V- Recherches théoriques
Pour la réalisation de ce mémoire nous avons
aussi dû réaliser des observations participantes. L'observation
participante est une méthode d'étude consistant à observer
et analyser une société, un environnement, en participant
activement aux activités du groupe observé. Malinowski,
anthropologue de terrain, est l'un des premiers à mettre en place cette
méthode en vivant au contact des indigènes, en se faisant
accepter par la communauté et en
22
participant activement à leurs activités. En
effet, nous sommes affiliées à l'association "Les petits
Débrouillard", et devons chaque lundi après le temps scolaire,
faire découvrir les sciences à des enfants de cycle 2 aux travers
d'animations ludiques et d'expériences. Les petits débrouillards
existent dans de nombreux pays à travers le monde. Ils ont
été créés pour la première fois au Canada.
C'est un professionnel de la presse, Félix Maltais, qui après une
enquête cherchant à savoir les attentes des lecteurs de son
bulletin intitulé Hebdo science, y incéra en 1979 la
chronique Le Petit Débrouillard. C'est plus tard et au vu du
succès de son journal que Félix Maltais pris contact avec le CDLS
(Conseil du Développement du Loisir Scientifique), ce qui fera
naître le tout premier club des Petits Débrouillards. En France,
l'association, se décrivant comme un mouvement d'éducation
populaire, est un réseau national de culture scientifique et technique
se déclinant en quarte axes. Il y a l'engagement et la participation des
jeunes dans des projets liés aux sciences et aux technologies, favoriser
les activités et pratiques d'éducation au développement
durable auprès des jeunes, développer le sens du partage, de la
solidarité et du respect de l'autre en favorisant l'implication active
et enfin, permettre aux jeunes d'avoir au-delà de la simple perception
et de l'émotion, un regard critique informé et curieux. Leslie et
Salomé sont, dans ce cadre, dans une école du 13ème
arrondissement de Paris. Elles sont en charge d'un groupe de 11 enfants de CP
et CE1. Sarah se trouve dans une maison de quartier située à
Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne (94). Elle est en charge, avec une autre
camarade de classe, d'un groupe composé de 17 enfants également
de CP et de CE1. Afin d'avoir un cadre pour ces observations, nous avons
élaboré une grille d'observation.6
Nous avons aussi, pour pouvoir répondre à nos
hypothèses, cherché des références
théoriques sur plusieurs supports dont notamment des livres
trouvés dans la section Sciences Sociales de la
médiathèque où nous sommes allées, mais aussi sur
Internet.
Nous avons d'abord entamé des recherches sur les
nouveaux cycles scolaires et aussi sur l'inclusion scolaire. Plusieurs lois
concernant l'éducation nous ont semblées importantes. D'abord la
loi d'orientation sur l'éducation de juillet 1989 aussi appelée
loi Jospin qui modifie largement le fonctionnement du système
éducatif français. Elle se compose d'un article fondamental,
l'article premier : « L'éducation est la première
priorité nationale. Le service public de l'éducation est
conçu et organisé en fonction des élèves et des
étudiants. Il contribue à l'égalité des chances
(...) ». La scolarité est organisée en cycles, trois pour le
primaire, trois
6 Annexe 2
23
pour le collège, et des cycles plus ou moins nombreux
au lycée selon les filières. Un Conseil National des Programmes
est mis en place pour donner des avis sur les programmes scolaires. Les
écoles, collèges et lycées sont tenus d'élaborer et
d'appliquer un projet d'établissement qui détaille la mise en
oeuvre des objectifs nationaux et les adapte à la situation locale. La
loi précise le statut des Greta en faisant des groupements
d'intérêts publics. En ce qui concerne la formation des
enseignants, les Instituts Universitaires de Formation des maîtres (IUFM)
sont créés. L'objectif de la loi d'orientation du 10 juillet 1989
de « conduire d'ici à dix ans l'ensemble d'une classe d'âge
au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du
brevet d'études professionnelles (BEP) et 80 % au niveau du
baccalauréat » n'a cependant pas été atteint. En
1991, un article concernant les cycles de l'école primaire vient
compléter la loi Jospin.
Cependant, depuis 2013, la loi de refondation de
l'école a redéfini les cycles d'enseignements scolaires. A
présent, la scolarité de l'école maternelle à la
fin du collège est organisée en quatre cycles
pédagogiques. Le cycle 1 est le cycle des apprentissages premiers, en
petite section, moyenne section et grande section d'école maternelle. Le
cycle 2 est des apprentissages fondamentaux, en cours préparatoire,
cours élémentaires première année et cours
élémentaires deuxième année d'école
élémentaire. Le cycle 3 est le cycle de consolidation, en cours
moyens première année, cours moyens deuxième année
d'école élémentaire et en classe de sixième, au
collège. Enfin, le cycle 4 est celui des approfondissements, en classes
de cinquième, de quatrième et de troisième, au
collège.
La loi de février 2005 pour l'égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées concerne donc l'inclusion scolaire. En plus de formaliser
l'égalité des chances pour des élèves porteurs de
handicap, cette loi met en place des moyens possibles pour leur inclusion en
milieu ordinaire, c'est-à-dire dans des écoles avec des enfants
non-porteurs de handicap. Cette loi définit le Projet
Personnalisé de Scolarisation (PSS), les modalités de
scolarisation des enfants concernés proposent des aménagements et
des aides à la scolarisation. Un PPS définit les modalités
de déroulement de la scolarité et les actions
pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales,
médicales, paramédicales répondant aux besoins
particuliers de l'élève. Il est élaboré, suite
à une demande de la famille auprès de la maison
départementale des personnes handicapées (MDPH), par une
équipe pluridisciplinaire qui évalue les compétences, les
besoins et les mesures mises en oeuvre dans le cadre du parcours de formation,
en s'appuyant notamment sur les observations réalisées dans ces
domaines par l'équipe de suivi de la scolarisation. En priorité,
la scolarisation se
24
déroule donc en milieu ordinaire dans
l'établissement scolaire du secteur du domicile et les enseignements
sont assurés par des enseignants de l'éducation nationale ou des
maîtres de l'enseignement privé sous contrat. Le projet
personnalisé de scolarisation est révisé au moins à
chaque changement de cycle ou d'orientation scolaire. Pour assurer
l'égalité des chances, les aménagements peuvent être
de différentes natures, ils peuvent concerner les horaires de l'emploi
du temps, les locaux scolaires ou encore les conditions de passages
d'épreuves orales, écrites et pratiques ou de contrôles
continus de l'enseignement scolaire (temps supplémentaire, assistant,
dispositif de communication adaptée, mise à disposition d'un
matériel adapté ou utilisation de matériel personnel,
etc.)
