B) Quelle est la définition que les personnes
interviewées donnent au coaching?
Christophe avait déjà dans l'idée d'aider
les personnes au travail, il a très vite su qu'il voulait être
consultant et utiliser cette approche coaching car ce qui l'intéressait
dans cette approche, c'est qu'elle n'était pas basé sur du soin,
comme le travail que fait le psychologue, mais sur l'affirmation de soi et la
compétence professionnelle. Il dit qu'il n'a pas suivi de formation car
il s'est servi de sa personnalité, de ses intuitions et parle de son
métier d'ingénieur à ce sujet: « moi c'est plus
mon métier d'ingénieur qui opère, une analyse très
rationnelle des choses, une observation. J'en déduis un certain principe
de comportements, ce que génère l'agressivité, ce que
génère l'écoute, c'est de la sociologie en fait je pense.
». Ce qui lui permet alors d'avoir des clés de
compréhension, de comprendre mieux ce qui se passe pour la personne et
de pouvoir donc l'aider à y voir plus clair « à trouver
son chemin » pour reprendre ses mots. Effectivement nous pouvons
remarquer chez Christophe cette capacité d'analyse logique,
méthodique et raisonnable et il l'exprime parfaitement quand il dit que
son travail de coach est très technique et non psychologique: «
en fait je n'interviens qu'à partir du moment où j'ai un objectif
opérationnel clair, d'efficacité collective, d'excellence, de
qualité, de performance ». C'est pour cette raison qu'il
explique ne pas avoir besoin d'être supervisé car il
s'évalue sur le résultat. Il dit « en fait je suis
supervisé par mes clients ». Si la mission est réussie
et que la personne coachée arrive à gérer ce qui
était difficile pour elle, alors c'est qu'il a utilisé les bons
outils sinon il s'adapte aussitôt et utilise de nouveaux outils, de
nouvelles approches. Christophe n'a pas eu de formation spécifique
cependant il dit qu'il a eu des influences, qu'il a pioché des
idées à droite et à gauche, il l'explique ainsi: «
c'est plus ce qu'on m'a dit d'un livre qui m'a intéressé que
de le lire. Parce qu'il ne me semble pas qu'on soit arrivé encore
à une connaissance de l'humanité telle que l'on puisse proposer
un schéma global. Quand je lis un livre je trouve que c'est trop
exclusif ou trop finalisé, trop fermé par rapport à la
vision de la personne qui l'a écrit, j'aime bien que ça reste
ouvert. Trop schématique, trop modélisé, moi j'aime bien
en revanche me dire « tiens cette personne a perçu ça, son
idée est intéressante » Christophe ne se formate pas
sur une idée
70
précise, il écoute toutes les idées, les
analyse avec son esprit logique, les teste sur les clients et voit si cela
fonctionne. On retrouve son côté très rationnel. Il
explique bien que certaines approches peuvent réussir sur un client et
pas sur un autre: « L'humanité est tellement complexe que
finalement il y a des angles d'approches et c'est très
intéressant. Quand on a compris ça, les choses
s'éclairent... pour être plus lucide sur ce qui se passe
». Christophe précise que le coach doit effectivement
être lucide mais que cela ne donne pas forcément de la
pédagogie. Il dit se servir également beaucoup d'outils de
développement personnel comme la PNL et l'analyse transactionnelle, les
utiliser par bribes également et ne les utiliser qu'à partir du
moment où il les a vérifiés. Certaines approches de
développement personnel lui paraissent effectivement très
intéressantes notamment pour maitriser la dimension émotionnelle.
Pour Christophe tous ces outils sont avant tout des outils de
compréhension de l'être humain plus que des outils d'action. Il
s'est ouvert à toutes ces approches de compréhension de
l'être humain pour se faire sa propre « palette d'outils »
qu'il a lui--même expérimenté et qui ont fonctionné.
