économiques et politiques qu'ils ont
connus récemment.58
Une distinction est faite également entre les Parties
non visées à l'annexe I. Les
48 Parties classées dans la catégorie des pays
les moins avancés (PMA) par l'Organisation des
Nations Unies bénéficient d'une attention
particulière dans le cadre de la Convention, car ils
sont mal armés pour faire face aux changements
climatiques et s'adapter à leurs effets néfastes.
Les Parties sont instamment invitées à tenir
pleinement compte de la situation particulière
des PMA lorsqu'ils envisagent un financement ou le transfert
de technologies. En outre,
les règles applicables en matière de
communication d'informations sont moins strictes pour
les PMA que pour les autres Parties non visées à
l'annexe I, les PMA pouvant soumettre leur
communication nationale initiale quand ils le souhaitent.59
La Convention reconnaît aussi que certaines
catégories de pays en développement
sont particulièrement vulnérables face aux
effets néfastes des changements climatiques.
Il s'agit des pays ayant des zones côtières de
faible élévation et des pays sujets à la
désertification
et à la sécheresse. D'autres pays, dont ceux qui
sont fortement tributaires des recours
tirés des combustibles fossiles, sont plus
vulnérables aux incidences économiques potentielles
des mesures prises pour faire face aux changements
climatiques. Dans la Convention (aux paragraphes
8 et 9 de l'article 4), l'accent est mis sur les
activités susceptibles de permettre de
répondre aux besoins et préoccupations
spécifiques de ces pays vulnérables, tels que
l'investissement, l'assurance et le transfert de
technologies.60
La différenciation des responsabilités au titre
de la Convention ressort également
du paragraphe 7 de l'article 4, qui prévoit que la
mesure dans laquelle les pays en développement
parties s'acquitteront effectivement de leurs engagements
«dépendra de
l'exécution efficace par les pays
développés parties de leurs propres engagements en ce qui
58 UNFCCC, Op cit, p. 26
59 Idem, p. 27
60 Ibid., p. 28
29
concerne les ressources financières et le transfert de
technologies et tiendra pleinement
compte du fait que le développement économique
et social et l'éradication de la pauvreté sont
les priorités premières et essentielles des pays
en développement parties».
Le paragraphe 2 de l'article 3 vise à prendre en
considération le fait que les
Parties seront touchées à des degrés
différents par les changements climatiques et par les mesures
prises pour donner effet à la Convention. Il appelle
à «tenir pleinement compte des besoins
spécifiques et de la situation spéciale des pays
en développement parties, notamment de
ceux qui sont particulièrement vulnérables aux
effets néfastes des changements climatiques,
ainsi que des Parties, notamment des pays en
développement parties, auxquelles la Convention
imposerait une charge disproportionnée ou
anormale». Cette disposition se situe dans le
droit fil du Principe 6 de la Déclaration de Rio.
Dans la Convention, cette disposition est
développée au paragraphe 8 (Besoins
et préoccupations spécifiques des pays en
développement parties), au paragraphe 9 (Besoins
particuliers et situation spéciale des PMA) et au
paragraphe 10 (Situation des Parties dont
l'économie est vulnérable aux effets
néfastes des mesures de riposte) de l'article 4.
Le paragraphe 3 de l'article 3 renvoie au principe de
précaution, qui est très
présent dans le droit de l'environnement et les accords
conclus dans ce domaine: «Quand il y
a risque de perturbations graves ou irréversibles,
l'absence de certitude scientifique absolue ne
doit pas servir de prétexte pour différer
l'adoption de telles mesures» - cette disposition reprenant
largement le texte du Principe 15 de la Déclaration de
Rio.
Dans le prolongement de ce principe, l'accent est mis dans le
même paragraphe
sur la nécessité d'un bon rapport
coût-efficacité. Il s'agit d'éviter que les mesures prises
en
application de la Convention ne pénalisent
indûment l'économie. L'application conjointe
pourrait être un moyen de réduire les coûts
au minimum (voir l'article 4.2 a).