Avec la loi de refondation de 2013 cette idée
d'inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap est renforcée. Il
convient de promouvoir une école inclusive pour scolariser les enfants
en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers en
milieu ordinaire. Le fait d'être dans la classe n'exclut pas de
bénéficier d'enseignements adaptés et est,
pédagogiquement, particulièrement bénéfique. Cette
scolarisation au sein de l'école ou de l'établissement permet
aussi aux autres élèves d'acquérir un regard positif sur
la différence. Des dispositifs sont mis en place concernant la formation
des enseignants, la coopération entre l'éducation nationale, les
établissements, les services médico-sociaux et la formation aux
outils numériques des élèves accueillis au sein des
établissements et services médico-sociaux. D'après
Philippe Tremblay, « l'inclusion ne se limite pas à la simple
présence physique d'un élève à besoins
spécifiques en enseignement ordinaire, mais concerne également et
surtout les mesures que l'école ordinaire met en place pour favoriser
l'apprentissage et la socialisation de cet élève. Cela implique,
bien entendu, la mise en place d'une différenciation, d'adaptation et de
modifications raisonnables qu'il convient de justifier. » (Inclusion
scolaire dispositifs et pratiques pédagogiques).
Cette loi de refondation s'inscrit dans un projet global dont
certaines des grandes orientations sont de "renforcer les politiques de
réussite éducative" ou de "faire évoluer le contenu des
enseignements, leur organisation et leur évaluation". L'accueil des
élèves en situation de handicap s'inscrit dans les politiques de
réussite éducative, mais la loi vise aussi une refondation de
l'éducation prioritaire qui a pour but de corriger l'impact des
inégalités sociales et économiques sur la réussite
scolaire par un renforcement de l'action pédagogique et éducative
dans les écoles et les établissements des territoires qui
rencontrent les plus grandes difficultés sociales, une plus grande aide
aux élèves en difficulté et une lutte contre le
décrochage scolaire. Pour faire évoluer le contenu des
enseignants, leur organisation et leur
25
évaluation, la loi veut redéfinir le socle
commun de connaissances, de compétences et de cultures en créant
de nouveaux programmes scolaires élaborés en cohérence
avec ce socle et avec les nouveaux cycles. Elle veut une évolution des
modalités d'évaluations et de notations mais aussi
l'amélioration de la progressivité des apprentissages par la
réorganisation des cycles, la réduction du nombre de
redoublements, ou une nouvelle transition entre l'école et le
collège.
Comme dit précédemment, nous avons aussi pris en
compte quelques ouvrages : Enseigner en classes
hétérogènes de Jean Michel Zakhartchouk, Les
méthodes qui font réussir les élèves de
Danielle Alexandre, On n'enseigne pas tout seul, À la crèche,
à l'école, au collège et au lycée
édité par Françoise Platone et Marianne Hardy et
enfin Professeur des écoles débutant - Gérer des
situations difficiles de Serge Herreman, Patrick Ghrenassia, Jannick
Caillabet, René Étrillard et Kathy Similowski.
A travers le livre Professeur des écoles
débutant - Gérer des situations difficiles, nous avons pu
voir qu'avant de mettre en place un travail de groupe, il y avait quelques
préalables à respecter comme le fait de dire aux
élèves ce qui va être mis en place et expliquer pourquoi.
Aussi, il est important de bien connaître les élèves au
niveau de leurs acquisitions comme au niveau rationnel, de cadrer le travail en
groupe, de faire attention au temps mais aussi de penser à alterner avec
d'autres formes (individuelle, en classe entière...) afin que le travail
en groupe prenne tout son sens. Il est mentionné dans ce livre que par
exemple, pour le cycle 3, il est possible d'observer et d'évaluer le
travail de groupe. Cette observation des enfants en action peut permettre
d'évaluer des compétences du socle commun, comme la
compétence 6 qui concerne les compétences sociales et civiques
mais aussi la compétence 7 portant sur l'autonomie et l'initiative.
(Socle commun de connaissances et de compétences : Décret
n°2006-860 du 11 juillet 2006). L'enseignant peut aussi évaluer
l'efficacité du groupe et leur réalisation notamment de par leur
organisation et ainsi, se rendre compte si le fait d'avoir créé
ce groupe de travail a été bénéfique pour eux ou
bien si le travail fourni n'était pas pertinent. Le professeur des
écoles peut donc aussi mieux appréhender le fonctionnement du
groupe mais surtout l'investissement de chacun des membres de ce dernier, voir
leur comportement, s'ils s'imposent ou non, s'ils donnent des idées,
prennent la parole ou encore de voir l'éventuel meneur du groupe. Une
fois le travail en groupe réalisé, il serait important d'en faire
une mise en commun. Il s'agit d'un instant de débat pensé et
organisé qui serait plus efficace qu'une simple correction collective
où le risque est que personne n'écoute. Dans une mise en commun,
le cheminement intellectuel, les échanges et l'argumentation sont
confiés
26
aux élèves. Ceci pourrait permettre une
valorisation des élèves qui sont acteurs de leur correction. Dans
la réalisation des groupes, pour pouvoir différencier simplement,
on peut jouer sur plusieurs paramètres selon les besoins et
difficultés des élèves. Par exemple, sur la longueur des
exercices qui peut varier, y compris pour une évaluation. Sur les outils
disponibles, certains élèves pourrons avoirs des outils
complémentaires que d'autres n'auront pas nécessairement besoin.
