Section 2 : Le potentiel de la société de
financement
L'introduction de la société de financement en
droit français aurait pu être source de nouvelles exploitations
par la pratique. En effet, cette forme juridique présente l'avantage de
permettre la réalisation d'opérations de crédit à
titre régulier sans collecter des fonds du public et sans obtenir
l'agrément d'établissement de crédit. La
société de financement peut, en théorie, octroyer des
prêts sur fonds propres ou sur des fonds empruntés par elle sur
les marchés financiers. Jusqu'à présent, certaines
entités non-bancaires qui désiraient pourtant effectuer des
opérations de crédit se heurtaient à un dilemme. Elles
avaient le choix entre d'une part se mettre en contravention avec la loi en
exerçant des opérations de prêt à titre habituel, et
d'autre part la sollicitation d'un agrément auprès de
l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour
devenir un établissement de crédit. Comme on a pu le voir, le
régime prudentiel de l'établissement de crédit correspond
au niveau le plus élevé de contraintes (observation de ratios de
fonds propres, application des règlementations issues de Bâle,
règles concernant le capital et la gouvernance, l'actionnariat) ce qui
se justifie par des impératifs de stabilité financière et
de protection des déposants. Ce statut était donc, par nature,
répulsif pour des entités qui, sans collecter les
dépôts, et sans avoir une structure financière aussi
solide, désiraient de temps à autre se livrer à des
opérations de crédit. Même si rien n'empêchait un
fonds d'investissement ou hedge fund non OPCVM de solliciter un tel
agrément, aucune entité n'aurait songé se soumettre
à des contraintes telles que celles pesant sur les EC, a fortiori
en ces temps de durcissement prudentiel.
L'introduction du véhicule de la société
de financement en droit français paraît rompre ce statuquo
en ce qu'elle permet, conceptuellement, à des entités en
capacité de financement d'effectuer des opérations de
crédit à titre régulier.
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Le premier avantage de la société de financement
est qu'elle permet, là encore conceptuellement, de restaurer la
sécurité juridique d'un certain nombre
d'opérations, notamment des opérations de crédit
déjà existantes dans la pratique par certaines entités du
shadow banking (cf partie I). En outre, elle permet à d'autres
entités de se lancer dans des opérations de crédit en
étant protégées au regard de l'interdiction de l'article
L511-5 CMF puisqu'il vise expressément les sociétés de
financement. Ces sociétés pourront alors exercer des
activités de crédit à titre habituel sans risquer les
sanctions afférentes aux violations du monopole bancaire et
exposées en introduction.
En pratique, quelles hypothèses cela pourrait recouvrir
?
Certains fonds monétaires (OPCVM monétaires),
spécialisés dans de la dette à court-terme, pourraient
vouloir se lancer dans des activités de crédit. Aussi, comme le
statut de la société de financement est incompatible avec la
gestion collective, il est envisageable pour la société de
gestion de portefeuille qui héberge le fonds monétaire de
créer une filiale qui prétendrait au statut de
société de financement et serait capitalisée comme tel,
afin de fournir des service de prêt à titre régulier aux
clients habituels du fonds monétaire, sans recourir à
l'émission de titres à court-terme.
De même, les nombreux fonds de private equity
auraient un intérêt encore plus prononcé à
créer des filiales sociétés de financement ou à
solliciter directement ce statut, afin de pouvoir fournir, en plus de leurs
investissements en capital, de la dette mezzanine non plus constituée
sous forme obligataire mais sous forme de contrat de prêt. Il en va de
même pour des fonds d'investissement alternatifs non constituée
sous forme de gestion collective.
Ainsi, toute entité qui n'est pas une banque et qui
désire fournir des prestations de crédit peut prétendre
(directement ou au moyen de la création d'une filiale
dédiée) au statut de société de financement, ce
statut étant plus léger que celui d'une banque (donc
théoriquement plus attractif) (FIA, fonds de gestion alternative,
hedge funds, OPCVM dont certains peuvent intervenir sur le marché
du refinancement mais pas sur le marché primaire).
Est-ce à dire que la société de
financement constitue le nouvel eldorado juridique, la nouvelle «
structure de droit commun » pour les entités du shadow
banking qui espèrent pouvoir se livrer à des
activités bancaires en étant protégées et
adjuvées par un nouveau statut créé spécialement
pour elles ?
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Il semble que les espoirs qu'autorise l'introduction de la
société de financement en droit français se heurtent, pour
autant, à l'agrément de l'Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution qui, en vertu de l'article L511-10 du code
monétaire et financier.
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