Le paragraphe 4 de l'article 3 énonce le droit et
l'obligation de promouvoir un
développement durable, dans le droit fil du
Principe 3 de la Déclaration de Rio. Il est précisé
dans le même paragraphe que les politiques et mesures
visant à protéger le système climatique
devraient être «adaptées à la
situation propre de chaque Partie et intégrées dans les
programmes
nationaux de développement, le développement
économique étant indispensable
pour adopter des mesures destinées à faire face
aux changements climatiques».
30
Le paragraphe 5 de l'article 3 défend le principe du
libre-échange, appelant les
Parties à promouvoir un «système
économique international qui soit porteur et ouvert et qui
mène à une croissance économique et
à un développement durable de toutes les Parties, en
particulier des pays en développement parties, pour
leur permettre de mieux s'attaquer aux
problèmes posés par les changements
climatiques». Dans le même paragraphe, les Parties sont
appelées également à éviter que
les mesures prises «constituent un moyen d'imposer des discriminations
arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce
international ou des entraves
déguisées à ce commerce». Cet
article est étroitement lié au Principe 12 de la
Déclaration de
Rio.
1.3 Le cadre institutionnel de la
Convention.
Plusieurs institutions et organes oeuvrent dans le cadre de la
Convention. Il
s'agit, des institutions et organes créés en
application de cet instrument, dont une brève analyse
de certains s'impose:
a) la Conférence des Parties à la Convention
(COP)
Les travaux relatifs aux changements climatiques s'ordonnent
autour des sessions
annuelles de la Conférence des Parties, qui rassemblent
tous les pays qui sont parties à
la Convention. Au paragraphe 2 de l'article 7, la
Conférence des Parties est définie comme
l'«organe suprême» de la Convention
puisqu'elle en est la plus haute instance décisionnaire.
Suivant le paragraphe 2 de l'article 7, la Conférence
des Parties est chargée de
faire le point de l'application de la Convention et de tout
instrument juridique connexe et doit
prendre les décisions nécessaires pour favoriser
l'application effective de la Convention. Son
rôle consiste, en particulier, à :
- Examiner les engagements des Parties en fonction de
l'objectif de la Convention, de
l'évolution des connaissances scientifiques et de
l'expérience acquise dans le cadre de
l'application des politiques relatives aux changements
climatiques;
- Encourager et faciliter l'échange d'informations sur
les mesures adoptées par les Parties
pour faire face aux changements climatiques et à leurs
effets;
- Faciliter, à la demande de deux Parties ou davantage,
la coordination des mesures adoptées
par celles-ci pour faire face aux changements climatiques et
à leurs effets;
31
- Encourager et guider l'élaboration et le
perfectionnement de méthodes comparables aux
fins des activités entreprises en application de la
Convention, notamment de
l'établissement des inventaires des émissions et
des absorptions de GES et de
l'évaluation de l'efficacité des mesures prises
pour limiter les émissions et renforcer les
absorptions;
- Évaluer l'application de la Convention par les
Parties, les effets des mesures prises par
celles-ci et les progrès accomplis pour se rapprocher
de l'objectif ultime de la Convention;
- Examiner et adopter des rapports sur l'application de la
Convention et en assurer la publication;
- Faire les recommandations nécessaires sur toute
question aux fins de l'application de la
Convention;
- S'efforcer de mobiliser des ressources
financières;
- Examiner les rapports soumis par ses organes subsidiaires et
leur donner des directives;
- Exercer les autres fonctions qui peuvent se
révéler nécessaires pour atteindre l'objectif
de la Convention, ainsi que toutes les autres fonctions qui
lui sont assignées au titre de
la Convention.