On peut jouer sur les différentes tâches et les différents
rôles, notamment en travail de groupe. Aussi, sur l'aide à la
réalisation de la tâche (par l'enseignant, un élève
tuteur ou encore une aide extérieure), sur des démarches
pédagogiques différentes (analytiques, déductives,
exercices d'application...), sur des situations d'apprentissages
différentes (situation d'écoute, d'écrit, d'oral...), sur
des modalités d'apprentissages diversifiées et adaptées
(individuel, binôme, type de groupe); sur la relation pédagogique
(valoriser, défier, gratifier) ou encore sur la remédiation, en
reprenant des apprentissages en groupes restreints par exemple. Cet ouvrage
apporte aussi des informations concernant les différentes aides
proposées par l'institution selon les difficultés des
élèves. Selon les difficultés que présente
l'élève, il y a différentes aides. En cas de
difficultés d'apprentissages persistantes, l'enseignant peut faire un
signalement au Réseau d'Aides Spécialisées aux
Elèves en Difficulté (RASED) et un projet peut être mis en
place. Le RASED est composé de trois enseignants
spécialisés dont le premier est un psychologue scolaire
(investigations psychologiques comprenant les examens cliniques et
psychométriques nécessaires à l'analyse des
difficultés de l'enfant et au choix des formes d'aides adaptées).
Le second est un maître G (interventions à dominante
pédagogique qui sont adaptées aux situations dans lesquelles les
élèves manifestent des difficultés avérées
à comprendre et à apprendre, alors même que leurs
capacités de travail mental sont satisfaisantes). Enfin, le dernier est
un maître E (à dominante rééducative
indiquées quand il faut faire évoluer les rapports de l'enfant
à l'exigence scolaire, restaurer l'investissement scolaire ou aider
à son instauration). Les personnels du RASED ont trois missions
essentielles. D'abord une mission d'expertise. Cela contribue à
l'observation des élèves identifiés par l'enseignant de la
classe, à l'analyse de leurs compétences et des
difficultés qu'ils rencontrent et à la définition des
aides nécessaires. Ensuite une action de prévention. Et enfin une
action de remédiation à travers l'élaboration de projets
pédagogiques personnalisés. Les Programmes Personnalisés
de Réussite Educatives (PPRE) sont définis par le décret
de mise en oeuvre de la loi d'orientation du 25 août 2005 dans le cadre
des dispositifs d'aides et de soutien pour la réussite des
élèves à l'école en relation avec l'acquisition du
socle commun de connaissances et de compétences. Il concerne des besoins
particuliers qui retardent fortement l'acquisition des connaissances et
compétences constitutives
27
fondamentales. Le PPRE est élaboré par
l'équipe pédagogique et le conseil des maîtres du cycle, il
définit les actions à mettre en oeuvre. Il est adapté
à chaque élève et s'appuie sur les compétences
acquises par l'enfant. A noter que le PPRE est formalisé dans un
document conçu pour être lisible par tous et signé par
l'élève et sa famille, dans lequel il est précisé
les objectifs de l'action d'aide identifiée, son descriptif, les
indicateurs d'évaluation qui y sont associés,
l'échéancier des aides et les bilans intermédiaires et
enfin les remarques de l'élève et de ses parents.
On n'enseigne pas tout seul, A la crèche, à
l'école, au collège et au lycée est un compte-rendu
du colloque (de la conférence) du Cresas datant de 2000 ayant pour
thème les interactions sociales et les transformations des pratiques
éducatives pour la réussite de tous. Le Cresas est une
unité de recherche de l'Institut nationale de recherche
pédagogique (INRP) étudiant les conditions
psychopédagogiques et les contextes institutionnels et sociaux
favorisant les apprentissages de tous les élèves et les
conditions qui permettent aux enseignants et éducateurs de s'engager
dans la transformation de leurs pratiques. Cette étude se fonde sur une
conception constructiviste et interactionniste des apprentissages,
développée à partir d'un cadre théorique piagien et
wallonien, selon laquelle apprendre c'est construire les savoirs en interaction
avec autrui.7 Nous avons dans ce livre, choisi de nous concentrer
uniquement sur le cinquième chapitre intitulé
"L'hétérogénéité : obstacle ou ressource
pour les apprenants et les pédagogues ?". D'après cet ouvrage,
l'école veut toujours unifier alors qu'il faut de plus en plus faire
avec les différences de chacun. Le "système scolaire doit
apprendre à travailler avec toutes ces diversités". J.
Biarnès, l'un des co-auteurs de l'ouvrage, n'utilise pas ici le mot
"hétérogénéité". En effet par
définition, l'hétérogénéité
correspond à des différences de nature, or les hommes ont tous la
même nature. Le mot "diversité" correspondant à une
différence de culture serait donc plus approprié. L'Homme est
à la fois un être universel et singulier pour les chercheurs du
Cresas et c'est cette dualité de l'espace pédagogique qu'il faut
pouvoir "gérer", c'est-à-dire qu'il faudrait organiser un espace
d'apprentissage pour que celle-ci puisse s'exprimer afin que le sujet soit
acteur de ses apprentissages. Les chercheur du Cresas ont mis en place avec des
enseignants des situations éducatives afin de travailler "sur" et "avec"
les inégalités scolaires. Des tâches plus ouvertes ont
été proposées aux enfants, par exemple un projet d'art
plastique, et les interventions des enseignants étaient de plus en plus
stimulantes et moins conductrice. Les résultats ont montrés que
les élèves qualifiés par les enseignants de "moins bons"
se découvrent des aptitudes nouvelles et les "meilleurs"
développent des
7 On n'enseigne pas tout seul, Cresas,
2000
28
aptitudes un peu moins formelles. Aussi, le rapport
coopératif avec les pairs est développé et l'écart
entre les élèves se réduit. Cependant, cette
méthode serait plus difficilement transposable aux savoirs fondamentaux,
plus formels. Les recherches ont montrées que plusieurs facteurs
étaient importants pour faire ce transfert. D'abord le caractère
ouvert de la tâche, mais plus encore, le rôle joué par
l'adulte pour susciter et soutenir l'interactivité et la
réflexion des enfants. L'enseignant doit être ouvert à
l'imprévu, accepter la multiplicité des idées même
désordonnées, il doit apporter une aide à
l'émergence des idées, laisser le temps de formuler, essayer de
comprendre ce que veulent dire les enfants, il doit aussi apporter de la
circulation aux idées, renvoyer au groupe les propositions de chacun
dans le but d'éviter les relations duelles avec les enfants. De plus, ce
chapitre met en avant le rôle positif que peuvent jouer les
inégalités de savoirs et de compétences chez les enfants.
En effet, cela implique une dynamique interactive importante et une
construction des savoirs par tous les enfants. Ces inégalités des
savoirs peuvent constituer une ressource pédagogique à condition
que les questions travaillées soient des questions pour tous,
c'est-à-dire présentant encore quelques difficultés pour
les plus avancés mais ayant déjà du sens pour les moins
avancés. On peut facilement voir cette "mise au travail de
l'hétérogénéité" dans les classes
multi-âges où de nombreux avantages ont été reconnus
comme notamment le fait que dans ce cas, ne pas savoir n'est pas stigmatiser ou
encore qu'il y a une meilleure intégration des enfants ayant des retards
d'apprentissages.
Dans Les méthodes qui font réussir les
élèves, Danielle Alexandre, agrégée en lettre
moderne expose dans un style simple, les principales méthodes et options
pédagogiques que ce soit des précurseurs ou des recherches les
plus récentes en sciences de l'éducation. L'un des points de
l'ouvrage qui nous a le plus intéressé est un chapitre
intitulé "Gérer
l'hétérogénéité des élèves".
D'après l'auteur, l'hétérogénéité est
la difficulté majeure du métier d'enseignant, il faudrait donc
rompre avec "l'indifférence aux différences" d'après
l'expression de Bourdieu, pour éviter les inégalités. En
effet, faire comme si les différences n'existaient pas, renforce les
inégalités. L'une des solutions serait une pédagogie
différenciée qui est en fait une méthode d'enseignement et
non une pédagogie. La pédagogie différenciée permet
de s'ajuster aux besoins de chaque élèves, de prendre en compte
les besoins de tous les élèves, il faudrait pour cela mettre en
place des méthodologies différentes dans une même classe.
L'auteur donne même "des leviers pédagogiques pour
différencier au quotidien". Par exemple, on peut différencier
grâce à la configuration de la classe, son organisation, le
travail en groupe (de besoin par exemple), grâce à des
sollicitations cognitives différentes (méthode
déductive,
29
inductive, appel à la créativité...),
grâce au traitement des erreurs des élèves, grâce
à des rythmes de travail différents (départ
échelonnés, travail plus ou moins court), ou encore grâce
à des devoirs à la maison différents selon les
élèves. Plusieurs niveaux de différenciation sont
possibles, d'abord une différenciation successive proposée par
André de Peretti qui consiste à utiliser différentes
méthodes, différents supports, différentes
démarches au sein d'une même séance afin que tous les
élèves rencontrent au moins une méthode qui leur
convienne. Il existe aussi la différenciation simultanée
proposée par Philippe Meirieu, cette méthode vise à
répondre de manière personnalisée aux besoins des
élèves. Elle consiste à organiser des activités
différentes simultanément en constituant des groupes de besoins.
L'un des points mit en avant par l'auteur dans la mise en place de la
différenciation est qu'il faut systématiquement varier les
approches. L'enseignant peut varier entre une démarche inductive et une
démarche déductive. La démarche inductive part de
concepts, de règles, de définitions déjà connues
pour les appliquer ou raisonner à partir d'eux. La démarche
déductive, elle, part de faits, d'exemples, de
situations-problèmes accessibles aux élèves pour les
amener à dégager des principes, des règles, des
définitions, des concepts. L'enseignant doit aussi pouvoir associer
l'oral et l'écrit, il doit utiliser les gestes. En effet, les individus
n'ont pas tous la même méthode de traitement de l'information, il
peut être d'avantage visuel ou auditif, le but est donc de permettre
à tous les élèves d'enregistrer les informations.
Différencier c'est aussi pour l'enseignant de faire varier les postures
et les formes de guidage comme par exemple être plus dans
l'accompagnement pour des élèves découragés et
plutôt dans le lâcher prise avec des élèves plus
à l'aise, ou encore varier les configurations organisationnelles en
faisant des activités de groupe, des activités individuelles ou
en binôme, en utilisant différents moyens de faire interagir les
enfants.
"Pour une aide efficace aux élèves en
difficulté" est un autre chapitre de cet ouvrage qui nous a
particulièrement intéressé. En effet, d'après
l'auteur si l'on veut vraiment permettre aux élèves de surmonter
leurs difficultés, il faut pouvoir être capable d'identifier et de
comprendre les problèmes pour y répondre de façon
adaptée. Philippe Meirieu insiste sur le fait qu'on confond souvent
élève en difficulté et élève en échec
alors que ce sont des réalités différentes qui demandent
donc des réponses pédagogiques différentes.
L'élève en difficulté est intégré
socialement dans la classe et dans l'école mais ne parvient pas à
satisfaire à toutes les exigences scolaires, il manque souvent de temps
et demande des explications en plus par exemple, ou encore il comprend les
conseils donnés mais n'arrive pas toujours à les appliquer et ses
interventions ou ses réponses sont souvent en décalage avec ce
qui est attendu. L'élève en échec, lui, est en rupture
avec la vie de la classe. Ses travaux ne sont pas en phase avec les
30
attentes, ils sont vides ou hors sujets, l'élève
subit le temps scolaire, demande très peu ou pas d'explications
complémentaires et les conseils donnés n'ont aucun effet.
Le premier point important pour permettre à ces types
d'élèves de réussir est d'anticiper les difficultés
plutôt que de réagir lorsqu'elles sont déjà bien
ancrées. Par exemple, lorsqu'on remarque qu'un élève a
quelques difficultés pour lui, on peut lui donner le texte qui sera
travaillé en classe un peu avant les autres pour qu'il puisse se
l'approprier. Le but de ces stratégies est de donner la
possibilité à ceux qui ont du mal d'ordinaire de se trouver un
temps en position forte dans le groupe-classe. Il s'agit de ne pas laisser
s'installer la difficulté. A l'opposé d'une culture
pédagogique encore très répandue, fondée sur la
remédiation qui consiste à organiser l'aide après-coup,
une fois les difficultés constatées, l'aide efficace sera
efficace si elle être proposée au moment même où
surgit la difficulté. Pour cela, l'auteur donne plusieurs
méthodes, plusieurs solutions qu'un enseignant peut appliquer. Elle
donne l'exemple du tutorat ou du monitorat entre élèves et dit
que cette ressource pédagogique n'est que trop peu exploitée.
