Le juge de l'excès de pouvoir au Congo( Télécharger le fichier original )par Edson Wencelah TONI KOUMBA Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur) 2011 |
CHAPITPITRE II? LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR.Parlant de la justice administrative, le Professeur Mohammed Amine BENABDALLAH écrivait Ó « Même en atteignant son point culminant de perfection, la justice administrative doit continuellement subir des retouches ; si ce ne sont des réformes profondes, tendant à l'améliorer, à réduire autant que possible, ses lacunes ; plus précisement, ce qui est susceptible de constituer une entrave entre l'opprimé et le juge »186(*). Depuis 1962, la justice administrative et partant, la Chambre administrative de la Cour Suprême connaît des difficultés dans l'exercice du contrôle de la légalité des actes administratifs. Pour une amélioration de ce contentieux, il convient de faire des suggestions allant dans le sens d'un renforcement des potentialités des juridictions administratives dans ce domaine ( Section 1) et des aménagements dans le transfert des compétences entre ces juridictions et d'autres organes ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs ( Section 2). SECTION I: RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR EFFICACE.Dès son accession à l'indépendance, le Congo, conscient de la nécessité d'instaurer les bases d'une justice administrative, sans laquelle toute entreprise démocratique s'effondrerait, avait institué, grâce à deux lois de janvier 1962, une procédure administrative et une Cour Suprême dont la chambre administrative avait reçu une attribution exclusive dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir. Mais, près d'un démi-siècle après, la connaissance de ce contentieux a revélé plusieurs défaillances et a été confronté à de nombreuses difficultés. Pour pallier à celles-ci, de nombreux auteurs ont proposé d'opter pour le dualisme de juridiction considéré comme la seule garantie d'une véritable justice administrative et partant d'un recours pour excès de pouvoir efficace. Or, la justice est avant tout une question de souveraineté qui s'attache à l'histoire de chaque nation. Le système d'unicité de juridiction pour lequel, le Congo avait opté n'est pas mauvais en soi, il suffit qu'on y apporte certaines réformes notamment Ó le transfert de la connaissance du recours pour excès de pouvoir aux juridictions inferieures (§1), et certains aménagements dans la répartition des compétences entre ces juridictions et les organes juridictionnels ayant reçu une compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs (§2). Paragraphe 1? Le transfert de la connaissance des actes des autorités locales aux juridictions inférieures.En abrogeant la loi n° 31/59 du 30 juin 1959 portant institution du tribunal administratif en République du Congo, le législateur du 20 janvier 1962 avait suprimé les Tribunaux Administratifs et institué un véritable système moniste juridictionnel. Cependant, dans ses articles 80 à 84, la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire au Congo, le législateur a rétabli ces Tribunaux. Epiloguant sur ce rétablissement, certains auteurs ont estimé que cette institution a « quelque peu affecté le système d'unicité de juridiction »187(*) et d'autres ont de ce fait qualifié le système juridictionnel congolais de « dualisme en trompe l'oeil »188(*) créant ainsi un parallélisme avec le modèle marocain. Cette dernière approche nous semble la plus aisée à condition que le législateur congolais procède à la mise en place effective de ces Tribuneaux administratifs qui comme pour le cas du Maroc seront compétents pour connaître de l'annulation des actes administratifs émanant des autorités locales (A). En créant ainsi un double degré de juridiction dans le contentieux de l'annulation, la chambre administrative de la Cour Suprême serait juge de cassation pour le contentieux de l'annulation de ces actes tout en ayant une compétence exclusive pour les actes des autorités centrales (B). A)-Le double degré de juridiction dans l'annulation des actes des autorités locales ? une inspiration du modèle marocain.Il serait pour nous plus judicieux de nous inspirer du modèle marocain (1). En effet, le législateur marocain , bien qu'ayant institué un système unitaire de juridiction a, par des réformes, rendu son système de contrôle juridictionnel des actes administratifs plus efficace grâce à un double degré de juridiction en la matière. Puis, nous transposerons ce modèle dans le système congolais qui possède déjà des jalons que le législateur de 1992 avait posé (2). 1- L'exemple marocain. Le recours pour excès de pouvoir a vu le jour au Maroc sans emprunter la voie qu'il a suivi dans son pays d'origine. Il a connu une évolution en trois étapes. En effet, le Dahir du 12 août 1913 relatif à l'organisation judiciaire du protectorat français du Maroc interdisait l'exercice du recours pour excès de pouvoir en ces termesÓ « Il est également interdit aux juridictions de connaître de toutes demandes tendant à faire annuler un acte d'une administration publique, sauf le droit pour la partie intéressée de poursuivre par la voie gracieuse la réformation de l'acte qui lui fait grief »189(*). En 1928, le Dahir du 1er septembre modifiant celui du 12 août 1913 attribue au Conseil d'Etat français la compétence de connaître des recours pour excès de pouvoir formés par des fonctionnaires du protectorat au Maroc contre les actes des diverses autorités administratives relatifs à l'application du statut de ces fonctionnaires. En 1957, deux années après son accession à l'indépendance, la Cour Suprême est créée et sa Chambre administrative se voit attribuer une compétence exclusive pour connaître en premier et dernier ressort des recours en annulation pour excès de pouvoir190(*). Jusqu'à cette étape de son évolution, le modèle marocain ressemble assez à celui du Congo. Mais, en 1994 ( soit deux ans après la loi créant les tribunaux administratifs au Congo ), sont entrés en fonction les tribunaux administratifs qui sont devenus territorialement compétents, pour connaître, entre autres, des recours en annulation pour excès de pouvoir, leurs jugements étant susceptibles d'appel devant la Cour Suprême. Mieux encore, avec le Dahir du 14 février 2006 sont mises en place des Cours d'appel administratives.
