Chapitre 2 : Les conséquences au niveau
européen
L'adoption du Règlement CRR du 26 juin 2013, si elle a
uniformisé le statut d'EC et libéralisé le crédit,
a manqué une occasion d'accroitre l'effectivité du marché
intérieur (Section 1). La question de la microfinance ne fait pas partie
du package, mais l'UE est en voie de se saisir de la question : elle entend
exclure le microcrédit du champ du monopole bancaire (Section 2).
Section 1 : L'effectivité du marché
intérieur
L'introduction en droit français de la
société de financement soulève des questions relativement
au régime du passeport européen. Le droit de l'Union
européenne n'accorde le bénéfice du passeport
européen qu'à deux types d'entités : les
établissements de crédit et les établissements financiers.
Ainsi, la lecture de la directive CRD IV136, reprenant les
directives antérieures, précise en son article 34 ce que l'on
entend par établissements financiers : établissements
filiales d'un établissement de crédit à au moins 90%.
Ainsi, à la lecture de cet article, on comprend que l'introduction de la
société de financement risque de n'avoir que peu de
conséquences sur l'état antérieur du régime du
passeport.
En effet, pour les établissements étrangers non
bancaires fournissant des services de crédit et non filiales d'un EC, il
ne sera pas possible de s'installer en France car ils ne sont pas
éligibles à la qualification d'établissement financier :
c'est ce qui prévalait avant même l'introduction du
règlement CRR. En outre, les sociétés de financement
françaises non filiales à 90% d'un établissement de
crédit ne seront pas, non plus, éligibles à la
qualification d'établissement financier et ne pourront installer de
succursale dans un autre Etat membre de l'UE.
136 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du
Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité
des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement,
modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et
2006/49/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE
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Il y a là un paradoxe : nous avons mis en exergue que
la volonté de l'UE était à la fois de libéraliser
les sources de crédit et de parachever l'effectivité du
marché intérieur. Pourtant, en adoptant le package CRD / CRR,
l'Union européenne aurait du également en profiter pour modifier
la définition d'établissement financier et de l'étendre
aux entités non plus seulement filiales à 90% d'EC mais à
toutes les entités fournissant des services de crédit sans
préjudice de leur appartenance ou non à un groupe bancaire. Ce
faisant, la réforme instaurant l'harmonisation des définitions
d'EC aurait été réellement bénéfique au
marché intérieur, en ce sens que les sociétés
non-bancaires françaises ou étrangères fournissant des
services de crédit, sans être filiales d'un établissement
de crédit (comme la société de financement) auraient pu
bénéficier du régime européen du passeport. Au lieu
de cela, l'UE propose une réforme en demi-teinte car l'harmonisation des
définitions d'EC n'a aucune influence en matière de passeport :
les sociétés de financement en sont dépourvues, et les
sociétés étrangères également. Finalement,
l'UE entendait libéraliser le crédit et introduire la concurrence
entre banques et autres entités pour la fourniture du crédit,
mais n'a pas complété cette avancée en permettant aux
entités nouvelles de prester leurs services dans toute l'UE selon le
régime du passeport, ce qui est réducteur. Il est donc
souhaitable d'étendre le régime des établissements
financiers à toutes ces entités nouvellement
créées.
L'UE conduit donc une libéralisation à
l'intérieur des Etats membres en mettant fin aux monopoles bancaires
mais ne créée pas les conditions d'une concurrence réelle
entre les pays sur le marché du crédit non-bancaire.
Heureusement, il existe une solution pour remédier
à ces avaries juridiques. En effet, à défaut de pouvoir
bénéficier des largesses du passeport européen, les
sociétés de financement comme les sociétés
étrangères non bancaires qui ne sont pas filiales d'EC pourront
bénéficier des dispositions générales du TFUE
relatives à la liberté d'établissement et à la
libre prestation de services pour installer une succursale dans un autre Etat
membre, court-circuitant ainsi les insuffisances du régime
d'établissement financier et du passeport européen137.
Ce régime est différent de celui du passeport en ce sens qu'il
est moins avantageux : surveillance par le pays d'origine et dispense
d'agrément dans le pays d'accueil, reconnaissance mutuelle etc.
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