WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

( Télécharger le fichier original )
par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre III
Culture geek

Une des premières hypothèses de travail postulait que la culture geek pouvait avoir un lien avec l'exclusion des filles à Epitech, car elle avait peut être un effet discriminant qui les excluait. Cette hypothèse en tête, la grille d'entretien fut donc enrichie de questions concernant la culture geek. La première question concernait la définition de cette dernière par les enquêté.e.s, puis une seconde question s'intéressait à la perception par les enquêté.e.s de l'importance de la culture geek à Epitech.

1. Qu'est ce que la culture geek ?

La culture geek nous vient tout droit des États Unis, et prend sa source dans le contexte bien particulier des « high school », pour devenir une culture populaire avec l'avènement de l'internet, des micro ordinateurs et de la mondialisation. Selon Jean-Baptiste Péretié, réalisateur du documentaire La Revanche des geeks, « A l'origine de l'origine, on trouve des formes anciennes du mot geek chez Shakespeare. Mais le stéréotype se fixe dans les années 1960-1970. Aux Etats-Unis, dans les cours de récréation, « geek » ou « nerd », c'était une insulte : quelqu'un de bon à l'école, apprécié des profs et pas forcément des autres élèves, qui avait du mal avec les filles... En France, c'est la figure du souffre-douleur. L'émergence de la culture geek est une épopée historique. Les années 1970 sont l'époque de la « lose », les années 1980-1990 celles de la contre-attaque15. » Le mot n'arrive que plus tard en France, dans les années 2000, et n'est pas chargé de la négativité qu'il avait à l'origine aux États Unis. Aujourd'hui, « geek » sonne presque comme un compliment et évoque le mythe du hacker, que nous avons évoqué précédemment, qui correspond à un homme capable de maîtriser l'outil technologique qu'est l'ordinateur. S'identifier à la culture geek permet donc un processus d'appartenance à un « nous » car « toute identification est en même temps différenciation. » Pour Barth, dans le processus d'identification, ce qui est premier, c'est précisément cette volonté de marquer la limite entre «eux » et « nous », donc d'établir et de maintenir ce qu'il appelle une « frontière. » Plus précisément, la frontière établie résulte d'un compromis entre celle que le groupe prétend se donner et celle que les autres veulent lui assigner » (Cuche, 2001).

15 http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/04/27/l-emergence-de-la-culture-geek-est-une-epopee-historique_1692451_651865.html

39

L'utilisation du mot de « culture » pour désigner tout ce qui est « geek » peut cependant être remise en cause, car la notion de culture en sciences sociales ne correspond pas à l'usage courant qui est fait du mot : « Toute forme d'expression collective devient « culture ». La culture se fragmente, la culture est en miettes. On évoque ainsi la « culture hip-hop », la « culture footbalistique »[...] Or, ces pratiques et ce qu'elles impliquent ne peuvent pas être assimilées à ces systèmes globaux d'interprétation du monde et de structuration des comportements correspondant à ce que l'anthropologie entend par « culture ». [...] Un exemple particulièrement significatif de manipulation sémantique est fourni par les grandes écoles françaises qui ont troqué depuis peu le terme d'« esprit » (« esprit école ») contre celui de « culture ». Cependant, parmi ces établissements, ceux qui se réfèrent à leur culture propre sont précisément ceux qui n'appartiennent pas au cercle restreint des écoles les plus prestigieuses »(Cuche, 2001). Le sociologue Denis Colombi propose, lui, de parler de « mouvement culturel », reposant sur un groupe d'individu.e.s dont l'objectif serait de « proposer, promouvoir ou imposer, selon leur degré d'ambition, un rapport spécifique aux productions culturelles.16 » L'identité geek n'est pas figée, « il n'existe donc pas d'identité culturelle en soi, définissable une fois pour toutes. [...] Si l'on admet que l'identité est une construction sociale, la seule question pertinente devient : « Comment, pourquoi et par qui, à tel moment et dans tel contexte est produite, maintenue ou remise en cause telle identité particulière ? » (Cuche, 2001). La réponse à la question « par qui » est avancée pas Denis Colombi, qui émet l'hypothèse « que les geeks ne se rencontraient pas dans n'importe quel « habitat » - plutôt urbain que rural - et pas dans n'importe quelle classe - classes supérieures plutôt que populaires » car « la culture geek témoigne d'un rapport « savant » à la culture populaire. Il s'agit en effet toujours de traiter des biens culturels peu légitimes, souvent rejetés par l'école par exemple, comme pouvant s'apprécier sur le même mode que les oeuvres légitimes. [...] Et on s'enorgueillit d'en savoir plus que les autres, d'être plus fan, plus savant, plus lettré, plus connaisseur que le commun des mortels et que les autres geeks. Les connaissances pointues dans des domaines que certains considéreraient comme triviaux, par exemple la science-fiction, Star Trek ou autre, sont des moyens de manifester leur exceptionnalité par rapport au tout-venant qui leur impose cependant des façons précises de travailler. » En ce sens, la culture geek « repose largement sur un modèle de distinction. Et que sont les interminables débats pour savoir ce qu'est vraiment le « vrai geek » si ce n'est une forme profonde et radicale de distinction, une façon de se poser comme plus savant, comme plus raffiné, comme plus geek que l'autre ? » L'identité geek n'est donc pas facile à revendiquer, car s'ensuivent des remises en question, comme le remarque une blogueuse17 : « Plus que le non-geek auquel il oppose une méprisante indifférence, le geek hait ce qu'il considère comme le « faux geek » - l' imposteur qui a l'audace de partager ses centres d'intérêts sans se conformer parfaitement aux codes de la communauté. Le « casual » qui n'investit pas autant de temps et de passion que lui dans son loisir, le « n00b » qui débute, le « kevin » qui est trop jeune pour geeker « correctement »...Les femmes et les LGBT semblent tout particulièrement insupportables, car il n'est pas pire macho que celui qui est en mal de virilité. C'est pourquoi « gay » continue à être l'insulte par défaut dans les

16 http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2013/03/economie-politique-du-geek.html 17 http://cafaitgenre.org/2012/08/18/joystick-apologie-du-viol-et-culture-du-machisme/

40

communautés gamers et jusque dans les jeux eux-mêmes. » En ce sens, être « le plus gros geek » devient une forme de valorisation et exige une hiérarchisation : « on parle de « covert prestige » : une nouvelle valorisation de soi au sein d'un groupe social peu prestigieux dans l'absolu. »18

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand