Le monopole bancaire français face au droit de l'union européenne( Télécharger le fichier original )par Romain Bony-Cisternes Université Panthéon Sorbonne Paris 1 - Master 2 droit financier 2013 |
Section 4 : Le crédit via les fonds monétaires (OPCVM monétaires)Les fonds monétaires sont connus sous plusieurs dénominations. Ainsi, on les évoque sous le vocable d'OPCVM monétaires ou de « money market funds » (MMF) en anglais. Ce sont, finalement, des organismes de placements collectifs mais qui présentent une particularité face à leurs homologues OPCVM. En effet, s'ils fonctionnent selon le même modèle que tout OPC en ce sens qu'ils collectent de l'épargne publique, ils investissent dans des valeurs particulières qui ne sont ni des valeurs mobilières de capital (comme les OPCVM) ou dans les créances (comme les fonds communs de titrisation). En effet, les fonds monétaires investissent dans des créances à court-terme, sur le marché monétaire (et non le marché financier) de type créances de trésorerie. Economiquement, ils financent donc les besoins de trésorerie à court-terme des entreprises en souscrivant les titres négociables émis par elles à très court terme (tels les billets de trésorerie, les bons de caisse, les titres de créance négociables inférieurs à deux ans). Cela les rapproche donc, conceptuellement, d'un établissement de crédit : d'abord parce qu'ils interviennent sur le marché de la dette monétaire, ensuite parce qu'ils financent la trésorerie des entreprises et qu'ils agissent sur le court-terme. Il ne s'agit cependant pas d'une technique de prêt, comme le ferait un établissement de crédit, mais le modèle est très semblable économiquement : l'argent des épargnants leur permet d'acquérir des parts d'OPC monétaires qui va, lui, financer les besoins 46 à court termes des entreprises. On peut y voir une forme de dépôts et de transformation en crédit de ces dépôts. De même, les risques inhérents à la transformation d'échéance sont, ici, et comme pour les établissements de crédits, réels : les fonds déposés par les épargnants présentent des risques de « runs » ou de retraits massifs. Comme les fonds monétaires investissent dans de la dette à court-terme, souvent volatile, et plus risquée (c'est de la trésorerie) les « runs » peuvent potentiellement avoir des conséquences plus sérieuses, d'où les initiatives multiples de la Commission européenne pour établir un cadre juridique plus contraignant pour les fonds monétaires83. En tout état de cause, les fonds monétaires peuvent présenter des attraits pour les besoins de la pratique, en ce sens qu'économiquement, ils répondent à des besoins très proches de ceux du crédit bancaire. En intervenant sur le marché monétaire, et en investissant dans des instruments de trésorerie, ils permettent d'assurer le financement des entreprises tout en étant à la fois exemptés des règles relatives au monopole bancaire (art L511-7 CMF) et en utilisant une technique différente du contrat de prêt. s? Les approches qui viennent d'être évoquées présentent l'intérêt économique de fournir du financement aux acteurs sans contrevenir aux dispositions du monopole bancaire. Néanmoins, face à leurs limites, certains acteurs ont envisagé d'attaquer frontalement la règlementation en faisant fi des contraintes juridiques et en portant directement, de par leurs opérations, atteinte au monopole bancaire, avec les risques juridiques que cela comporte. Chapitre 2 : L'approche directe, la contravention aux règles du monopole bancaire Le trait commun de ces approches est l'exposition volontaire d'un acteur économique aux sanctions juridiques découlant de l'inobservation des règles relatives au monopole bancaire en raison d'un choix délibéré de passer outre la règlementation et de fournir du crédit à titre habituel. Plutôt que de choisir un moyen détourné, l'acteur se place contra legem. Ces pratiques ne sont pas uniquement une vue de l'esprit : si elles ne sont pas courantes, elles sont, 83 Proposition de Règlement du 4 septembre 2013 faisant suite à la publication du livre blanc sur le shadow banking :
http://ec.europa.eu/internal_market/investment/docs/money-market-funds/130904_impact- 47 en tout cas, réelles. Les acteurs ont, ainsi, pu décider de prendre ce risque en raison des degrés de liberté offerts par la jurisprudence en vigueur et d'une tolérance relative de certaines opérations par les juges qui, sans les autoriser, ne les sanctionnent pas systématiquement. Même s'il est très difficile de s'engager en la matière, c'est-à-dire d'affirmer des vérités, on peut néanmoins sans trop de risques distinguer ce qui relève du marché primaire (section 1) et du marché secondaire (section 2) où les tenants et les aboutissants diffèrent. |
|