Le juge de l'excès de pouvoir au Congo( Télécharger le fichier original )par Edson Wencelah TONI KOUMBA Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur) 2011 |
B)- Fondement légal et applications jurisprudentielles.Bénéficiant d'une compétence exclusive dans l'exercice d'un contrôle de légalité des actes administratifs à travers une attribution légale, le juge de l'excès de pouvoir s'est évertué au cours de ces décennies à construire une jurisprudence constante et abondante dans ce domaine.
Cette consécration législative a été maintenue voir pérennisée (1) et la jurisprudence s'y rapportant n'a fait qu'entériner la volonté du législateur (2). 1- Une consécration pérenne faite par le législateur. En cinquante ans, le législateur a mis en place un véritable corpus juridicum ou un arsenal juridique qui fonde la compétence de la chambre administrative de la Cour Suprême en matière du recours pour excès de pouvoir. Ces textes ont dans le temps attribué la compétence et défini les règles des procédures y afférant. Le premier texte légal remonte en 1962 (loi n°4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la Cour Suprême). En effet, son article 2 dispose : « La Cour Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives », plus loin, son article 49 alinéas 3 appuyait : « Elle connait en outre des recours en annulation pour excès de pouvoir. ». Le second texte est celui du 21 avril 1983 (loi n°51-83 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière). Sans pour autant apporter des modifications, cette réforme a surtout consacré une procédure spécificique dans l'exercice du recours pour excès de pouvoir. Son chapitre II (des articles 405 à 415) étant intitulé : « Règles spéciales concernant le recours en annulation ». C'est cette procédure qui est restée en vigueur jusqu'à nos jours.
Les réformes qui interviennent en 1992 et en 1999 ne feront que réconforter cette compétence exclusive. Dans son article 3, la loi n°025-92 du 20 Aout 1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême dispose : « La Cour Suprême se prononce sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des diverses autorités réglementaires. ». Cette disposition sera reprise dans l'article 3 (nouveau) de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême.
En appui de ces dispositions, la chambre administrative de la Cour Suprême n'a cessé de construire une jurisprudence en la matière en faisant application de ces dispositions. 2- Les applications jurisprudentielles. Depuis sa création par la loi de 1962, la Cour Suprême et plus précisément, sa chambre administrative s'est évertuée à travers sa jurisprudence à appliquer les dispositions légales lui attribuant compétence en matière d'excès de pouvoir.
Si dans certains arrêts, elle se bornait simplement à mentionner ces dispositions, dans d'autres, elle allait jusqu'à repréciser l'organisation des compétences entre les formations administratives. Il en est ainsi dans l'arrêt M'BARGHA au terme du quel, le juge affirme Ó « Attendu que la Cour se trouve compétente par application de l'article 2 de la loi du 20 janvier 1962 (...) pour connaître de la demande du Sieur M'BARGAH tendant à l'annulation de la décision contenue dans la lettre 621 du 17 octobre 1961 du Ministre de la Fonction publique »49(*). De même dans l'arrêt N'DIAYE50(*) où elle se déclare incompétente pour apprécier une décision n'émanant pas d'une autorité congolaise. Dans l'arrêt KAYOULOUD elle affirme : « que le Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, en annulant l'acte administratif constitué par le précédent classement administratif a exercé une compétence réservée à la seule Cour Suprême statuant sur la légalité des actes administratifs »51(*). Cependant, cette union entre un législateur omniprésent et un juge de l'excès de pouvoir timoré suscite plusieurs interrogations : Les dispositions législatives sur l'excès de pouvoir limitent- elles le pouvoir normatif de ce juge ? Le réduisent t-il en un simple automate de sorte qu'il ne devienne « qu'une simple bouche dont la mission essentielle ne consisterait qu'à prononcer les paroles de la loi » ?52(*) PORTALIS, rédacteur du code civil devait lui-même le reconnaître : « ce serait une erreur de penser qu'il pût exister un corps de lois, qui eût d'avance pourvu à tous les cas possibles (...) on voit bien qu'il n'est pas de texte, fut-il en apparence le plus simple et le plus précis, qui n'appelle une interprétation des juges chargés de son application »53(*). Sans nul doute que la chambre administrative n'avait- elle pas saisi le message du législateur car, il est claire que celui-ci en lui attribuant cette compétence, n'avait pas prévu tous les cas de figures ni toutes les formes de réclamations pouvant faire l'objet d'un recours. Il appartenait donc à la chambre administrative d'élargir son champ d'action en adaptant cette compétence et en l'appliquant à chaque espèce. Il ne peut en être autrement car, le recours pour excès de pouvoir n'est nullement une construction légale mais plutôt prétorienne. Dans son pays d'origine, le Conseil d'Etat l'a forgé à travers des applications jurisprudentielles (Pariset, Dame Lamote, Lafage54(*)...). Mais, quelques fois, il arrive que le juge de l'excès de pouvoir prenne position en posant des principes contribuant ainsi à l'édification du droit administratif au Congo. Parmi ces rares cas, on peut relever : L'arrêt OSSENI Raimatou (CS.adm. 10 février 2005, arrêt n°04/GCS-2005), dans cette espèce, la chambre administrative de la Cour Suprême a retenu « qu'un courrier ordinaire informatif ne constituant qu'un acte unilatéral dépourvu de tout caractère décisoire ne peut valoir décision administrative susceptible d'un recours en annulation ». De même, dans l'espèce LECKALY Jean Michel et autres (CS.adm. 29 avril 2005, arrêt n° 09/GCS-2005), le juge de l'excès de pouvoir a retenu : « qu'en présence de deux dispositions inconciliables d'une même loi, le juge ne doit pas se borner à faire une application servile du texte de l'une ou de l'autre des dispositions à l'origine de la controverse, mais au contraire, doit rechercher quelle est celle des deux dispositions qui prime sur l'autre ; que pour ce faire, il doit rechercher l'esprit général du texte de loi et le but poursuivi par le législateur ».
Après avoir cerné l'organisation, la composition et les fondements de sa compétence, il paraît nécessaire de s'interroger sur l'office de juge. * 49 C.S. Adm, 26 juillet 1962, M'BARGA in La jurisprudence administrative de la CS (R.P. du Congo) 1962?1984 Brazzaville 1986 p.1 * 50 C.S. Adm 29 mai 1963, N'DIAY MAMADOU, op cit p.5 * 51 C.S. Adm 20 mai 1977, KAYOULOU, op cit p.47 * 52MADJIGUENE (D), La contribution du Conseil d'Etat sénégalais à la construction de l'Etat de droit in la Revue administrative (centenaire du Conseil d'Etat français) Paris 1999, puf. p.81 * 53 PACTEAU (B), La jurisprudence, une chance du droit administratif. Op. cit p71 * 54 CE. 8 mars 1912, LAFAGE. G.A.J.A op cit p.145 |
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