La protection des biens culturels en droit international humanitaire( Télécharger le fichier original )par Francois Munguiko Kyuma UNIGOM - Licence 2013 |
CHAPITRE II. LES MECANISMES DE PROTECTION DES BIENS CULTURELS D'UN ETAT SUR LE TERRITOIRE OCCUPEDans ce deuxième chapitre, nous allons circonscrire notre réflexion en considérant que, pour être efficace, la protection des biens culturels doit être organisée dès le temps de paix par des mesures adéquates contraignantes tant au niveau national qu'international. Il sera donc développé en trois éléments essentiels : la protection des biens culturels en DIH (Section I) ; les textes protecteurs des biens culturels (Section II) ; les différents organes protecteurs des biens culturels (Section III). Section 1. LA PROTECTION DES BIENS CULTURELS EN DIHLes biens culturels ont subi de graves dommages au cours des derniers conflits enregistrés à travers le monde et ils sont, par suite du développement de la technique de la guerre, de plus en plus menacés de destruction44(*). Les atteintes portées à ces biens culturels et, à quelque peuple qu'ils appartiennent, constituent des atteintes au Patrimoine Culturel de l'humanité entière, car chaque peuple apporte sa contribution à la culture mondiale ; à la civilisation universelle. §1. Notion de protection des biens CulturelsL'urgence d'apporter de l'aide à des blessés, à des prisonniers ou à des populations qui souffrent saute aux yeux. Mais un peu de réflexion nous démontre également l'utilité des mesures normatives et la complémentarité d'action. Obtenir des combattants qu'ils respectent certaines normes est une contribution aussi essentielle au sort des victimes que de leur apporter de l'aide, d'autant plus que même l'action des organisations humanitaires dépend de son acceptation, et donc de sa compréhension de la part des combattants45(*). Il reste qu'il est difficile de sacrifier l'urgence au long terme et qu'il n'est pas aisé de trouver le juste poids donné à chaque type d'actions. Or, parmi les activités visant à mettre en oeuvre ou à développer les normes, celles concernant les biens culturels donnent plus facilement encore que d'autres, prise à des remarques ironiques ou désabusées face à la réalité d'un terrain où des personnes sont massacrées, torturées, violées ou déplacées de force. De telles remarques doivent être prises au sérieux et inciter à réfléchir plus à fond au sens de l'action humanitaire d'urgence. Toute la réflexion qui s'est développée ces dernières années a tendu à la recherche non pas seulement de la survie à court terme des populations prises dans la tourmente des conflits, mais aussi du respect de leur dignité. Cela s'est notamment traduit par des actions visant à restaurer, dès que possible, l'autonomie de ces populations, leur capacité de subvenir elles-mêmes à leurs besoins. Or, respecter la dignité d'une population, c'est aussi respecter sa culture46(*). Les atteintes délibérées aux besoins culturels sont des marques de mépris, alors que le mépris peut servir d'excuse ou de prétexte aux pires exactions dont il est souvent le prélude. Se battre pour la défense des biens Culturels d'une population, et, par là, pour le respect de sa dignité, fait donc partie intégrante de l'action humanitaire visant à protéger cette population. La défense de la Culture de chacun, des biens culturels, doit s'inscrire par ailleurs dans la dimension planétaire dans laquelle nous vivons aujourd'hui. En regard des problèmes de l'environnement, en particulier, on ne peut plus aujourd'hui se contenter d'examiner chaque conflit isolément. Il s'agit aussi de se préoccuper de la capacité de la planète à absorber les nuisances provoquées par l'accumulation de ces conflits. Pourtant cette dimension planétaire des problèmes s'applique aussi au domaine de la culture. De ce point de vue, permettre les atteintes à la culture d'une population, c'est refuser le droit égal de chacun à la dignité, c'est s'engager sur une voie de conflits et de violences, dangereuse pour la survie même de notre planète. En ce sens, défendre toutes les cultures, c'est aussi défendre l'humanité tout entière. Nous constatons que les règles du Droit International Humanitaire sont insuffisamment respectées et que celles concernant les biens Culturels ne font pas exception. La protection des biens culturels aurait pu être intégrée à l'effort de reprise globale du Droit International Humanitaire qui s'est