Christophe reste dans l'ouverture, il ne classe pas l'être humain, ce qui
lui permet de rester dans le respect et la bienveillance: « Il y a une
règle pour moi qui est impérative et bien au delà, c'est
le non jugement, c'est l'absence total de jugement. Même si la personne
raconte des horreurs, ce n'est pas mon rôle de juger, moi je suis
à recevoir la personne, c'est l'accueil. ». Il précise
qu'à travers l'accueil, la personne peut alors prendre conscience de ses
attitudes et ses actes. On comprend ainsi que l'accueil est également un
outil. Quand, dans son livre « les managers de l'âme »,
Valérie Brunel insiste sur la posture « intelligente » qui est
de ne pas interpréter mais d'observer les faits et de les formuler avec
tact et respect, cela rejoint, à mon avis, ce concept de non
jugement.
D'ailleurs, concernant le positionnement du coach, Christophe
met bien en avant l'humilité, il dit « Il faut beaucoup
d'humilité et être très centré sur l'enjeu de la
personne qu'on a en face de soi ». Il explique que cela demande
beaucoup d'énergie et qu'il est plus important pour le coach de se
ressourcer que d'être supervisé. Il précise sa
pensée en indiquant qu'il s'est rendu compte que le coaching le plus
efficace n'était pas forcément le coaching le plus
intellectualisé, il rajoute d'ailleurs : « C'est à dire
que c'est, un moment donné, de l'énergie. On sent qu'il y a de
l'angoisse, du stress, du déni, de la mauvaise foi, qu'on nous raconte
des salades et tout ça, qu'il y a beaucoup de stress, que ça part
dans tous les sens, donc la seule chose à faire est d'arriver à
se recentrer soi même, de se poser et d'attendre que ça passe
», il a fait l'expérience que cela permettait de revenir dans
la
71
réalité et d'être plus sensé. On
retrouve encore sa rationalité qui permet de travailler sur des faits et
calmer et/ou gérer alors les émotions. Il rajoute: «
Petit à petit la personne commence à reprendre des
repères un peu plus solides et des fois il faut accepter de rentrer dans
le trouble, d'aller dans la désorientation, émotionnelle, ou
intellectuelle, de la personne, plutôt que de l'empêcher de faire
des bêtises. L'accompagner la dedans et la rejoindre là où
elle est sensée.... ou elle a besoin d'un avis sensé ».
On comprend alors mieux pourquoi Christophe dit que le coach doit rester
calé dans sa propre dimension. Nous avons vu que grâce à
son métier d'ingénieur qui a induit sa logique rationnelle,
Christophe peut alors ramener à la réalité le tourbillon
émotionnel que vit la personne et ainsi travailler de façon
méthodique sur l'affirmation de soi et les compétences
professionnelles. Pour cela Christophe s'appuie sur des éléments
basés sur le développement personnel ou sur son expérience
factuelle et utilise diverses approches. Il utilise comme levier la
pensée suivante: « sortir de l'enfance et devenir adulte
». Pour cela, il va se servir de méthodes qui
développent la posture adulte. Par exemple il va travailler sur le sens,
il dit: « ce qui donne du sens, c'est pas moi, c'est l'autre
». Son idée étant de sortir de soi pour se centrer sur
l'enjeu de quelqu'un ou d'une société. Il va également
travailler sur l'autonomie, il confirme: « pour moi l'autonomie est au
coeur du processus ». Il va alors aider la personne pour qu'elle se
construise et trouve ou retrouve son autonomie, notamment pour renforcer sa
relation à l'autre. Comme l'exprime Christophe, si la personne perd son
autonomie, elle n'est plus en relation et fait alors simplement ce qu'on lui
demande. Nous comprenons bien le cheminement logique de passer de l'enfance
à l'adulte. L'enfant fait ce qu'on lui demande alors que l'adulte
intègre les enjeux et fait des choix responsables. Pour renforcer cette
dimension, Christophe nous renvoie également sur la question du
positionnement et donc du rôle. Il nous explique qu'elle est fondamentale
dans la notion de responsabilité. Il précise: « ce qui
fédère l'équipe c'est la mission commune, mais par rapport
à cette mission commune la cohésion se construit, se fait dans la
notion d'interdépendance. Donc on a besoin les uns des autres mais pour
avoir besoin les uns des autres, il faut savoir qui fait quoi ou qui est
responsable de quoi. ». Nous retrouvons ainsi parfaitement le
positionnement adulte.
