TITRE 2 :
LES ATTEINTES DIRECTES AU MONOPOLE BANCAIRE
FRANÇAIS PAR LE DROIT DE L'UNION EUROPEENNE
107 Deuxième directive 89/646/CEE du
Conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des
dispositions législatives, réglementaires et administratives
concernant l'accès à l'activité des établissements
de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE
108 Loi n°92-665 du 16 juillet 1992 - art. 38 JORF 17
juillet 1992 en vigueur le 1er janvier 1993
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Le monopole bancaire français, comme nous avons pu le
voir, ressort de la liste des opérations de banque prévue
à l'article L311-1 du code monétaire et financier. Le contenu de
cet article, et donc les contours du monopole bancaire, a
évolué au fil du temps au gré des réformes
d'impulsion européenne. En effet, comme nous l'avons montré en
introduction, l'Union européenne a été en quelque sorte
l'instigatrice d'un changement de paradigme chez le législateur
français. Avant 2009, en effet, le monopole bancaire français
était conçu comme un absolu que la directive de 2006
tolérait de façon implicite. Dès lors, à
l'époque, toutes les exemptions reposaient sur la logique de l'exception
textuelle. En témoignait la rédaction de l'article L311-1 du code
monétaire et financier qui disposait que « Les
opérations de banque comprennent la réception de fonds du public,
les opérations de crédit, ainsi que la mise à la
disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement.
» Cette rédaction envisageait largement la liste des
opérations de banque et concédait, en conséquence, aux
établissements de crédit français un monopole
étendu allant de la fourniture de crédit à la collecte des
dépôts et à la fourniture de services de paiement. A partir
de 2009, cependant, sous l'impulsion du législateur européen,
nombre de segments ont été libéralisés ; de sorte
que la liste des opérations de banque s'en trouva modifiée et,
partant, le monopole bancaire altéré : ainsi en fut il -
chronologiquement - à propos de la libéralisation des
services de paiement (Chapitre 1er), de
l'émission de monnaie électronique (Chapitre 2)
et de fourniture de crédit (Chapitre 3).
Chapitre 1er : L'atteinte au monopole des paiements
Le développement des moyens électroniques de
paiement et la volonté d'assurer le bon fonctionnement du marché
unique des services de paiement (cf : « L'Europe des paiements
», supra) ont été à l'origine de
l'adoption de la directive du 13 novembre 2007 109concernant les
services de paiement dans le marché intérieur dite «
directive SEPA » pour Single European Payment Area. Cette directive a
été transposée par l'ordonnance du 15 juillet
2009110. Une de ses principales innovations est la création,
aux cotés des établissements de crédit, des
établissements de paiement dont l'activité spécifique
essentielle est constituée par les services
109 Directive 2007/64/CE du parlement européen et du
conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le
marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE,
2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE
110 Ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative
aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et
portant création des établissements de paiement,
complétée par un décret n°2009-934 du 29 juillet 2009
et deux arrêtés du 29 juillet 2009 et du 29 octobre 2009.
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de paiement111. La directive est d'harmonisation
totale obligeant ainsi les Etats membres à s'aligner à la
manière du règlement. Selon l'article L522-6 CMF, un
établissement de paiement est une personne morale fournissant à
titre de profession habituelle des services de paiement. L'article L314-1 CMF
énumère ce que la loi entend par services de paiement :
virements, prélèvements, retraits et dépôts de
fonds, émission d'instruments de paiement, acquisition d'ordres de
paiement. L'opération de paiement doit donner lieu à un ordre de
paiement électronique, être effectuée par le truchement
d'un compte de paiement112. La loi prévoit également
des exclusions dont font partie les effets papier.
La principale conséquence de cette ordonnance est la
modification, sous impulsion européenne, de la liste des
opérations de banque (et donc de l'article L311-1 CMF et par
conséquent du monopole bancaire). En effet, désormais, les
services de paiement entrant dans le champ de la directive ne sont plus
couverts par le monopole bancaire mais sont ouverts à la concurrence :
celle ci joue désormais entre des établissements de crédit
et des établissements de paiement pour les mêmes services.
D'où la modification de l'article L311-1 CMF. Celui ci qui disposait que
« Les opérations de banque comprennent la réception de
fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise
à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de
paiement. » dispose désormais que : « Les
opérations de banque comprennent la réception de fonds du public,
les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de
paiement ». Les services bancaires de paiement désormais
visés par la loi doivent être distingués des services de
paiement en règle générale, car ils en constituent une
sous catégorie. Les banques se voient cantonner les services bancaires
de paiement, tolérés au sein du monopole, alors que les services
de paiements non exclusivement bancaires peuvent désormais être
assurés par des EP. Ainsi, le monopole bancaire voit lui échapper
les services de paiement, car ceux ci peuvent être exécutés
par plusieurs entités. Comme le résume un rapport au
président de la République113, « Les services
bancaires de paiement, tels que la délivrance de chèques ou
l'émission et la gestion de monnaie électronique, font partie des
opérations de banque qui constituent la profession habituelle des
établissements de crédit ».
111 MATHEY N., « La réforme des services de
paiement », in Revue de droit bancaire et financier n°1, Janvier
2010
112 BOUTEILLER P., « La transposition en droit
français des dispositions européennes régissant la
fourniture de services de paiement et portant création des
établissements de paiement » in JCP E n°39, 24 sept.
2009, 1987.
113 Rapport au Président de la République
relatif à l'ordonnance n° 2010-11 du 7 janvier 2010 portant
extension et adaptation de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009
relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement
et portant création des établissements de paiement à la
Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux
îles Wallis et Futuna in JORF n°0006 du 8 janvier 2010 page 442
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La seconde atteinte temporelle au monopole bancaire en
provenance du droit de l'UE est celle relative à l'émission de
monnaie électronique.
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