SECTION II. LES EFFETS DU MARCHE-CARBONE SUR LA
PROTECTION
DE L'ENVIRONNEMENT
Parler des effets du marché-carbone dans la protection
de l'environnement appelle
la question de leur efficience dans la problématique de
la réduction des GES.
En effet, la consécration par le Protocole de Kyoto des
mécanismes de flexibilité,
et des marchés-carbone par la même occasion,
résulte de la nécessité d'une réduction des
GES dans le but d'une stabilisation de la température
globale de l'atmosphère à un certain degré.
Permettre aux Etats industrialisés de respecter leurs
engagements respectifs et aux PED
de se développer de façon durable, tel
était l'esprit des dispositions du Protocole consacrant
ces mécanismes.
Mais qu'en est-il pour l'instant ? Les marchés du
carbone ont-ils permis
d'atteindre ce double objectif ? Après avoir
analysé si les marchés-carbone contribuent vraiment
à la réduction des GES (§1), il sera
question d'aborder la problématique du développement
des PED, question de voir si les marchés-carbone
permettent réellement leur développement
durable (§2).
§1. De la réduction des GES par les
marché-carbone
« Afin de remplir ses engagements au titre de l'article
3, toute Partie visée à
l'annexe I peut... ». Tel est le libellé de
l'art.6 du protocole. Dans la même optique, l'art.17
note que « ... Les Parties visées à
l'annexe B peuvent participer à des échanges de droits
d'émission aux fins de remplir leurs engagements...
», le §2 de l'art .12 va aussi dans sens
«... d'aider les Parties visées à l'annexe
I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et
de réduction de leurs émissions prévus
à l'article 3... ». La lecture combinée des ces trois
articles
nous permet d'affirmer sans équivoque que les
mécanismes de flexibilité ont été insti-
104 GUIGON (P), Etat et tendances du marché-carbone
2012 : résume analytique, Washington (DC), Banque
mondiale, 2012, p. 3
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tués dans le but premier de permettre aux Parties de
tenir leur engagement et l'objectif des
marchés du carbone est d'inciter à
réduire les émissions de CO2.
Ces incitations peuvent influer à la fois sur les
décisions à court terme des principaux
acteurs du marché et sur celles de long terme. À
court terme, elles encouragent les industriels
des pays de l'annexe b à diminuer tout de suite leurs
émissions en utilisant les technologies
mobilisables et les réserves de capitaux disponibles.
À long terme, elles ont un impact
sur les décisions d'investissements des chefs
d'entreprise prises au fil du temps. Si les
incitations à long terme conduisent les dirigeants
à tenir compte des prix du carbone lorsqu'ils
planifient de nouveaux investissements en capital, elles
peuvent avoir des effets durables sur
l'économie.105 Mais Qu'en est-il ?
La réponse à cette question ne peut être
catégorique car s'il est vrai que le bilan
des marché-carbone reste mitigés (2), on a quand
même observé - surtout en ce qui concerne
l'EU ETS - des réductions limitées mais
significatives (1).
1. Des réductions limitées mais
significatives...
Bien que les recherches se poursuivent sur la question et que
les rapports concernant
la deuxième phase (2008-2012) du marché-carbone
européen ne sont pas encore publiés,
les premiers résultats vont dans le sens d'une
diminution modérée enregistrée entre
2005 et 2006, dans le droit fil des modestes ambitions de
plafonnement imposées pendant la
première phase. Comme le fait remarquer Barbara
BUCHNER dans une de ses analyses :
«...D'un point de vue plus général, trois
observations permettent de tirer la conclusion vraisemblable
que les émissions ont été
légèrement réduites :
- Les émissions de CO2 ont coûté aux
pollueurs en 2005-2006, ce qui aurait eu pour
conséquence de diminuer les émissions au fur et
à mesure que les entreprises
s'adaptaient à la nouvelle réalité
économique. L'expérience montre d'ailleurs que
les entreprises ont pris en compte le prix du CO2, en
particulier dans le secteur de
l'énergie.
- La production réelle a augmenté dans l'UE
à un rythme relativement soutenu en
2005-2006, ce qui laisse supposer, si l'on se
réfère à l'intensité des émissions de
CO2 qui va traditionnellement de pair avec les taux
historiques de croissance du
105 CONVERY(F), ELLERMAN(D) & DE PERTHUIS(C), Le
marche européen du carbone en action: enseignements de
la première phase, Paris, CEEPR, 2008, P.
18
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secteur de l'énergie, que les émissions auraient
été plus élevées ou tout au moins
se seraient maintenues au même niveau que les
années précédentes.
- Les émissions enregistrées en 2005-2006
ont été plus faibles que le niveau des
émissions indiquées par le SCEQE en 2002-2004,
même si on constate une tendance
vraisemblable à la hausse dans les données
antérieures à 2005. »106
Elle estime qu'avec le SCEQE, la réduction des
émissions de CO2 peut raisonnablement
être évaluée entre 50 et 100 Mt par an,
soit de 2,5 à 5 % de moins que si le système
n'existait pas.107
Les résultats d'une étude plus ciblée
réalisée sur les secteurs allemand et britannique
de l'électricité confortent le constat d'une
réduction modeste. En effet, en Allemagne,
on observe un changement dans la production
d'électricité : le lignite très polluant est
remplacé par le charbon plus propre, et on a davantage
recours à la biomasse. Au Royaume-
Uni, on utilise davantage le charbon dans la production
d'électricité aujourd'hui, et moins le
gaz naturel malgré le nouveau prix du carbone, en
raison d'une baisse de la production nucléaire
et des prix exorbitants atteints par le gaz naturel en 2005 et
au début de 2006. Pourtant,
il est probable que la production d'électricité
à partir du charbon eût été encore plus
importante
s'il n'y avait pas eu un prix à payer pour le CO2. De
même, on a constaté une nette amélioration
de l'efficience de la production d'électricité
dans les centrales à charbon en termes
d'émissions de CO2, qui pourrait être due
à l'utilisation accrue de la biomasse ou à un meilleur
rendement énergétique obtenu à la suite
de l'envolée des prix du charbon nécessaire pour
produire de l'électricité.108
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