Section 2 : Le désir d'exclure le
microcrédit du champ du monopole bancaire
137 V. SAMIN T., « La réforme du statut
d'établissement de crédit en vue de l'entrée en vigueur du
règlement européen CRR I (Capital Requirements Regulation) : des
sociétés financières aux société de
financement » in Revue de droit bancaire et financier, n°5,
septembre 2013 ; et ANCEL M-E., « Opérations de banque
intra-communautaires Ð Aspects statutaires » in JCL Banque
crédit bourse n°1010
86
L'Union européenne ne s'est pas, à l'heure
actuelle, dotée d'un corpus législatif relatif à la
microfinance, laissant aux Etats membres la possibilité ou non
d'instaurer un régime particulier. Il ressort, pourtant, de travaux de
la Commission que, si l'Union n'a pas légiféré, elle a
à tout le moins adopté une ligne de conduite en la
matière.
En effet, dans un rapport sur l'application de la directive de
2006138, la Commission énonce deux principes. D'une part,
elle se prononce contre l'inclusion du microcrédit dans le champ du
monopole bancaire (conformément à son attitude envers le monopole
et la libéralisation du crédit en général,
exposée en partie 2, titre 1er) au motif que les banques se
désintéressent souvent de ces activités peu rentables et
parfois risquées. Cela est, en outre, cohérent avec sa
définition de l'établissement de crédit et sa conception
des activités de crédit. D'autre part, elle énonce que les
exigences prudentielles devant peser sur les entités de
microcrédit doivent nécessairement être
allégées en ce sens qu'elles ne collectent pas de
dépôts, ce qui, encore une fois, est conforme à l'esprit
européen en matière de monopole bancaire.
Pour une fois, il semble que la France ait ici
été avant-gardiste en ce sens qu'elle a appliqué ces
préconisations avant que l'UE n'impulse de texte général
en la matière : elle a exempté le microcrédit du monopole
bancaire, bien qu'en ayant pris des mesures de sécurité au niveau
prudentiel (voir supra).
Afin de conclure sur cette partie, soulignons que les
atteintes européennes au monopole bancaire français, si elles ont
été réelles, sont surtout restées théoriques
et conceptuelles. L'examen des conséquences du règlement CRR a,
en effet, montré que tant au niveau national qu'européen, ces
atteintes sont plus que relatives : d'une part, la société de
financement est fortement privée de portée par la France, portant
ainsi atteinte aux objectifs microéconomiques de libéralisation
effective du crédit ; d'autre part, l'absence de réforme du
statut d'établissement financier par l'UE empêche, au niveau
macroéconomique et européen, une véritable intensification
de la concurrence au sein du marché intérieur, privant ce dernier
du parachèvement et de l'unification en matière
financière. Inutile de dire que cela se fait au détriment des
acteurs économiques.
A la vérité, ces avancées en demi-teinte
témoignent, au delà de la volonté de libéraliser le
crédit, des hésitations des législateurs français
et européens, partagés entre la nécessité de
reconnaître que les banques ne jouent plus vraiment leur rôle, et
le spectre de la crise financière qui fait planer une menace sur la
stabilité financière, ce qui accroit les méfiances envers
le shadow banking (cf : la position de l'ACPR). Au résultat, on
a d'un côté
138 Rapport de la Commission au Parlement européen et
au Conseil sur l'application de la directive 2006/48/CE sur le
microcrédit - 20.12.2012
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l'introduction de structures nouvelles, d'un autre, un
mouvement de reflux législatif qui entend limiter leur portée en
encadrant leurs activités pour éviter les risques, et notamment
le risque systémique.
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TROISIEME PARTIE :
LES ENJEUX DE LA LIBERALISATION DU CREDIT AU SEIN DE
L'UNION
EUROPEENNE
La libéralisation du crédit présente des
enjeux qui transcendent les frontières ; ainsi, ils sont présents
à la fois au niveau français et au niveau européen.
L'Union européenne, consciente des limites bancaires, s'est
prononcée en faveur de la libéralisation des sources de
crédit. A cet égard, le paquet législatif CRD IV / CRR I
n'est qu'un des aspects de la libéralisation du crédit. Son
influence sur les monopoles bancaires nationaux est réelle. Cependant,
malgré sa volonté d'infléchir les monopoles bancaires
nationaux et de libéraliser le crédit, l'Union européenne
est aussi consciente qu'un encadrement des structures de finance
parallèle est nécessaire.
Cette apparente réticence envers le shadow
banking, bien qu'il soit reconnu comme nécessaire, s'explique par
les risques qui lui sont attachés (Titre introductif).
Ainsi, l'Union européenne et la France ont entrepris de réguler
les entités de shadow banking (Titre
1er). Reste à savoir si cette réglementation
est finement ajustée pour permettre à l'activité de ces
entités de s'opérer, ou si, au contraire, elle est dirimante
(Titre 2).
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