2. Les acteurs des marchés-carbone
Il existe sur les marché-carbone, plusieurs acteurs qui
déterminent l'offre et la
demande. Si les Etats sont les acteurs par excellence, il y'a
aussi les entreprises (dans le cadre
des mesures nationales) ainsi que les investisseurs financiers
qui y jouent un rôle non moins
considérable.
98 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.13
99 Idem, p.14
100 Ibid.
55
2.1 Les Etats
Sujets par excellence du droit international, les Etats sont
les principaux acteurs
des marchés-carbone. Ces sont eux qui ratifient les
accords et qui, évidemment, prennent des
engagements chiffrés sur base desquelles on leur
attribue les UQA, objet des transactions en
cas de réserve ou de dépassement.
2.2 Les entreprises
Nous avions vu précédemment que les UQA acquises
par les Etats, selon leurs
engagements chiffrés respectifs, étaient
réattribuées aux entreprises nationales selon plans interne
d'attribution des quotas. Ainsi, elles peuvent vendre ou
acquérir des crédits selon
qu'elles ont pues éviter ou dépasser leurs
quotas. Cette situation fait d'elles des acteurs importants
sur les marchés-carbone.
2.3 Les autres acteurs et les
intermédiaires des marchés-carbone
A coté de ses deux acteurs, ils existent aussi des
investisseurs financiers. Cette
dernière catégorie regroupe à la fois les
grandes institutions financières, tout comme les
grandes banques, et même toute personne physique ou
morale désireuse d'acheter ou de
vendre des quotas à titre personnel. Par ailleurs,
comme dans le marché général, il existe aussi,
au sein du marché-carbone, des
intermédiaires.
En effet, la technicité et la complexité des
marchés-carbone obligent souvent
les éventuels acheteurs ou vendeurs à recourir
à des personnes ayant maîtrisé les arcanes de
ceux-ci. Ces intermédiaires sont les brokers,
les traders et les fonds-carbone.
Le broker peut être assimilé à un
courtier. Principal intermédiaire de marché
de permis, il ne fait que mettre en contact l'éventuel
acheteur et vendeur de crédits-carbone. Il
est rémunéré par une commission sur le
coût de la transaction.
Le volume des transactions où les acteurs ont
été obligés de recourir à un broker
témoigne de l'incontournabilité de ce dernier
dans le circuit commerciale du carbone.
A la différence du broker, le trader
achète des crédits ou des permis et il prend
donc un risque. Lorsqu'un trader achète des
crédits, il a tout intérêt à appuyer les projets
pour
améliorer leur attractivité sur le
marché. Ainsi, certains traders fournissent un appui technique
56
et regroupent plusieurs projets en un portefeuille pour
réduire les risques. Un exemple d'entreprise
se définissant comme trader est Ecosecurities.101
Les fonds carbone sont des partenariats entre acheteurs et
institutions privées
ou publiques. Ils centralisent une demande de crédits
de la part d'acheteurs et prospectent des
projets. Les crédits générés par
les projets sont alors distribués aux différents financeurs au
prorata de leur participation.
Les fonds peuvent apporter un appui technique pour
l'élaboration des projets.
De nombreux fonds existent actuellement. Les plus connus sont
les fonds gérés par la Banque
Mondiale : le Prototype Carbon Fund (PCF), les Fonds
MDP et MOC des Pays-Bas, le Community
Development Carbon Fund (CDCF), le Bio Carbon
Fund (BioCF) et les fonds carbone
italien, espagnol et danois.
A l'instar des brokers et des traders, l'intérêt
des fonds-carbone réside aussi
dans le fait que tous les acteurs des marché-carbone ne
sont pas forcément familiers des actifs
CO2, et peuvent considérer que leurs transactions sont
risquées, puisque les procédures
d'approbation des projets sont relativement longues et
incertaines avant que ne soient délivrés
les crédits. Les fonds d'investissement ont alors
l'avantage de pouvoir regrouper plusieurs
acheteurs et de permettre un investissement dans un
portefeuille de projets : le risque d'achat
est alors mutualisé et diminué pour les
acquéreurs.102
3. Dynamique des
marchés-carbone
Il est question, dans le cadre de ce point, de
présenter d'abord un aperçu de
l'EU ETS quant à l'évolution des volumes
échangés et des prix durant la phase pilote de sa
mise en place, à savoir de 2005 à 2007, et
ensuite de brosser les tendances actuelles.