Nous découvrons chez Sonia certains mots et/ou une
approche similaire ou complémentaire à la vision de Christophe.
Je vais les détailler ci--après.
72
La première phrase que dit Sonia quand elle parle du
coaching est: « c'est un outil qui prenait en compte les
salariés, c'est un outil bienveillant, c'est un outil qui appuie
beaucoup sur l'autonomie et la responsabilité ». Nous
retrouvons cette approche concernant la notion de l'autonomie. Cependant Sonia
l'exprime différemment, elle met davantage en avant la reconnaissance
des ressources des salariés mais en tant qu'être humain avant
tout, dans le sens du vivant, de l'existentiel. Elle exprime qu'elle s'est
rendu compte qu'en considérant la sensibilité de l'être
humain, son savoir être, ses capacités de compréhension et
ses ressources alors les salariés se sentaient davantage exister et
respectés, elle ajoute qu'elle s'est rendue compte: « qu'ils
devenaient matures, professionnels... et le coaching apporte ça en fait.
». Valérie Brunel, dans son livre « les managers de
l'âme » rejoint cette idée en parlant de la technique
d'influence. Cette technique, permettant au manager de n'être ni
autoritaire ni menaçant, reconnaît le salarié dans sa
capacité de compréhension de la problématique.
Nous retrouvons également dans les propos de Sonia
l'approche sur la maturité, le mode adulte. Pour Christophe cette
pensée est un levier sur lequel appuyer son accompagnement pour
atteindre la mission commune, pour Sonia c'est un but à atteindre pour
permettre à la mission commune de se réaliser car elle
précise que le personnel se sent alors plus concerné: «
l'importance de l'autonomie pour moi est lié à l'importance
de la responsabilité et donc la personne se sent exister et
concernée et je pense que tout le monde à besoin de se sentir
exister ». Par ailleurs, nous retrouvons également cette
notion d'existence dans les propos de Christophe quand il met en avant la
question de s'inscrire dans l'histoire de l'humanité, de donner sa
contribution personnelle en tant qu'être humain.
Contrairement à Christophe, Sonia a effectué une
formation pour devenir coach professionnelle. Elle parle également de
divers outils qu'elle utilise dans son coaching. Elle nomme deux exemples
d'outils de développement personnel, la PNL et l'analyse
transactionnelle identiques à ceux qu'utilise Christophe. Et,
pareillement elle parle de ces outils comme d'une aide pour mieux comprendre
l'être humain, elle dit: « en coaching on utilise un peu de tout
ça, on n'est pas des praticiens de la PNL ou autre, on est petit
praticien de tout, on utilise les bases de tout pour comprendre ce qui se passe
chez l'être humain, ou il en est, comment il fonctionne, connaître
ce qu'il se passe chez l'être humain, en terme de croyance, ou de
positionnement, de psychologie, on a besoin de comprendre tous ces aspects pour
savoir comment l'aider, avec notre art du
73
questionnement». Effectivement, elle rajoute
comme outil « l'art du questionnement ». Elle en donne la
définition suivante : « comment questionner quelqu'un avec
bienveillance et humilité pour l'amener à réfléchir
et aller au plus profond de lui même pour aller chercher ses ressources
et sa façon... et ses croyances limitantes et positives, qu'il en prenne
conscience pour pouvoir les modifier ou les renforcer ». Sonia nomme
cet outil de par sa formation. Christophe, n'ayant pas eu de formation,
l'utilise également de façon intuitive sans le nommer.