développé quelque temps après la fin de la deuxième guerre mondiale, quand on s'est aperçu que la tension entre l'Ouest et l'Est donnait peu de chance à l'organisation des Nations Unies de parvenir à réaliser l'ambitieux objectif de Paix et de Justice Universelle contenu dans la Charte. Les conventions de 1949 n'approfondissent cependant pas cette question et c'est dans le cadre général de l'éducation, la science et la culture à savoir celui de l'UNESCO, qu'a été reprise, dans la convention de 1954, la question de la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Il s'agit en effet de ne pas isoler la protection des biens culturels en cas de conflit armé des questions plus générales touchant cette protection. Mais il importe aussi, parallèlement, de ne pas séparer la question de la protection des biens culturels en cas de conflit armé des autres problèmes de protection dans ces situations. D'où, l'importance de la disposition sur les biens culturels qui a été introduite en 1977 dans les protocoles additionnels aux conventions de Genève. Cette introduction ne cache aucune intention de court circuiter la convention de 1954. La disposition du protocole de 1977 contient d'ailleurs une clause de sauvegarde à son égard, mais traduit le souci d'éviter le risque d'un défaut de protection dans certaines circonstances : la convention de 1954 n'était de loin pas encore universellement ratifiée et il convenait donc d'éviter la situation d'un Etat partie aux protocoles additionnels de 1977 qui ne serait spécifiquement pas couvert par aucune disposition couvrant les biens culturels. En outre, cette intégration des questions liées à la protection des biens culturels en cas de conflit armé au Droit International Humanitaire est justifiée par le fait que d'autres questions de droit international humanitaire actuellement débattues concernent également ces biens. Nous pensons en particulier aux débats concernant les interdictions et restrictions de certains moyens ou méthodes utilisées dans la conduite des hostilités, notamment les questions touchant la définition des objectifs militaires, les dommages collatéraux et le principe de proportionnalités entre ceux-ci et l'intérêt militaire d'un objectif. Ces questions se posent quand des biens culturels sont utilisés à des fins militaires ou sont situés à proximité de tels objectifs47(*). De récents conflits ont, notamment relancé les débats sur ces questions et démontré la nécessité de définir avec plus de précision où se situe les limites de ce qui est permis. En réalité, l'objectif que nous poursuivons n'est pas tellement de réfléchir au développement des normes existantes : la conscience de l'importance de mieux protéger les biens culturels, ravivée douloureusement par des conflits récents, en particulier ceux qui se sont déroulés en ex Yougoslavie, vient en effet de donner lieu à des travaux qui ont abouti à l'adoption, en 1999, d'un deuxième protocole à la convention de 1954. Le travail fourni par l'UNESCO prend par ailleurs toute son importance quand on examine certaines mesures à prendre dès le temps de Paix, telles que l'identification des biens culturels, la tenue de registre de protection et d'autres mesures préventives. On sait en outre que l'on ne peut guère espérer des combattants qu'ils respectent les biens culturels, comme les autres normes du Droit International Humanitaire, s'ils n'ont pas été formés dès le temps de Paix. Cette nécessaire intégration des normes humanitaires dans le cursus de l'instruction militaire nous amène alors à la question plus générale de l'éducation, tant il est vrai que les bases sur lesquelles sont fondées les normes humanitaires doivent être enseignées dès le plus jeune âge. On entre donc à nouveau dans une compétence générique de l'UNESCO, celle de l'éducation. Et on doit, là aussi souligner la complémentarité positive des tâches générales de l'UNESCO avec la tâche bien délimitée du CICR, celle de développer avec l'aide des sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, la sensibilisation au Droit International Humanitaire dans les écoles et les universités. * 44 F. SIORDET, Les conventions de Genève et la guerre civile, Genève, CICR, 1950, p37. * 45 J. EGELAND, l'Initiative humanitaire et la lutte contre les disparités d'origine politique, Genève, CICR, 1980, pp24-26. * 46 Idem, p25. * 47 M. TERESA DUTLI, Op.cit, p22. |
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