Désormais, les jugements portant sur le recours pour excès de pouvoir rendus par les tribunaux administratifs sont susceptibles d'appel devant les Cours d'appel et de pourvoi en cassation devant la Cour Suprême. Aujourd'hui, nul ne saurait contester que la création des tribunaux administratifs a eu un effet psychologique des plus salutaires sur une justice dans laquelle l'institution du recours pour excès de pouvoir constitue une arme de défense des droits et libertés. Si l'on se réfère aux chiffres, on se rend compte qu'en trente-sept ans, soit de 1957 à 1994, la chambre administrative de la Cour Suprême du Maroc n'avait rendu qu'environ 1700 arrêts, alors qu'entre 1994 et 2006, le tribunal administratif de Rabbat, à lui seul, a rendu 4039 arrêts portant sur ce recours. Sur le plan pratique, les juridictions inférieures dotées des compétences en matière d'excès de pouvoir ont inauguré une nouvelle manière d'appréciation de l'action administrative et des relations de l'administration avec ses usagers. Sitôt mis en place, elles se sont saisies sur les premières occasions pour fléchir une jurisprudence qui concordait fort mal avec les réalités de la société dans laquelle elles ont été instituées. C'est donc ce modèle qui du fait de sa ressemblance avec le système congolais ; devrait être transposé au Congo pour un renforcement du contrôle de la légalité des actes administratifs. 2- Application dans le système congolais ? fonctionnement des tribunaux administratifs et renforcement des Chambres administratives au sein des Cours d'appel. Ce sont des institutions qui existent déjà, du moins du fait de la loi. En effet les articles 80 à 84 de la loi de 1999 sur l'organisation judiciaire prévoient la création des Tribunaux administratifs par districts ou arrondissements et l'article 56 alinéa 3 prévoie au sein d'une Cour d'appel « Une ou plusieurs chambres administratives compétentes pour connaître des appels en matière administrative». En matière administrative, le double degré est établi par l'article 48 de la même loi en ces termes Ó « Les Cours d'Appels connaissent en dernier ressort des appels des jugements rendus en premier ressort par (...), les Tribunaux administratifs...». Il ne manque plus que deux choses Ó D'abord la mise en place effective des tribunaux administratifs dans chaque ressort d'une Cour d'appel ( Brazzaville, Point-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso ) dans un premier temps. Ensuite, une loi attribuant la compétence à ces tribunaux (au premier degré ) et aux Cours d'Appels à travers leurs chambres administratives ( au second degré ) dans la connaissance des actes des autorités locales ( déconcentrées et décentralisées ainsi que ceux des établissements publics relevant du ressort de ces juridictions ). En termes plus clairs, nos suggestions portent sur le fait que la connaissance du contentieux de l'annulation des actes administratifs ne doit plus être considérée comme l'apanage de la seule chambre administrative de la Cour Suprême. Ce contentieux doit être décentralisé ou libéralisé, en transférant une grande partie aux juridictions de niveau inférieur. Mais les juges du fond ne connaitront que de l'annulation des actes d'une certaine catégorie notamment, ceux des autorités déconcentrées ou décentralisées telles que les Prefêts, les Maires, les Directeurs départementaux et les autorités des Etablissements publics accomplissant des missions de services publics et dont les actes sont susceptibles de recours. L'institution d'un double degré de juridiction en matière du contentieux de l'annulation aura un triple avantages Ó D'abord rendre le juge de l'excès de pouvoir plus proche de l'administré ; ensuite rapprocher ce moyen de contrôle de l'administration déconcentrée et décentralisée et enfin permettre aux jeunes magistrats en début de carrière à s'imprégner de ce contentieux et d'être aguerris à son examen. La chambre administrative de la Cour Suprême deviendrait ainsi juge de cassation pour l'annulation des actes émanant des autorités locales, tout en conservant la compétence exclusive pour les actes des autorités nationales. Ces réformes nécessitent un amendement des règles procédurales. * 186 BENABDALLAH (M.A), op cit p.22 * 187 LOKO (I), Protection des Droits et des Magistrats au CongoÓ Pathologie d'une justice exsangue, in col. De Yaoundé sur les Droits de l'homme en Afrique Central.1994 * 188 BOUMAKANI (B), op cit p.84 * 189 BENABDALLAH (M.A), Dix ans des Tribunaux administratifs au Maroc (1994-2004), p.6 * 190 idem |
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