Pour Goodlad et Hirst en 1900, le tutorat entre pairs est un «
système d'enseignement au sein duquel les apprenants s'aident les uns
les autres et apprennent en enseignant ». En effet, en s'entre-aidant, les
élèves doivent remobiliser leurs savoirs pour les expliquer
à d'autres élèves, ils peuvent alors pointer les points
obscurs de leurs propres connaissances. L'enseignant est tout de même
présent pour intervenir, pour accompagner les élèves
lorsqu'ils rencontrent des difficultés. Cette proposition permet aussi
une reformulation plus accessible pour les élèves ayant
d'avantages de difficultés grâce à un langage souvent plus
proche du leur que de celui du professeur du fait que ce soit d'autres
élèves qui leur expliquent. Ces propositions relèvent de
la médiation. « On apprend mieux avec l'aide des autres que tout
seul ». En effet, ce concept insiste sur le rôle nécessaire
des autres pour une plus grande efficacité des apprentissages. Aussi,
l'auteur trouve une grande importance dans la reformulation, que ce soit ce que
le professeur a dit ou un élève, il est intéressant de le
dire de le faire reformuler d'une manière différente. Faire
reformuler est un moyen de vérifier la compréhension mais aussi
l'écoute. De plus, en reformulant ce que vient de dire un
élève, le professeur fournit un langage plus normé, des
formes syntaxiques plus diversifiées, un lexique plus scientifique : il
fournit ainsi un modèle accessible. L'enfant lui en reformulant, exerce
la flexibilité du langage. Dans ce même chapitre, l'auteur montre
des dispositifs spécifiques d'aides personnalisées que
l'enseignant peut mettre en place. Elle donne deux exemples : l'atelier
dirigé et l'entretien d'explication. L'atelier dirigé est un
dispositif qui permet à l'enseignant de s'occuper d'un petit groupe
d'élève pour un accompagnement personnalisé. L'enseignant
prend en charge un petit groupe d'élèves pendant que les autres
font autre chose.
31
Ce type de travaux est dirigé par l'enseignant qui
régule les interventions de chacun des élèves. Le nombre
d'élèves restreints permet à l'enseignant d'apporter une
aide et un soutien ciblés au plus près des besoins de chacun. La
tâche est la même pour tous les élèves mais chacun
bénéficie des apports du groupe pour mener à bien sa
production personnelle. Le but de l'entretien d'explication est de faire
verbaliser par l'enfant la façon dont il a agi pour produire telle ou
telle réponse, effectuer tel ou tel exercice. En verbalisant les
procédures qu'il a utilisées, l'élève en prend
conscience et peut les réajuster si nécessaire. L'enseignant lui,
peut identifier et détecter des difficultés encore
insoupçonnées.
L'ouvrage «Enseigner en classes
hétérogènes» que nous présente Jean-Michel
Zakhartchouk constitue un outil de réflexion important et propose un
ensemble de pistes d'actions particulièrement utiles aux enseignants.
Pour beaucoup d'enseignants, l'hétérogénéité
du niveau scolaire représente un problème car ils ne savent pas
comment la gérer. De nombreux professeurs souhaiteraient avoir une
classe homogène, situation qui est perçue comme une fiction :
avoir des élèves pratiquement identiques à qui on pourrait
enseigner les mêmes choses, en même temps, au même rythme,
n'est pas concevable dans la réalité actuelle. Il existe bien
évidemment des classes plus hétérogènes que
d'autres, mais les différences de niveaux et d'acquisitions ne sont
qu'une manière parmi d'autres de distinguer les élèves les
uns des autres. L'auteur de cet ouvrage ainsi que tous ceux qui y ont
participés considèrent plutôt
l'hétérogénéité comme une richesse. C'est
dans la pédagogie dite différenciée que l'on retrouve
l'idée de l'hétérogénéité. En effet
« Il n'y a pas deux apprenants qui progressent à la même
vitesse; Il n'y a pas deux apprenants qui soient prêts à apprendre
en même temps; Il n'y a pas deux apprenants qui utilisent les mêmes
techniques d'étude; Il n'y a pas deux apprenants qui résolvent
les problèmes exactement de la même manière; Il n'y a pas
deux apprenants qui possèdent le même profils
d'intérêt; Il n'y a pas deux apprenants qui soient motivés
pour atteindre les même buts.» Il faut donc mieux connaître
les élèves à la fois dans
hétérogénéité de leurs cadres de vie non
scolaire et scolaire, puis dans
l'hétérogénéité de leurs processus
d'apprentissage. Mais d'où provient cette
hétérogénéité dans les classes aujourd'hui ?
Selon Bruno Suchaut, responsable de l'institut de recherche sur
l'éducation (IREDU), le terme
d'hétérogénéité fait son apparition de
manière progressive dans le langage courant des enseignants, à la
suite de l'évolution du système éducatif français.
Cette évolution est principalement le fait de deux mécanismes. Le
premier tient au phénomène de massification du système
scolaire qui a permis à l'ensemble d'une classe d'âge
d'accéder à des parcours scolaires de plus en plus longs. Le
second tient à la suppression de certains paliers d'orientations, de
filières. A cela s'ajoute une évolution sociale,
économique et culturelle de
32
la société qui a provoqué des changements
dans le rapport des individus à l'école. Une population
d'élèves se conforme moins à la norme scolaire
traditionnelle. Pour toutes ces raisons, de la maternelle à
l'université, le public d'élèves s'est diversifié,
tout en donnant lieu à une plus grande difficulté dans l'exercice
du métier d'enseignant. Cette
hétérogénéité si souvent mise en avant dans
le discours des acteurs, recouvre en fait plusieurs dimensions au niveau des
élèves : niveau d'acquisition, capacités cognitives,
comportement scolaire, milieu social... La question est alors de savoir si
cette hétérogénéité du public
d'élèves rend les contextes d'apprentissages moins efficaces. De
plus, Bruno Suchaut rappelle que
l'hétérogénéité ne nuit pas à la
réussite des élèves.
