3. Une forme de précarité ?
P. Cingolani préfère parler des
précarités plutôt que de la précarité, car le
concept recouvre plusieurs acceptions. Il me semble que l'emploi des
étudiant.e.s d'Epitech en auto-entrepreneur.e est, dans certains cas,
une forme de travail précaire. L'emploi précaire « concerne
généralement des emplois peu qualifiés et une
rémunération plus irrégulière » et implique
souvent un « déficit plus ou moins grand de protection »
(Cingolani, 2005). La précarité contemporaine se distingue de la
précarité des siècles passés par « la
manière dont les intermittences et les incertitudes sont sous la
pression directe de la monnaie, sous la contrainte directe du marché,
tandis que l'Etat et ses dispositifs sociaux apparaissent comme les seuls
recours devant ces contraintes. » Dans les emplois précaires,
« l'intermittence des temps produit une rupture dans l'unité du
collectif de travail et [...] la possibilité du licenciement, ou de la
menace de la fin de mission, un moyen de sujétion du salarié
», la discontinuité devenant ainsi un « instrument de
commandement et de subordination. » P. Cingolani rappelle que « la
précarité n'est pas seulement un fait objectif mais relève
d'une expérience et d'une activité subjective. »
Le statut d'auto-entrepreneur.e a été
décrit comme permettant une plus grande liberté et
flexibilité des travailleuse.eur.s, mais pour Cingolani, « Il n'y a
pas de précarité qui soit une liberté,
ceux qui le disent à droite ou à gauche se bercent et bercent
d'illusion. La précarité est une contradiction. Elle est
telle parce que la discontinuité est un enjeu divisé, entre, d'un
côté, sa compréhension néomanagériale en
termes de subordination, de flexibilité et de réduction des
sécurités. »
Epitech a donc bien compris ce qu'elle avait à gagner
en utilisant ce nouveau statut et illustre les nouvelles dérives des
entreprises pour lesquelles « La précarité n'est autre que
la discontinuité assujettie à la seule logique
managériale, rendue outil d'assujettissement dans le perspective de la
fructification économique » (Cingolani 2005).
On peut parler d'une forme de précarité pour
l'emploi des étudiant.e.s d'Epitech car « la
précarité désigne souvent un type d'emplois, dits
atypiques ou hors normes par rapport au modèle de l'emploi à
temps plein à durée indéterminée [...]. Mais elle
touche aussi au travail, c'est à dire, au contenu des activités,
et aux conditions de travail (horaires, pénibilité, manque de
reconnaissance). » (Bresson, 2010). De mauvaises conditions de travail
« favorisent la généralisation d'un sentiment
d'insécurité sociale » et ne permettent pas aux
étudiant.e.s de vivre normalement leur scolarité et leur
implication dans l'école.
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