Entre sa première session en 1995 et sa onzième
session en 2005, la Conférence
des Parties a adopté 221 décisions
conformément au paragraphe 2 de l'article 7. Indépendamment
de l'adoption de décisions, les travaux de la
Conférence des Parties peuvent déboucher
sur d'autres résultats, tels que des
déclarations ou des résolutions. Il s'agit de
déclarations
politiques non contraignantes destinées à
orienter les travaux découlant de la Convention
ou à exprimer la volonté de la Conférence
des Parties. Ainsi, la Déclaration ministérielle de
Genève, dont la Conférence des Parties a pris
note (sans l'adopter) à sa deuxième session, a
permis de relancer les négociations en vue de
l'adoption du Protocole de Kyoto. Aux quatrième
et sixième sessions de la Conférence, les
Parties ont adopté des résolutions pour exprimer
leur solidarité avec, respectivement, les pays
d'Amérique centrale et les pays
d'Afrique australe, en particulier le Mozambique,
frappés par des phénomènes
météorologiques
extrêmes aux effets dévastateurs. Le plus
souvent, les résolutions adoptées par les Par32
ties visent à faire part de leur gratitude aux pays qui
accueillent les sessions de la Conférence.
61
b) le secrétariat
Le Secrétariat, appelé également
Secrétariat des changements climatiques, assure
le service de la Conférence des Parties, des organes
subsidiaires, du Bureau et des autres
organes créés par la Conférence des
Parties. Il est basé à Bonn et son mandat, défini à
l'article
8 de la Convention, est le suivant:
- Organiser les sessions des organes créés en
application de la Convention, c'est-à-dire
de la Conférence des Parties et de ses organes
subsidiaires;
- Aider les Parties, en particulier les pays en
développement, à s'acquitter de leurs engagements;
- Appuyer les négociations; et
- Assurer la coordination avec les secrétariats des
autres organismes internationaux compétents,
notamment le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et ses
agents
d'exécution (Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), Programme
des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et Banque
mondiale, le
GIEC et les autres conventions apparentées.
c) les organes subsidiaires
La Convention a prévu la création de deux
organes subsidiaires permanents, à
savoir l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et
technologique (SBSTA) à l'article 9, et
l'Organe subsidiaire de mise en oeuvre (SBI) à
l'article 10. Ces organes donnent des avis à la
Conférence des Parties. Conformément au
paragraphe 1 de l'article 9 et au paragraphe 1 de
l'article 10, il s'agit, dans les deux cas, d'organes
multidisciplinaires ouverts à toutes les Parties
et les gouvernements s'y font représenter par des
spécialistes.
Le SBSTA et le SBI, sont les principaux organes subsidiaires
chargés
d'exécuter le programme de travail découlant de
la Convention. Ils se réunissent deux fois par
an pendant une ou deux semaines, la première fois
normalement en milieu d'année et, la seconde,
à l'occasion de la session annuelle de la
Conférence des Parties. En général, vu le ca-
61UNFCCC, Op cit, p. 31
33
ractère plus technique de leurs activités, les
personnes qui y siègent sont des spécialistes des
questions techniques plutôt que des négociateurs
politiques de haut niveau et leurs sessions
rassemblent un peu moins de participants (environ 1 500) que
celles de la Conférence des Parties.
Quant aux modalités d'organisation de leurs travaux,
elles sont comparables à celles suivies
par la Conférence des Parties dont il a
été question plus haut.62
Il convient de signaler qu'en vertu du point i du
paragraphe 2 de l'article 7 des
organes peuvent spécialement être
créés par la Conférence des Parties. Tel était le
cas du
Groupe spécial du Mandat de Berlin (AGBM) qui sera
crée à la première session de Conférence
des Parties et dont le rôle était de mener les
négociations qui ont conduit à l'adoption du
protocole de Kyoto. En outre, la convention dispose d'un
mécanisme financier assuré par le
fond mondial pour l'environnement.
Avec la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques
sont jetés les substrats d'une action juridique
internationale dans le but de les contenir. Cependant,
elle n'est qu'une Convention cadre qui, par définition,
ne fait qu' «... énoncer les
principes devant servir de fondement à la
coopération des Etats parties dans un domaine
déterminé...
