Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.( Télécharger le fichier original )par Clémentine Pirlot Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013 |
2. La culture geek vue par les enquêté.e.sA la question « pour toi, qu'est-ce que la culture geek ? », les enquêté.e.s ont donné des réponses plutôt variées. Car la culture geek n'est ni fixe ni définie clairement, et dépend également du positionnement de la personne et de sa conviction d'appartenir ou non à la communauté geek. Seulement deux des quinze enquêté.e.s ont déclaré se considérer comme geek, les treize autres se déclarant comme ne l'étant pas ou ne se prononçant pas. Pour Guillaume, une distinction existe entre les « anciens » qui méritent réellement l'appelation geek, et les « nouveaux » qui sont nés avec la technologie : « il y a les anciens geek enfin pas anciens, les vieux geek on les appelaient pas geek en même temps dans les années 80 à 90 ce qu'on appelait les ados boutonneux et tout ça c'est ce que je considère comme des vrais geeks, en fait c'est les personnes qui étaient à fond dans ce qu'ils faisaient ça n'avait rien à voir avec le reste ils étaient considérés dans un monde un peu à part et après il y a notre génération c'est-à-dire que nous on a vécu avec l'ordinateur aujourd'hui les plus jeunes que nous ont toujours connu l'ordinateur donc ils sont on peut dire geeks de naissance donc on a une culture par rapport à ça, par rapport à Internet, par rapport à l'informatique, au monde des consoles, tout ce qui est électronique aujourd'hui. » Pas de distinction « vrai » et « faux » geek pour lui, il considère comme geek une génération entière. Sam, lui, n'a pas le sentiment d'être un geek car il ne recherche pas activement à l'être : « la culture geek ça veut dire beaucoup de choses. Ça veut dire tout ce qu'un geek est censé connaître dans ce cas là je pourrais dire que je suis pas geek. Il y a des choses que je connais mais je connais pas tout et je m'amuse pas à chercher des trucs de geeks pour devenir geek. Mon but c'est pas de devenir geek. » David ne se considère pas geek, car il ne se considère pas assez passionné par le domaine de l'informatique, « en fait pour moi un geek c'est pas vraiment le stéréotype en soi c'est juste quelqu'un qui est passionné et qui connaît vraiment son domaine c'est-à-dire que tu peux être geek en matière de maths enfin il y a plusieurs spécialisations donc après ça peut concerner juste les comics. C'est plusieurs domaines mais ça rapporte souvent à des trucs comme la science-fiction où les jeux vidéos ou les sciences. Moi je me considère pas geek je suis un peu touche-à-tout donc je peux pas dire que je suis geek mais c'est vrai que je m'intéresse beaucoup plus à ce domaine là. » 18 http://cafaitgenre.org/2012/08/18/joystick-apologie-du-viol-et-culture-du-machisme/ 41 Baptiste donne une définition intéressante de la culture geek, qu'il qualifie de « puriste » et l'on retrouve l'opposition « anciens », « nouveaux » : « c'est polémique. Moi je sais pas exactement. On on va dire j'en connais 80 % mais j'ai pas la prétention de dire que ce que j'ai moi comme conviction c'est la vraie. En fait pour moi j'ai pris la culture geek mais en tant que puriste en fait. C'est-à-dire fan d'informatique, féru d'informatique, débrouillard parce que à la base geek ça veut dire assez intelligent quand même. Qui s'intéresse à beaucoup de choses. Aussi féru de vieux jeux vidéo parce que je suis puriste et qu'à la base les geeks c'était ça, les gens qu'on mettait dans leurs cases, avec le micro-ordinateur de l'époque et qui s'y connaîssent en basique pour faire un jeu vidéo. Donc c'était ça pour moi geek et j'ai pris ce côté là. Je suis pas à leur niveau j'arriverai jamais à faire ce qu'ils faisaient parce que maintenant tout nous est mâché même si en fait c'est des trucs assez durs des fois tout nous est maché. Pour moi quand j'entends un mec qui dit je suis geek, je mange japonais je reste sur Facebook jusqu'à minuit, non tu n'es pas geek tu n'es rien du tout. Si c'est ça moi je suis pas geek du tout du coup ! » Cette dernière phrase montre la volonté de distinction des « faux geeks », des personnes se revendiquant geek sans remplir toutes les conditions, d'ailleurs changeantes, de la communauté geek. Louis fait écho à Baptiste, et fonde sa distinction sur l'utile et l'inutile : « pour moi un geek à la base c'est quelqu'un qui