Dans la posture du coach, on retrouve le mot «
humilité » qu'utilise également Christophe ainsi que la
notion de bienveillance, Christophe quand à lui parle de non--
jugement.
Sonia confirme aussi l'utilité de travailler sur le
sens et le positionnement des rôles, elle en parle avec des mots
différents et en même temps complémentaires de ceux de
Christophe. Concernant le sens, elle part du principe que personne ne doit
faire quelque chose juste parce qu'on le lui demande. Elle précise que
tout s'explique : « vous signez tel contrat, pourquoi, à quoi
il sert, la loi, au niveau de l'entreprise, on a besoin que vous soyez
là de telle heure à telle heure car nous avons besoin de
quelqu'un pour s'occuper des résidents, pour quelles raisons, etc...
Déjà rien qu'au niveau du contrat, ensuite au niveau du cadre, de
l'organisation, pourquoi nous avons mis cette organisation en place, en quoi
elle est intéressante par rapport à nos résidents,
à leurs besoins, etc ». En ce qui concerne le
positionnement des rôles, Sonia explique qu'il est important de
reconnaître et comprendre l'importance de son rôle pour
éviter ce qu'on appelle « les glissement de tâches »,
c'est à dire ne plus faire son travail mais faire celui de son
collègue, elle détaille: « ou quelqu'un va plus
s'occuper du travail de l'autre et le fait de repositionner chaque
salarié dans son rôle c'est redonner de l'importance à son
rôle, qu'il reconnaisse l'importance de son rôle, en quoi c'est
intéressant qu'il ait ce rôle là, en quoi on ne peut pas se
passer de ce rôle là, et ça lui permet du coup de retrouver
une sensibilité importante dans son travail ». Nous retrouvons
l'approche de Sonia dans son coaching, qui est que le salarié se sente
reconnu et vivant pour pouvoir alors devenir responsable, mature et
concerné par la réussite de la mission commune.
L'interview de Jessica nous apporte un premier
élément différent. Effectivement elle dit que le coaching
est un outil de développement personnel alors que Christophe et Sonia
nous disent utiliser des outils de développement personnel pour faire du
coaching.
74
Jessica nomme d'ailleurs de nouveaux outils de
développement personnel qu'elle utilise en coaching, comme
l'ennéagramme, la sophrologie, la procès communication.
Jessica apporte également un élément
nouveau concernant la notion de sens donné à l'action. Pour elle,
c'est effectivement essentiel, et c'est avant tout le b.a.--ba d'un manager.
Par ailleurs, Jessica rejoint aussi l'idée de devoir repositionner les
salariés dans leur rôle et notamment pour que les personnes
âgées sachent vers qui se tourner. Dans son approche coaching,
elle travaille aussi sur l'autonomie et emploi un langage différent de
Sonia et Christophe, elle dit que le salarié peut et doit
développer l'innovation, sa créativité et son bon sens.
Elle rajoute un élément que Christophe a aussi mis en avant: le
cadre doit avant tout être bien clair et posé.
Dans son livre « les managers de l'âme »,
Valérie Brunel exprime très bien cette dernière
pensée. Elle affirme qu'il est évident que les contraintes
sociales, organisationnelles et managériales sont responsables des
échecs et des réussites et non uniquement les conduites du
salarié.
Et pour revenir au sens et à la reconnaissance
qu'apporte cet approche coaching, dans son livre « Donner et Prendre
», Norbert Alter exprime que le déficit de reconnaissance de
l'entreprise envers ses salariés s'associe au déficit de sens. Ce
qui instaure une perte de bonne volonté, d'énergie et un mauvais
climat social. Cela confirme alors la question de l'utilité du coaching,
pour l'entreprise, de travailler sur la notion du sens donné à
l'action et la reconnaissance du travail et des travailleurs.
|
|