», 63 la protection de l'environnement dans le cas
d'espèce. En dépit des objectifs
tant louables qu'elle s'est fixée, la Convention ne
définie pas avec pertinence les modalités de
réalisation de ces objectifs. C'est ainsi que,
dès la première conférence des parties, il a
été reconnu
l'inadéquation des engagements de la convention par
rapport aux objectifs fixés et la
nécessité d'initier un nouveau cycle de
négociation devant aboutir un instrument qui devra
renforcer la convention : le protocole de Kyoto.
62 UNFCCC, Op cit, p. 35
63 KISS (A.), « Les traités- cadres : une
technique juridique caractéristique du droit international de
l'environnement », in AFDI, 1993, p.
793.
34
2. Le protocole de Kyoto
Apres un bref aperçu la cause de sa naissance, nous
analyserons son contenu
ainsi que son mécanisme institutionnel.
2.1 Naissance du protocole de Kyoto : la question
de l'adéquation de l'alinéa a et b
du paragraphe 2 de l'article 4
La question de l'adéquation des alinéas a
et b du paragraphe 2 de l'article 4 de
la Convention découle de l'alinéa d du
paragraphe 2 de ce même article 4, qui a été
incorporé
dans le texte de l'instrument pour rassurer un certain nombre
de pays qui craignaient que
l'engagement pris par les Parties visées à
l'annexe I de ramener à l'horizon 2000 leurs émissions
de GES aux niveaux de 1990 ne soit pas suffisant.64
En effet, cette disposition prévoit que: «la
Conférence des Parties, à sa première
session, examinera les alinéas a et b
[du paragraphe 2 de l'article 4]65 pour voir s'ils
sont adéquats. Elle le fera à la lumière
des données scientifiques et évaluations les plus sûres
concernant les changements climatiques et leur impact, ainsi
que des données techniques, sociales
et économiques pertinentes. Sur la base de cet examen,
la Conférence des Parties pren-
64 UNFCCC, Op cit, p. 94
65 Art 4§2 :« Les pays développés
parties et les autres Parties figurant à l'annexe I prennent les
engagements
spécifiques prévus ci-après:
a) Chacune de ces Parties adopte des politiques nationales et
prend en conséquence les mesures voulues pour
atténuer les changements climatiques en limitant ses
émissions anthropiques de gaz à effet de serre et en
protégeant
et renforçant ses puits et réservoirs de gaz
à effet de serre. Ces politiques et mesures démontreront
que les pays développés prennent l'initiative de
modifier les tendances à long terme des émissions anthropiques
conformément à l'objectif de la Convention,
reconnaissant que le retour, d'ici à la fin de la présente
décennie,
aux niveaux antérieurs d'émissions anthropiques
de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre
non réglementés par le Protocole de
Montréal contribuerait à une telle modification et, tenant compte
des
différences entre ces Parties quant à leur point
de départ et à leur approche, à leur structure
économique et à
leur base de ressources, de la nécessité de
maintenir une croissance économique forte et durable, des
technologies
disponibles et des autres circonstances propres à
chaque cas, ainsi que de la nécessité pour chacune de
ces Parties de contribuer de façon appropriée et
équitable à l'action mondiale entreprise pour atteindre cet
objectif. Ces Parties peuvent appliquer de telles politiques
et mesures en association avec d'autres Parties et
aider d'autres Parties à contribuer à l'objectif
de la Convention, en particulier à celui du présent
alinéa;
b) Afin de favoriser le progrès dans ce sens, chacune
de ces Parties soumettra, conformément à l'article 12,
dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la
Convention à son égard, puis à intervalles
périodiques, des
informations détaillées sur ses politiques et
mesures visées à l'alinéa a, de même que
sur les projections qui en
résultent quant aux émissions anthropiques par
ses sources et à l'absorption par ses puits de gaz à effet de
serre non réglementés par le Protocole de
Montréal, pour la période visée à l'alinéa
a, en vue de ramener individuellement
ou conjointement à leurs niveaux de 1990 les
émissions anthropiques de dioxyde de carbone et
d'autres gaz à effet de serre non
réglementés par le Protocole de Montréal. La
Conférence des Parties passera
ces informations en revue, à sa première session
puis à intervalles périodiques, conformément à
l'article 7 »
35
dra les mesures voulues, qui pourront comporter l'adoption
d'amendements aux engagements
visés aux alinéas a et b...