fait vraiment de l'informatique et de l'informatique utile c'est quelqu'un qui est accro à l'informatique mais dans le bon sens quoi. Pas forcément qui passe sa vie devant l'ordinateur. Pour moi c'est pas un geek. Moi je me considère geek dans le sens où je travaille énormément. Dans le sens où je suis constamment sur un ordinateur mais en train de faire quelque chose mais je me considère pas comme geek parce que je suis constamment sur facebook. » Matthieu offre une définition très genrée du « geek », qui semble, à ses yeux, avoir un sexe : « Pour moi un geek c'est un gars qui a la passion pour tout ce qui est informatique et électronique et tout ça. C'est ce que j'ai entendu dire après moi personnellement je m'en fous complètement. C'est pas que je me considère pas dedans c'est que je m'en fiche complètement si je le suis ou pas. » En opposition avec cette définition, Anissa voit la culture geek comme distincte de la culture « informatique » : « Alors la culture geek c'est pas du tout la culture informatique. C'est surtout tout ce que les gens qui sont pas trop geek ne comprennent pas. Tout ce que tu peux trouver sur Internet mais qui n'est pas forcément en rapport avec l'informatique. Plus poussé, mais, enfin pour moi c'est comme ça que je définis la culture geek. C'est pas du tout la culture informatique. C'est juste des trucs fan. » La seule fille à se déclarer geek est Chloé, qui considère qu'elle baigne dans cette culture : « pour moi c'est un monde à part. Moi la culture geek c'est pas quelque chose que je vois à part, c'est quelque chose que j'ai intégré tu vois. C'est difficile parce que quand tu dis geek il n'y a pas seulement 42 geek ordinateur, il y a aussi tout ce qui est ce qu'on appelle les otaku, qui sont fans de mangas, d'anime et tout. Donc moi je suis un peu dans tout ce qui est le dessin, donc forcément les anime, le mangas, je suis plus de ce côté-là mais je suis aussi côté un peu code, ordi. Je suis un peu des deux. Donc moi étant donné que je suis là-dedans, j'ai pas beaucoup de recul là-dessus. Mais globalement je le vois comme quelque chose de jeune, de frais, d'imaginaire et de sympa. C'est-à-dire, c'est pas qu'on vit dans l'imaginaire mais on se représente des choses qui n'existent pas forcément. Moi je le ressens comme ça en tout cas. Je trouve ça sympa. » Amélie, enfin, offre une définition plutôt large de la culture geek, qui tient plus d'un état d'esprit que de critères bien définis : « C'est marrant parce que en fait je suis en train de démissionner et en fait, j'ai fait un entretien où on m'a posé à la même question, mais presque pareil, on m'a demandé est-ce que tu te sens geek, et pourquoi. Et moi je vise des entreprises assez particulières. En fait moi je vise que des boîtes qui font du Linux donc si tu veux ça reste hyperspécialisé. C'est-à-dire que tous les entretiens que j'ai passés je suis allée à aucun entretien en costard. D'un autre côté moi je me dis c'est des entreprises que je vise donc, c'est le genre d'entreprise qui vont me poser la question. Ça dépend vachement des gens en fait. Moi je me mets, enfin... Vraiment pour moi ce que je ressens en fait, tout ce qui est, déjà aimer beaucoup l'informatique mais pas juste MSN et Facebook, pour moi c'est vraiment essayer plusieurs choses déjà, pas se contenter d'avoir un seul OS [système d'exploitation], avoir essayé une fois dans sa vie autre chose, juste pour voir ce que c'est à côté, être curieux, se dire ah ben tiens je vais voir ce qui se fait à côté. Pourquoi je préfère ça, aller essayer des nouvelles technologies. Par exemple toujours remettre en question ce qu'on a déjà appris, sur l'informatique toujours, toujours remettre en question ce qu'on a appris. C'est dire tiens si j'essayais ça. Vraiment être curieux, avoir envie vraiment de découvrir de nouvelles choses, même si c'est pas forcément pour les appliquer après mais juste se dire voilà est-ce que ça existe. Ne serait-ce est-ce que je ne pourrais pas le faire moi-même mieux. Et après que dans clairement moi c'est pas du tout les gens qui jouent aux jeux vidéos, même si ça en fait partie mais moi je trouve que c'est plus un effet de bord le fait que pas mal de gens jouent aux jeux vidéo. Après voilà, il faut faire partie d'une communauté avec des gens qui s'assemblent comme ça aussi, c'est important la communauté. » 43 |
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