L'hétérogénéité apparaît donc comme
favorable bien que ce ne soit pas la pensée de tous. La prise en compte
de l'hétérogénéité dans la gestion de la
classe devrait être une constante de l'acte pédagogique car il y
aura toujours des élèves forts, moyens et faibles, des
élèves aux aptitudes variées ou des élèves
appartenant à des milieux familiaux qui entretiennent une plus ou moins
grande proximité avec l'école. En fait, tout est une question de
degré dans cette hétérogénéité et
surtout de capacité à l'accepter et à la gérer au
quotidien par les enseignants. L'organisation de la scolarité en cycles
dans l'enseignement élémentaire a pourtant établi un cadre
favorable à la prise en compte des différences interindividuelles
dans les rythmes d'apprentissage des élèves. Mais cela ne suffit
sans doute pas et la solution réside encore une fois dans l'adaptation
des pratiques pédagogiques à la diversité "naturelle" des
élèves. Cette réalité, impose une pédagogie
différenciée. Comme tous les élèves n'ont pas les
mêmes acquis et ne partent pas du même point de départ, il
faut prendre en compte les différences et introduire au sein de la
classe des moments où tous les élèves ne vont pas faire la
même chose, avec les mêmes exigences ou avec les mêmes
méthodes. Cependant il s'agit bien d'atteindre des objectifs communs,
mais ces derniers sont déclinés différemment selon les
élèves. Il faut donc tenir compte des différents besoins
des élèves, introduire des moments différenciés au
sein de la classe hétérogène. Dans de nombreux cas, il
faut prendre la classe telle qu'elle est. Si on n'a pas participé
à sa constitution, on peut tout de même l'organiser au mieux en
mettant en place des groupes de besoins à des moments précis.
Mais dans d'autres cas, on peut participer à la répartition des
élèves dans des classes de façon permanente ou au
contraire variable, avec des regroupements plus homogènes à
conditions que ce ne soit que ponctuel et lié à un projet
précis. Les groupes de besoin sont donc des groupes
hétérogènes, en effet ils sont constitués
d'élèves qui n'ont pas le même niveau dans une
matière mais qui a un moment donné ont les mêmes
difficultés. A l'intérieur d'un tel groupe, les
élèves s'enrichissent mutuellement, il y a des interactions
sociales : c'est le conflit sociocognitif. D'après Philippe
Mérieu, il est
33
important pour une équipe de professeurs de diviser le
temps scolaire hebdomadaire en deux temps : un temps en classe
hétérogène où sont définis les objectifs,
organisés les apprentissages communs, effectués les
évaluations. Puis un temps en groupe de besoins où les
élèves sont répartis en fonction de leurs besoins
identifiés dans tel ou tel domaine et pris en charge par un des
professeurs de l'équipe. Un autre point qui apparaît dans cet
ouvrage est la question de l'évaluation, pouvoir évaluer les
capacités de chacun. Il faut pouvoir être objectif, savoir
informer les élèves de la valeur réelle de leur travail et
prendre en compte les différences de compétences et d'acquis
scolaires dans la classe. Florence Castincaud, professeur de français
dans un collège, nous donne alors des pistes pour prendre en compte les
différences dans la classe lorsque l'on doit évaluer. Pour elle,
il faut d'abord alléger la pression des évaluations pour que les
élèves moins forts reprennent confiance en eux et en leurs
possibilités d'apprendre. Les enseignants peuvent donc
différencier leurs évaluations selon les acquis des
élèves. Par exemple en mathématiques, prendre d'avantage
en compte le raisonnement qui peut être valide même si le
résultat est faux. On peut également réaliser certaines
tâches, en plusieurs fois, par étape. Les enseignants peuvent
aussi communiquer aux enfants les critères sur lesquels ils seront
évalués, avant le devoir, afin que les élèves
puissent travailler sur leurs lacunes. D'autres moyens peuvent être mis
aussi en place pour que l'évaluation des élèves soit
bénéfique pour eux, qu'ils puissent progresser et ne pas
être démotivé par un échec. Tout cela contribue donc
à tenir compte de l'hétérogénéité.
Aussi, depuis la loi 2005 sur le handicap, l'école est désormais
inclusive, c'est-à-dire que tout le monde peut y accéder, de plus
en plus d'élèves « à besoins particuliers »
intègrent des classes ordinaires ce qui peut poser problème aux
enseignants qui ne sont pas forcément préparés à
accueillir certains élèves souffrant ou non de handicap et
à adopter leurs pratiques pédagogiques de manière radicale
pour que ces élèves puissent apprendre et suivre. Ceci est
également vrai pour les élèves « à
intelligence précoce », car d'après l'auteur, ces
élèves souvent mal compris et peu pris en compte par les
enseignants, sont eux-aussi régulièrement en échec
scolaire. C'est pour cela que prendre en compte les différences des
élèves est essentiel. Accompagner les élèves dans
et hors de la classe apparaît également comme un des point
importants de cet ouvrage. Il faudrait d'avantage s'intéresser aux
élèves les plus fragiles, ayant d'avantages de besoins que
d'autres. Cela passe d'abord par une attention ciblée au sein de la
classe avec la mise en place d'un réel accompagnement. Mais il faut
aussi pouvoir mettre en place une aide personnalisée par le biais de
groupes restreints ou même très restreints en dehors des temps de
classe. Cette situation d'accompagnement permettra de faciliter la tâche
de compréhension, proposer aux élèves des outils, des
manières de s'organiser, les aider à
34
faire resurgir ce qu'ils ont déjà traités
et relier leurs connaissances passées au présent. Il faut tout de
même faire attention à ce que ces élèves acceptent
leurs erreurs et le fait qu'ils ne comprennent pas tout du premier coup.
Enfin, dans la continuité de notre cadre
théorique, nous avons dû mener des entretiens non-directifs.
L'entretien non directif est une méthode d'étude qualitative
basée sur la réalisation d'entretiens individuels ou collectifs
durant lesquels l'animateur est le moins actif possible et laisse un maximum de
latitude aux interviewés pour exprimer leurs ressentis ou attitudes.
