E) Selon leur expérience, quelle
spécificité les personnes interviewées donnent--elles au
champ du vieillissement?
Christophe, lors de son cheminement professionnel, nous a
déjà expliqué que, pour lui, l'accompagnement au sein
d'une structure pour personnes âgées était plus abouti car
la logique du sens était nettement plus élevée que la
logique du jeu. Il l'explique par le fait que les personnes âgées
n'ont plus d'autres enjeux que leur humanité et c'est aussi ce qui les
rend vulnérables. L'accompagnant a donc peu à « gagner
» au niveau narcissique mais tout à acquérir au niveau
existentiel. Il dit: « Dans un établissement d'accompagnement
pour personne âgées en fin de vie, le jeu est difficile, ça
élimine cette dimension là et du coup les personnes sont
confrontées à une obligation, sauf à se désinvestir
et à faire le minimum, et se protéger d'une certaine
manière. Mais de toute manière le travail qu'elles font ne peut
se faire que dans une dimension d'altruisme et de confrontation, sinon c'est
difficile de tenir sur du long terme donc, ça, ça amène un
accompagnement plus épuré».
Christophe rajoute que c'est un accompagnement plus axé
sur la relation. Il explique que pour épauler ou soigner les personnes
âgées, la capacité de l'accompagnant à être en
relation fait la différence. Il intervient donc beaucoup à ce
niveau là au sein de ces institutions, il dit: « Donc oui on
peut aider un technicien à serrer des boulons mais une personne quand
elle accompagne ou soigne une personne âgée, on peut lui montrer
comment faire techniquement, on peut lui montrer... la cadrer dans son
comportement pour pas qu'elle fusionne, pour pas qu'elle projette, etc...
qu'elle gère bien la distance mais l'essentiel va venir de sa propre
capacité à s'investir dans une relation ». Il explique
que la qualité vient de l'humanité, de qui on est. Nous
comprenons alors que le sens est lié à la notion
d'humanité et que l'action qui en découle et qui apporte de la
valeur, est la relation que l'accompagnement a su mettre en place.
Christophe raconte également très bien ce qu'il
a vu lors de ses différents stages dans l'accompagnement de fin de vie,
il a pu remarquer que les personnes étaient totalement renvoyées
à leur propre approche de la fin de vie et le vivaient mal pour
certaines. Dans
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ce cas, comment accompagner une personne en fin de vie si
c'est un problème pour soi-- même? Christophe répond:
« Je dirais c'est la capacité à être
professionnel, à mettre à distance sa propre problématique
pour s'occuper des autres, on peut faire un bon accompagnement de fin de vie en
vivant soi même difficilement les choses, mais il faut être en
mesure de ne pas mélanger tout». C'est donc également
une spécificité qu'apporte le coaching lors d'accompagnements au
sein des institutions pour personnes âgées. Christophe explique
bien qu'au sein de ces structures, le personnel travaille avec la
vulnérabilité et est renvoyé à sa propre
vulnérabilité.
Je reprends également les termes utilisés par
Sonia, que nous avons déjà vus, et qui correspondent
également à cette notion d'humanité dont nous parle aussi
Christophe. Effectivement Sonia insiste beaucoup sur le fait que travailler
avec et pour des personnes âgées est très fragilisant car
cela renvoie à ses faiblesses, ses peurs sa sensibilité
émotionnelle. Elle dit une phrase que nous retrouvons également
chez Christophe: « et comment rester professionnelle tout en
étant humain et sans être mal le soir en rentrant chez soi.
».
Je termine en mentionnant la perception de Jessica, que nous
avons également déjà vu, et qui explique clairement que
les personnes âgées ont besoin d'une ambiance saine et rassurante
pour exprimer leur vulnérabilité en confiance.
Dans ces 3 points de vue, nous retrouvons comme
spécificité la notion d'humanité dans ce qu'elle a de plus
vulnérable et de plus fragile et nous comprenons alors le coaching
spécifique sur ce point lors d'interventions au sein d'institutions pour
personnes âgées.
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