B)- Un juge inconnu tant des administrés que des
autorités administratives congolaises.
La compétence exceptionnelle de la Chambre
judiciaire de la C.E.M.A.C dans l'annulation d'un acte contraire au droit
communautaire ne peut s'exercer que si celui-ci est saisi par les
ressortissants communautaires. Or au Congo, la C.E.M.A.C est plus
considérée comme une institution axée sur
l'économie et les finances. La réalité du droit C.E.M.A.C
et la prise en compte de ses instances judiciaires est assez mal connue dans la
vie sociale, (enseignements, formations et pratiques administratives ). Cette
méconnaissance a pour conséquence, le fait que le juge
communautaire est ignoré tant par les administrés (1) que par les
autorités administratives auteurs des actes qui vont parfois à
l'encontre des exigences communautaires (2). Ces difficultés
n'étant pas le fait du juge communautaire, elles lui sont donc
exogènes.
1-La méconnaissance du juge C.E.M.A.C par les
administrés.
Déjà au plan interne, les
administrés congolais pour des raisons que nous ne sauront
évoquer ici connaissent très mal le juge de l'excès de
pouvoir institué par le législateur, c'est-à-dire la
Chambre administrative de la Cour Suprême. A plus forte raison le juge
communautaire dont l'existence et les procédures de saisine ne sont
mentionnées que dans des textes communautaires.
De plus, il faut relever que le citoyen congolais n'est pas
informé sur les réalités du droit communautaire. En effet
qu'il s'agisse des enseignements au sein des facultés de droit
(publiques ou privées) ou dans des centres de formations
professionnelles, les programmes ne prennent pas en compte le droit C.E.M.A.C.
Lorsqu'un cours sur le droit communautaire est dispensé, celui-ci est
plus axé sur le droit O.H.A.D.A. En conséquence, le Congo se
retrouve avec peu de personnes spécialisées en droit
C.E.M.A.C.
Ainsi, même les professionnels du droit ( avocats,
huissiers, notaires...) semblent ne pas avoir une maîtrise de ce
droit ; ce qui fait que les administrés ne sont ni informés
ni conseillés en ce sens. Le juge communautaire ne pouvant
s'auto-saisir en cas de violation d'une norme communautaire par un acte
administratif émanant d'une autorité de l'Etat membre, cet
aspect du contentieux reste embryonnaire.
Mais l'administré n'est pas le seul à ignorer
l'existence du juge communautaire et sa compétence dans l'annulation
d'un acte contraire aux dispositions communautaires ; les autorités
administratives ignorent aussi dans la plupart des cas l'existence de ce
juge.
2-Un juge ignoré par les autorités
administratives.
Deux situations peuvent être évoquées
dans l'exercice de la compétence du juge communautaire en matière
d'annulation des actes contraires aux normes communautaires de la C.E.M.A.C.
D'abord, en amont du processus d'intervention de ce juge,
c'est-à-dire lors de la prise d'une décision par
l'autorité administrative. Celui-ci peut ou ne pas prendre en compte les
dispositions de la C.E.M.A.C. Soit parce que, cette autorité (maire,
prefet, ministre...) ignore les dispotions communautaires qui régissent
le domaine d'intervention de l'acte en cause. Soit parce que, les
impératifs de satisfaction de l'intérêt
général au niveau interne ne cadrent pas avec l'ordre
communautaire. Cette autorité privilégie alors
l'intérêt national et viole l'ordre communautaire.
De ces deux situations, il va naître un contentieux
tendant à l'annulation de l'acte dont la compétence relève
du juge communautaire en sa qualité de gardien de l'ordre légal
communautaire.
Ensuite, en aval de ce processus d'exercice de cette
compétence c'est-à-dire, lorsque l'acte contraire à
l'ordre communautaire a fait l'objet d'une annulation à la suite d'un
recours intenté par un ressortissant de la communauté devant le
juge communautaire. Dans ce cas, il appartient à l'administration de
l'Etat membre dont émane l'acte annulé d'exécuter la
décision du juge communautaire. A ce titre, l'article 5 de la
Convention du 5 juillet 1996 relative à la création de Cour de
justice de la C.E.M.A.C dispose que : « Les décisions rendues
par la Cour de Justice en application de l'article 4 ont l'autorité de
la chose jugée et force exécutoire », et l'article 16
dispose que Ó « L'Etat membre ou l'organe dont l'acte a
été jugé non conforme au droit communautaire est tenu de
prendre des mesures nécessaires à l'exécution de
l'arrêt de la Chambre judiciaire ».
Qu'il s'agisse de la Chambre administrative de la Cour
Suprême ou des juridictions ayant une compétence exceptionnelle
dans l'annulation des actes administratifs, les difficultés auxquelles
ils sont confrontés sont multiples et nous ne pouvons prétendre
avoir été exhaustif. Mais, le recours pour excès de
pouvoir étant une construction progressive, son amélioration ne
passe que par un renforcement des potentialités des juges ayant en
charge ce contentieux. Tel est l'objet de notre dernier chapitre.
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