».
La première session de la conférence des Parties
à la CCNUCC aura lieu en
mars 1995 à Berlin et, à l'occasion de celle-ci,
un premier examen des alinéas a et b. Dans sa
décision 1/CP.1, intitulée le «Mandat de
Berlin», la Conférence des Parties conclura que les
alinéas a et b du paragraphe 2 de
l'article 4 n'étaient pas adéquats et initiera un nouveau
cycle
de négociations visant à définir d'ici
1997 un protocole ou un autre instrument légal définissant
des nouveaux engagements plus spécifiques pour
après l'an 2000. Aux termes du paragraphe
4 de son point 1, le processus de négociation devrait
porter tout autant sur l'élaboration
de politiques et mesures que sur l'établissement
d'objectifs quantifiés de limitation et de réduction,
à des horizons spécifiés tels que 2005,
2010 et 2020, des émissions nettes de gaz à
effet de serre. Ces objectifs de limitation et de
réduction se situeront à un niveau inférieur à
celui de l'année de référence 1990.
Un autre point des négociations est le problème
spécifique de l'association des
pays en développement au processus. Le mandat de Berlin
spécifie que le nouveau cycle de
négociations conduirait tout au plus à
réaffirmer les engagements existants des pays en développement
(au titre de l'article 4.1 de la Convention), aucun nouvel
engagement ne devant être
introduit pour ces pays. La question de la participation
progressive des pays en développement
à l'effort collectif de prévention du risque
climatique reste néanmoins ouverte, en particulier
en ce qui concerne ceux d'entre eux qui se développent
le plus rapidement. La Convention
Climat offre en effet à ces derniers la
possibilité de rejoindre volontairement le groupe
des pays développés (article 4, §
2.g).66
L'adoption du "Mandat de Berlin" se traduira aussi par la mise
en place d'un
groupe de négociation, le Groupe ad hoc du Mandat de
Berlin ("AGBM") conformément au
point i du §2 de l'article 7. Cet organe
spécifique à composition non limitée se réunira
à plusieurs
reprises depuis, l'objectif étant de trouver un accord
permettant l'adoption d'un Protocole
ou tout autre instrument légal à l'occasion de
la troisième Conférence des Parties qui se
tiendra à Kyoto en décembre 1997.
Différents projets de protocole seront discutés, dont une
proposition formulée par la Communauté
Européenne, qui s'est prononcée pour une approche
combinant des engagements relatifs aux "politiques et mesures"
qui devront être mises en
66 CORNUT (P.), Op cit, p.56
36
place et des engagements relatifs à des "objectifs
quantifiés de limitation et de réduction" à
des horizons spécifiés. Fruit des travaux de la
huitième session de l'AGBM, le Protocole de
Kyoto sera adopté le 11 décembre 1997. Quel en
est le contenu ? Tel sera l'objet du point suivant.
2.2 Le contenu du Protocole de
Kyoto
Si le protocole de Kyoto vient en complément de la
CCNUCC, il en partage
tant les objectifs que les principes, une stabilisation des
GES, tout en renforçant de manière
significatif la convention en engageant les Parties de
l'annexe I à des objectifs individuels de
réduction légalement contraignant.
