Chapitre 2 : Règlementation française de
la société de financement
En ce qu'elle n'est pas un établissement de
crédit, juridiquement, la société de financement tombe de
facto dans la catégorie innomée des entités de shadow
banking. Lors de son adoption, s'est donc posée la question de son
régime prudentiel, au-delà de son régime d'agrément
et de fonctionnement. En effet, il ne faut pas perdre de vue que la
société de financement, comme toute entité de SB,
présente les risques de contrepartie, d'illiquidité, et de «
runs » exposés précédemment. Elle peut, si elle est
filiale d'un EC, faire courir des risques à l'ensemble du système
bancaire. En vertu de son statut lui interdisant la collecte des
dépôts165, la société de financement
bénéficie de sources de refinancement limitées : elles
n'ont pas accès au marché interbancaire ou aux facilités
de paiement de la Banque centrale européenne. En cas de risque, la seule
solution pour se refinancer consiste à céder des créances
sur le marché financier, le marché monétaire leur
étant fermé, ce qui peut conduire à des situations
d'illiquidité. Comme la société de financement financera
ses crédits via des
165 Art L511-5 code monétaire et financier
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emprunts sur le marché, elle est vulnérable au
risque de contrepartie car la défaillance de ses débiteurs la
rend incapable de rembourser ses propres créanciers, sauf à
céder massivement et pour une valeur souvent sous-évaluée,
ses actifs sur le marché, ce qui peut précipiter sa perte, ce qui
est d'autant plus dangereux car la société de financement ne
bénéficie pas de l'accès au marché interbancaire ou
de dépôts pour ajuster en cas de risque de contrepartie. Sa
situation précaire commandait, donc, un régime prudentiel
particulier.
A cet égard, toute la question est de savoir dans
quelle mesure la règlementation prudentielle choisie s'écartera
ou non de celle applicable aux banques, avec les conséquences que cela
entraine en termes d'attractivité.
Les grandes lignes du régime prudentiel applicable
à la société de financement ont été
dévoilées par Danièle NOUY, ex-secrétaire
générale de l'ACPR à l'époque de l'adoption de
l'ordonnance du 27 juin 2013. Le régime prudentiel a été
fixé, définitivement, par voie
d'arrêté166. Il précise notamment que le
régime prudentiel de la société de financement
répond à deux objectifs : d'abord, conférer à ces
entités une robustesse comparable à celle de la directive CRD IV
; ensuite, l'adaptation du régime aux spécificités des
anciennes sociétés financières, devenues désormais
sociétés de financement. La directive CRD IV permet en effet
d'utiliser des pondérations de risques identiques à celles
applicables aux EC pour les sociétés de financement : ce qui a
notamment des incidences en matière d'éligibilité des
prêts cautionnés par les sociétés de financement au
refinancement par obligations sécurisées. On recherche ainsi
l'alignement le plus large possible avec le régime prudentiel des
EC 167(afin de préserver la stabilité
financière, et de ne pas instaurer de distorsion de concurrence avec les
EC). En ce qui concerne les fonds propres, le principe sera celui de la
soumission au package CRD / CRR avec quelques ajustements tenant compte de la
spécificité des sociétés de
financement168. Ainsi en matière d'exigences de
liquidité et de levier 169ou d'adhésion au fond de
garantie des dépôts dont elles sont dispensées.
166 Arrêté du 23 décembre 2013 relatif au
régime prudentiel des sociétés de financement, JORF
n°0301 du 28 décembre 2013
167 Article 11 : Pour l'application du paragraphe 5 de
l'article 119 et du e du paragraphe 1 de l'article 129 du règlement (HE)
n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
susvisé, les exigences prudentielles auxquelles sont soumises les
sociétés de financement sont réputées comparables
en termes de solidité à celles qui s'appliquent aux
établissements, au sens du 3 du paragraphe 1 de l'article 4 du
même règlement.
168 Article 2 : Sauf dérogation prévue par le
présent arrêté, les sociétés de financement
sont tenues de respecter les dispositions applicables aux établissements
de crédit en application : 1° Du règlement (HE) n°
575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
susvisé ; 2° Du règlement du Comité de la
réglementation bancaire n° 91-05 du 15 février 1991
susvisé ; 3° Du règlement du Comité de la
réglementation bancaire et financière n° 97-02 du 21
février 1997 susvisé ; 4° De l'arrêté du 5 mai
2009 susvisé.
169 Article 7 : Les sociétés de financement ne
sont pas soumises aux dispositions relatives à la liquidité et au
levier prévues par le règlement (HE) n° 575/2013 du
Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé,
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Ces modalités de régime étant
précisées, reste à examiner leur pertinence
économique au regard à la fois de l'objectif de
libéralisation du crédit et de celui de stabilité
financière.
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