3.1 Evolution de L'EU ETS durant la
première phase.
Il faudra noter que depuis 2005, le marché
d'échange de permis le plus actif est
le marché européen EU ETS. Au total, 322
millions de tCO2eq ont été échangées en 2005 et
1101 millions pendant le premier trimestre 2006. Ces
échanges ont représenté respectivement
101 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.17
102 ALBEROLA (E.) & STEPHAN (N.), « Les fonds
carbone en 2010 : investissement dans les crédits Kyoto et
réductions
d'émissions », in Etude climat,
n°23, mai 2010, p.6
57
7,9 et 24,4 milliards de dollars. En 2005 et 2006, les autres
marchés de permis ont rassemblé
2,6% des échanges (1,8% pour NSW, 0,8% pour CCX et
moins de 0,1% pour UK ETS).
Pendant l'année 2005 et le début de
l'année 2006, le prix de la tonne de CO2
sur le marché européen a oscillé entre 20
et 30 €. Fin avril 2006, il a chuté à 11 € suite
à l'annonce
de quelques pays que leurs réductions
d'émissions étaient supérieures aux prévisions.
En janvier 2007, le prix comptant était de 2,30 €
pour des crédits utilisables pour la première
période du marché européen (2005-2007) et
moins de 1 € en mai 2007, ce qui montre le
manque de tension sur les réductions à
l'échéance 2007. Cependant le prix pour des permis
futurs utilisables dans la seconde période était
entre 15 et 20 € en 2006 et 2007.
Les permis sur les différents marchés-carbone
ont des prix différents. Par
exemple, en 2005-2006, le prix moyen était de 12,4 US$
sur le marché australien NSW, de
4,4 US$ sur le marché britannique UK ETS et de 2 US$
sur le marché volontaire de Chicago
(CCX).
S'agissant des mécanismes de projets, en 2005 et 2006,
les volumes de transactions
avec ont atteint respectivement 374 et 518 millions de tonnes
de CO2, principalement
avec des projets MDP (92%), les autres marchés
étant minoritaires: 3% pour la MOC, 2%
pour les marchés volontaires et 3% pour les autres
marchés d'engagements en 2006. Sept
études différentes évaluent le potentiel
total du MDP pour la période 2008-2012 entre 250 et
2.500 millions de tCO2e, avec une valeur moyenne de 1.500
millions.
La part du MDP reste importante. En février 2007,
environ 1.600 projets MDP
étaient formalisés, dont 1000 en attente de
validation, 100 en cours d'enregistrement et 500
enregistrés.
Les transactions avec des projets se répartissent entre
marchés volontaires et
marchés d'engagements (MDP et MOC principalement).
Cette répartition a fortement évolué
depuis 2000. En effet, en 2000 les marchés volontaires
étaient les plus importants et représentaient
97% du total. En 2002, les marchés volontaires et les
marchés d'engagements regroupaient
des volumes semblables avec respectivement 49% et 51%. A
partir de 2005, les transactions
se font essentiellement sur les marchés d'engagements
avec 98% du total.
58
L'échelle des projets évolue également.
Entre 2004 et 2005, l'échelle moyenne
des projets est passée de 1,24 à 1,90 millions
de t CO2eq. Ceci reflète l'émergence de grands
projets industriels de réduction de gaz
synthétiques (par exemple les HFC) et une préférence
du marché pour les grands projets qui permettent de
réduire les coûts de transaction.
Dans les transactions avec des projets, le prix de la tonne de
CO2 dépend du
type de marché. Les prix sont faibles sur les
marchés volontaires comme le CCX avec un prix
moyen d'environ 4 US$ et une faible variabilité au
cours de la période 2005-2006. Sur le marché
des petites transactions volontaires (marché de
détail), la variabilité est très grande avec
des prix compris entre 0,5 et 9,5 US$ et une moyenne de 6,5
US$. Sur ce marché, de nombreux
projets ont valorisé leur image liée aux impacts
positifs sur les communautés locales ou
la biodiversité.
Les transactions réalisées avec des projets MDP
présentent des prix très variables,
entre 2,5 et 24 US$, avec une moyenne de 7,5 US$ en 2005 et
des prix supérieurs en
2006 (de 7 a 25 US$, moyenne de 11 US$). Le prix de la tonne
de carbone négocié entre
l'acheteur et le projet dépend de nombreux facteurs.