En effet, les Parties visées à l'annexe I qui
sont également parties au Protocole
ont accepté d'être juridiquement liées par
des engagements précis en matière de limitation ou
de réduction des GES. Ici encore est mis en
évidence le principe de la responsabilité commune
mais différenciée tel que défini par le
paragraphe 1 de l'article 3 de la convention. Les
objectifs que toutes ces Parties se sont engagées
à atteindre à cet égard sont consignés à
l'annexe B du Protocole.67 Les réductions
prévues ont été calculées de façon à
obtenir au total
une réduction d'au moins 5 % par rapport au niveau de
référence pour l'ensemble du groupe,
l'année de référence étant
normalement 1990.68 Toutefois, pour le choix de l'année de
référence,
une certaine latitude est accordée aux pays en
transition et pour certains types de gaz.69
Les objectifs de limitation et de réduction ne sont pas
calculés pour une année
donnée; ils correspondent à la moyenne des
réductions à opérer sur une période d'engagement
de cinq ans, de 2008 à 2012. La quantité
maximale d'unités d'émission de dioxyde de carbone
(ou de leur équivalent dans le cas d'autres GES) qu'une
Partie peut émettre pendant la période
d'engagement, si elle entend respecter pleinement l'engagement
qu'elle a pris à cet égard, est
dénommée quantité
attribuée.
67 UNFCCC, Op cit, p. 95
68 Idem.
69 Ibid.
37
Le Protocole ne fait pas de distinction entre les GES ni entre
les sources, les
considérant dans leur globalité. S'agissant des
GES, au lieu de définir des valeurs gaz par gaz,
il fixe des objectifs de réduction/limitation pour un
ensemble de quatre gaz (dioxyde de carbone,
méthane, oxyde nitreux, hexafluorure de soufre) et deux
catégories de gaz (les hydrofluorocarbones
et les hydrocarbures perfluorés),
énumérés à l'annexe A du Protocole. Figure
également dans cette l'annexe la liste des secteurs qui
sont à l'origine d'émissions de GES et
des catégories de sources correspondantes. À
certaines conditions, un pays peut prendre en
compte les absorptions de GES par les puits pour s'acquitter
de ses engagements. Même si à
chacune des Parties visées à l'annexe B
correspond un engagement de réduction ou de limitation
particulier, le Protocole renferme une série de
dispositions destinées à assurer une certaine
flexibilité. Les Parties peuvent se regrouper afin que
leurs émissions soient comptabilisées
collectivement plutôt qu'individuellement; c'est ce qu'a
choisi de faire l'Union européenne.
En outre le Protocole institue trois mécanismes de
flexibilité dont une analyse profonde
fera l'objet du deuxième chapitre.70
Il prévoit que les engagements qui y sont
énoncés seront réexaminés en vue
d'être renforcés au fil du temps. Il fixe
à 2005 le début des négociations concernant les
objectifs
à retenir pour la deuxième période
d'engagement, les Parties visées à l'annexe I de la
Convention qui sont parties au Protocole devant, d'ici
là, avoir progressé de façon manifeste
dans l'exécution de leurs engagements. En
conséquence, à sa première session, la COP/MOP
a décidé d'engager un processus afin
d'étudier les nouveaux engagements des Parties visées à
l'annexe I de la Convention pour la période
postérieure à 2012 et a créé à cet effet un
groupe
de travail spécial réunissant des Parties au
Protocole de Kyoto. Ce groupe a été chargé de diriger
les travaux et de faire rapport sur leur état
d'avancement à chaque session de la
COP/MOP (décision 1/CMP.1). Il a également
été prié d'accomplir sa mission dans les meilleurs
délais afin d'éviter tout hiatus entre la
première et la deuxième période d'engagement.71
2.3 Du système institutionnel mis en place
par le Protocole de Kyoto
Dans le but d'assurer le respect des engagements, le Protocole
de Kyoto prévoit
un système de contrôle ambivalent. Il s'agit
d'une part d'un mécanisme d'observance du
protocole en général, assuré par le
comité d'observance et d'autre part, un mécanisme
spécifique
de régulation des mécanismes de
flexibilité assuré par deux organes, le Comité
exécutif
70 UNFCCC, Op cit, p. 95
71 Idem
38
du mécanisme de développement propre et
le Comité de supervision de la mise en oeuvre conjointe
que nous analyserons dans la deuxième partie
consacrée à l'étude des mécanismes de
flexibilité.