L'animateur doit donc, poser la question de départ puis lorsque c'est
nécessaire, faire des relances. Nous avions tout de même
élaboré un guide d'entretien8 afin de cadrer nos
entretiens.
Nous avons d'abord décidé d'interroger un
enfant. L'entretien a été mené par Salomé sur une
enfant de 10 ans étant en CM1. Ce qui est ressorti de cet entretien est
que cette élève est consciente que les travaux qu'elle fait
individuellement et les travaux de groupe ou "en coopération" ne lui
apportent pas la même chose : elle trouve que les travaux en groupe sont
plus faciles grâce à l'entre-aide qui est possible avec les
membres de son groupe. De son point de vue, les groupes ne sont pas
formés par niveau, du moins elle n'en parle pas en ce sens, ils seraient
plutôt faits en termes d'affinités ou selon les places dans la
classe. L'interviewée a aussi parlé de tableau et de ceinture de
comportement. En début d'année, tous les élèves de
la classe sont au niveau de la ceinture blanche. S'ils se comportent
correctement ils peuvent augmenter leur ceinture, en fonction d'un nombre de
point (tableau de comportement). Chaque semaine, les élèves ont
20 points, s'ils se comportent mal, ils peuvent perdre des points. C'est alors
en fonction des points qu'ils leur reste à la fin de la semaine qu'ils
peuvent, ou non, changer de ceinture. Il y a six niveaux : ceinture blanche,
jaune, orange, verte, bleue et marron. Plus ils ont une ceinture haute, plus
les enfants peuvent avoir de responsabilités et ont le droit de faire
des choses (se lever sans demander la permission ou ranger sans demander la
permission). La couleur de la ceinture correspond à un degré de
confiance que leur fait la maitresse. Aussi, si les élèves
perdent des points dans la semaine, ils peuvent les récupérer en
faisant des tâches dans la classe, effacer le tableau par exemple. La
maitresse a elle aussi une ceinture, la ceinture noire. Elle est donc comme les
élèves. Cette méthode valorise tous les
élèves car elle leur permet de montrer de quoi ils sont capables,
elle leur permet aussi d'avoir des responsabilités s'ils le souhaitent
et ne dévalorise pas ceux qui ont un
8 Annexe 2
35
moins bon comportement puisque tous sont partis du même
point, et ont chaque semaine la possibilité de se rattraper. Nous avons
pu mettre cela en parallèle de l'observation d'une camarade de classe.
En effet, dans une classe, les élèves avaient aussi un tableau de
comportement, en revanche, ici, ils étaient classés du moins bon
au meilleur comportement. La maitresse mettait quatre images de lion au
tableau, sur le premier un lion très content, sur le deuxième un
lion perplexe, sur le troisième un lion pas content et sur le dernier un
lion rugissant. Les élèves étaient alors classés
dans l'une des catégories. Cette méthode stigmatise les
élèves et particulièrement ceux qui sont dans la colonne
du lion rugissant.
Pour le second entretien, Leslie et Salomé sont
allées dans une école maternelle classée ZEP et REP afin
de rencontrer une enseignante de moyenne section. Les ZEP ou zones
d'éducation prioritaire qui font parties du programme d'éducation
prioritaire, ont pour but premier l'amélioration des résultats
des élèves, notamment des plus défavorisés. En
1997, la priorité à donner aux apprentissages des
élèves est confortée par une révision de la carte
des zones d'éducation prioritaire et de la création des
réseaux d'éducation prioritaire (REP). Ces réseaux
associent, à des établissements déjà en ZEP, des
écoles et établissements qui nécessitent une aide
particulière en raison des difficultés qu'ils
rencontrent.9 L'entretien s'est déroulé pendant les
vacances scolaires. L'enseignante préparait les activités pour la
rentrée, l'école était donc vide. Ainsi, elle pouvait
facilement nous montrer ce qu'elle faisait concrètement dans sa classe.
La professeure nous a expliqué que depuis 2 ans, l'école dans
laquelle elle enseigne tente de pratiquer des méthodes de
différenciations pédagogiques inspirées des
méthodes Montessori et Freinet mais que chaque enseignant reste libre
d'appliquer sa propre méthode au sein de sa classe. En effet, si
l'enseignante interrogée ainsi qu'une majeure partie de ses
collègues vont, dans la mesure du possible et de leur convenance dans le
sens du projet de l'école, une des enseignantes, titulaire depuis 25 ans
applique une méthode plutôt frontale et sans
différenciation depuis plusieurs années. La "pédagogie
Freinet"10 que l'on attribue à l'instituteur Célestin
Freinet est une pédagogie dite "active", c'est-à-dire que
l'objectif est de rendre l'apprenant acteur de ses apprentissages afin qu'il
construise ses savoirs à travers ses expériences. Dans la
pédagogie Freinet, la classe est organisée comme un espace
coopératif où chacun contribue à des projets collectifs et
peut s'exprimer librement. Elle s'appuie sur l'expression libre des enfants,
leurs expériences et leurs tâtonnements. Le rôle du
maître est de guider, accompagner, relancer ou réorienter une
recherche lorsque cela est nécessaire. La
9 Réseau canopé, Education
prioritaire, Ministère de l'éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche.
10 Les méthodes qui font réussir les
élèves de Danielle Alexandre
36
pédagogie Montessori11 créée
par Maria Montessori est aussi une pédagogie active. Cette
méthode ne peut se pratiquer que dans des écoles du même
nom car elle demande beaucoup de matériel. En effet, l'idée de
Maria Montessori est de mettre à la disposition des écoliers un
matériel adapté, mais surtout, les laisser libres de choisir
eux-mêmes les activités qu'ils souhaitent faire, pendant le temps
qu'ils le désirent. Elle observe que dès lors que l'enfant se
trouve dans un environnement propice, accompagné par un éducateur
qui s'adapte à lui et le stimule, l'enfant apprend par lui-même,
à son rythme. L'enseignante interrogée nous a expliqué que
son public est plutôt socialement compliqué, en effet beaucoup
d'élèves sont des enfants issus de classes sociales
défavorisées, ou des enfants d'immigrés, certains d'entre
eux ne parlent pas français. Elle pense donc que la
différenciation pédagogique est une méthode qui convient
parfaitement à ce type de public car il est vrai que les enseignants
peuvent utiliser des méthodes pédagogiques différentes
selon la classe, les élèves, le lieu de l'établissement
afin de s'adapter au mieux. L'enseignante nous a alors montré quels
outils elle utilise dans sa classe. Elle nous a notamment montré et
expliqué le cahier de brevets12. C'est un cahier individuel
qui regroupe toutes les activités faites en classe en photo. En effet,
en maternelle, il est compliqué de rendre compte de ce qui est fait en
classe car ce sont surtout des activités manuelles, les parents peuvent
donc suivent vraiment ce que fait leur enfant grâce à ce cahier.