Par exemple, si le projet n'a pas encore
été validé, les contrats d'achats de
crédits proposent des prix plus bas que pour les projets
validés.
D'autres facteurs de risques influent sur la confiance qu'a
l'acheteur en la délivrance des
crédits pendant la vie du projet. Ils dépendent
par exemple de l'expérience du développeur de
projet et de la viabilité technique ou
financière du projet. Les prix dépendent également du
type de payement (anticipé ou à la livraison),
de la responsabilité des parties en cas de non
délivrance, de la date d'émissions des
crédits et des bénéfices socio-économiques et
environnementaux.
Les prix les plus élevés sont constatés
sur le marché de revente de crédits
CERs, avec un prix moyen de 23,5 US$ en 2005 et une faible
variabilité. En 2006, les prix
sont de 18 US$ en moyenne avec une plus grande
variabilité. Dans le cas d'une revente, les
prix sont élevés car l'acheteur ne prend pas de
risque de non délivrance du crédit ou de retard,
il achète un service qu'il peut utiliser
aussitôt.103
103 Lire, au sujet de l'évolution de l'EU ETS entre
2005-2007, GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit, p. 20-
24
59
3.2 Les tendances actuelles du
marché-carbone
Les marchés du carbone n'ont pas été pas
épargnés par la volatilité de l'économie
mondiale, conséquence logique de la crise ayant
caractérisé cette dernière. Soumis aux
signaux toujours plus clairs d'une offre excédentaire
au sein de l'EU ETS, les prix du carbone
ont décroché vers fin 2011. La valeur totale du
marché toutefois a crû de 11% pour atteindre
176 milliards de dollars (126 milliards d'euros) en fin
d'exercice, entrainée par un volume total
de transactions record de 10.3 milliards de tonnes de CO2eq
négociées.
Les quotas européens ont constitué la
majorité de ces transactions, avec 7.9
milliards d'unités échangées, pour une
valeur estimée à 148 milliards de dollars (106 milliards
d'euros). Le marché des crédits compensatoires
du Protocole de Kyoto, emmené par la liquidité
croissante des unités de réduction
certifiées d'émissions et l'introduction des unités de
réduction d'émissions sur les plateformes
boursières, a également connu une hausse des volumes
négociés en 2011. Ainsi, 1,8 milliards de tonnes
de CO2eq ont changé de mains (croissance
annuelle de 43%), pour une valeur totale de 23 milliards de
dollars (17 milliards
d'euros). Alors même que l'Europe a pu voir, en raison
d'une faible activité industrielle, le
niveau de ses émissions annuelles de GES baisser pour
la deuxième fois en trois ans, et que
les prévisions s'accordent sur une offre
excédentaire de quotas éclipsant largement la demande,
cet accroissement des échanges a en fait
été principalement motivé par des opérations
de couverture et d'arbitrage. Dans ce contexte, les
discussions se sont recentrées autour de la
faiblesse du signal prix créé par le
marché, et de sa capacité à stimuler des investissements
sur
le long-terme. Egalement au coeur du débat, le
déséquilibre résultant d'une caractéristique
unique à ce marché: la confrontation d'une
demande reflétant la situation macroéconomique
actuelle, et d'une offre préétablie selon un
scénario différent.
Du fait de la fin imminente de la première
période d'engagement du Protocole
de Kyoto, la valeur du marché primaire des URCE
pré-2013 a à nouveau chuté en 2011. Elle a
ainsi atteint 1.0 milliards de dollars (0.7 milliards
d'euros), soit une baisse annuelle de 32%.
Les marchés des URE et des UQA ont également vu
leur taille se réduire. Le marché primaire
des URCE post-2012 a en revanche augmenté de 63% pour
atteindre 2.0 milliards de dollars
(1.4 milliards d'euros), et ce malgré la baisse
générale des prix. Bien que la Chine conserve
son rang de premier pays vendeur d'URCE, la présence de
pays d'Afrique - en marge du
marché pré-2013 - s'est renforcée en
2011, ceux-ci représentant 21% des achats sur le marché
60
primaire de crédits post-2013. Il faut malgré
tout souligner que les contrats d'achat sont devenus
bien moins contraignants, en raison des incertitudes
persistantes quant au niveau réel de
demande résiduelle et à
l'éligibilité des crédits internationaux au sein des
marchés du carbone
existants et en cours de développement.104
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