S'agissant du comité d'observance, il convient
de retenir que celui-ci doté de
deux branches :
- une branche coercitive chargée de sanctionner le
non-respect avéré des principales
obligations du Protocole (engagements quantifiés,
obligations d'informations et
critères d'éligibilité aux
mécanismes de flexibilité cfr chap. 2) ;
- et une branche facilitatrice chargée d'aider les
Parties au Protocole à respecter leurs
engagements - et ce par un dispositif d'alerte reposant sur la
délivrance d'avis et de
recommandations - et de faciliter une assistance technique et
financière spécifique
aux pays en transition et en développement.
Le comité est composé de vingt experts, dont une
majorité auront été proposés,
sur la base de leurs compétences individuelles, par les
Parties n'ayant pas conclu d'engagements
quantifiés (c'est-à-dire aujourd'hui les pays en
développement). Le système
d'observance comprend aussi des procédures qui
garantissent les droits d'une Partie en difficulté,
l'accès du public à l'information non
confidentielle échangée devant le Comité d'observance
ainsi qu'une résolution rapide des litiges (32 semaines
devant la branche coercitive, sauf
pour les cas relatifs à la suspension du droit
d'accès aux mécanismes de flexibilité pour lesquels
existe une procédure accélérée de
22 semaines). La saisine du Comité d'Observance est
ouverte à toute Partie en difficulté, et
également à une Partie contre une autre. Aussi, une panoplie
de sanction est prévue, mettant en évidence le
caractère contraignant du protocole. A
titre d'exemple, la suspension du droit de vendre des permis
d'émission ou encore la suspension
aux mécanismes de flexibilité.
Aussi, il faudra signaler que certains organes de la
Convention ont été retenus
comme organes du Protocole. Tel est le cas de la
conférence des Parties et du Secrétariat de la
convention qui ont été retenues respectivement,
aux termes des articles 13 et 14 du protocole,
comme réunion des parties et secrétariat du
protocole.
39
De ce qui précède, il apparait clairement que si
les changements climatiques
sont un phénomène naturel, l'homme, par ses
activités, y exerce une influence non moins considérable.
Dès lors, la nécessité d'encadrer ce
forçage anthropique a élevé le climat, depuis la
fin des années 70, au rang d'objet de droit
international au même titre que la guerre, les relations
entre pays...
En dépit des hésitations dues à la
divergence des intérêts étatiques,
caractéristique
de la société internationale, les Etats sont
quand même parvenu à un compromis sur la
question climatique et la Convention cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques,
ainsi que son protocole subséquent - le Protocole de
Kyoto - en sont l'expression juridique.
Mais les objectifs de Kyoto ont un prix. Ce prix se
répercute directement sur le
rythme socio-économique des Etats qui ont des
engagements chiffrés. Dans ce contexte,
l'éventualité de son inefficacité ne fait
l'ombre d'aucun doute ; la politique interne aura toujours
raison d'une politique commune en faveur du climat. La
question qui demeure est celle
de savoir comment amortir ce « cout » qui
inquiète des Etats industrialisés (habitués à
certain
train de vie) et assurer par la même occasion
l'efficacité de cette action internationale?
La réponse à cette question est à
chercher dans l'outil économique auquel le
protocole fait appel, dans le but justement de rassurer les
Etats industrialisés et à permettre à
ceux qui, parmi eux, sont des maillons faibles dans le domaine
de la production-propre, de
tenir leur engagement : les mécanismes de
flexibilité et le marché-carbone.
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