De plus, pour les parents, mais aussi les enfants non francophones, les photos
leur permettent de comprendre, d'avoir des repères visuels. L'enfant
peut alors se situer dans ses propres apprentissages, il sait ce qu'il sait
déjà faire et ce qui lui manque. Dans ces brevets, les
compétences s'atteignent progressivement, chaque compétence est
déclinée en sous-compétence pour que chaque
élève ne soit pas en échec. Chaque sous-compétence
rapporte une étoile (un degré) et le but est que tous les enfants
aient au moins une étoile par compétence. Le premier degré
est normalement atteignable pour tous les enfants sans exception. En revanche,
si l'enseignante mettait tous les enfants directement sur le degré le
plus élevé, elle sait qu'une grande partie de la classe n'y
arriverait pas. Malgré son investissement conséquent, notre
interviewée ne voit que des avantages pour les élèves dans
cette méthode, pour elle, ils ont d'avantage confiance en eux car ils ne
sont plus dans l'échec. Aussi elle voit une plus grande motivation
puisqu'ils sont dans une perceptive de progrès, ils veulent tous avoir
le plus d'étoiles possibles et savent comment les avoir. Mis à
part le cahier de brevet qui atteste d'une pédagogie
différenciée pratiquée, l'enseignante a, au fil du
temps
11 Association Montessori de France -
http://montessori-france.asso.fr/
12 Voir annexe 4
37
mis en place des ateliers autonomes de type
Montessori13 afin de développer leur motricité fine et
leur autonomie.
Nous devions, pour notre troisième et dernier entretien
interroger une auxiliaire de vie scolaire (AVS). Nous avions un contact
grâce à l'enseignante de moyenne section qui nous a donné
le numéro d'une AVS de son école. Nous lui avons donc
envoyé un message mais cette dernière n'y a répondu qu'une
semaine plus tard et les rendez-vous qu'elle nous proposait n'étaient
pas possible pour nous. Au vu du temps qu'il nous restait, nous n'avons pas pu
trouver d'autre professionnel afin de mener cet entretien. Nous avons donc fait
des recherches sur cette activité afin de comprendre le rôle d'une
AVS auprès des enfants en difficultés et comment cet aide
était mise en place. D'après l'ONISEP, l'auxiliaire de vie
scolaire intervient pour permettre à l'élève en situation
de handicap d'accomplir des gestes qu'il ne peut faire seul, travaille en
collaboration avec l'enseignant et facilite le contact entre
l'élève et ses camarades de classe, tout en veillant à
l'encourager dans ses progrès en autonomie. Il existe plusieurs types
d'AVS, comme les AVS-i ou les AVS-co. Les AVS-Co travaillent au service
d'élèves en situation de handicap relevant d'un dispositif
collectif d'intégration (CLIS, UPI) et participent à la mise en
oeuvre d'un parcours adapté. Les AVS-i ont une fonction individuelle,
elles sont orientées vers l'aide à l'accueil et à
l'accompagnement individualisé d'élèves porteurs de
handicaps (aide nécessairement reconnue par le MDPH). L'auxiliaire de
vie scolaire individuelle n'est pas attribué à n'importe quel
enfant que l'on suppose avoir un handicap. L'attribution est possible
dès lors qu'un examen approfondi de la situation de l'enfant fait
apparaître le besoin, pour une durée déterminée,
d'une aide humaine apportée dans le cadre de la vie scolaire
quotidienne, en vue d'optimiser son autonomie dans les apprentissages. La
décision est alors prise par la maison départementale des
personnes handicapées (MDPH). Avant cette attribution, la MDPH doit
avoir bâti, en coopération avec l'équipe éducative
mais aussi avec l'enfant et les parents, un projet personnalisé de
scolarisation (PPS). Un PPS est un document écrit qui définit et
coordonne les modalités de scolarisation et les actions
pédagogiques, psychologiques, éducatives, médicales et
paramédicales adéquates à mettre en place pour faciliter
la scolarisation de l'élève handicapé. Il précise
aussi si l'élève a besoin d'un auxiliaire de vie scolaire et de
matériel pédagogique adapté. Il existe aussi des projets
d'accueil personnalisés (PAI) qui précisent les adaptations
à apporter à la vie de l'enfant en collectivité. Le PAI
concerne les enfants atteints de troubles de la santé comme par exemple
certaines pathologies chroniques telles que l'asthme, des
13 Voir annexe 4
38
allergies ou encore des intolérances alimentaires. Ces
documents sont importants afin de permettre aussi à l'enseignant de
prendre en compte la problématique de l'enfant. Les AVS-i,
chargés du suivi individuel d'un élève handicapé,
peuvent donc avoir à :
? intervenir dans la classe : aide aux déplacements,
à l'installation ou à la manipulation de matériel, au
cours de certains enseignements, facilitation et stimulation de la
communication entre le jeune handicapé et son entourage, ou toute aide
définie avec l'enseignant ;
? participer aux sorties de classe occasionnelles ou
régulières ;
? accomplir des gestes techniques ne requérant pas une
qualification médicale ou paramédicale particulière (aide
aux gestes d'hygiène, par exemple) ;
? participer à la mise en oeuvre et au suivi des
projets personnalisés de scolarisation en tant que membres de
l'équipe de suivi de la scolarisation.
Les AVS n'ont pas vocation à se substituer aux
professionnels de l'enseignement ou du soin. Ils sont en charge d'un
accompagnement "généraliste", uniquement dans le cadre scolaire
et périscolaire, sans intervenir au domicile de
l'élève.
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