3. L'ère de la démocratisation : La
quatrième République
Sous la menace d'Idriss Déby, chef militaire
ressortissant du Nord, H. Habré est aux abois. Le
1erdécembre 1990, il quitte le pouvoir alors que les troupes
débyiennes sont fortement installées à 700 Km au Nord de
la capitale, N'Djaména. Des groupes ethniques et militaires ont
profité de la crise sociale du moment pour gonfler les rangs des
mécontents de son régime. En ce dernier décembre du
règne de Habré, plusieurs observations ont attesté que
beaucoup de militaires ont refusé de combattre. Leur solde n'a pas
été versée pendant longtemps.
3.1 Déby et la prise du pouvoir en 1990
La fin du régime d'Hissène Habré fut le
produit de plusieurs facteurs. D'abord, les relations du président
tchadien avec la France se détériorèrent en 1990. Il faut
se souvenir de l'attitude de Habré lors du sommet franco-africain, tenu
à La Baule. Il s'opposait alors durement au Président Mitterrand
sur la question de la démocratisation, avec une agressivité et
une aigreur peu commune : H. Habré a refusé le
néocolonialisme qui se cache derrière l'imposition de la
démocratie. Enfin, il refuse les recommandations de la Conférence
des Chefs d'État de France et d'Afrique, tenue en juin 1990. En bon
dictateur il n'a pu accepter ce que le président Français
Mitterrand prêche comme nouvelle philosophie. Mitterrand prônait la
démocratie avec un schéma tout prêt : système
représentatif, multipartisme, liberté de la presse,
indépendance de la magistrature, refus de la censure, etc.
Cette attitude intransigeante réveilla des très
mauvais souvenirs sur les actes criminels du président tchadien avant et
après son accession au pouvoir et sur les multiples humiliations qu'il
avait fait subir aux troupes françaises du dispositif
Épervier, pourtant ses alliées. Idriss Déby, chef
rebelle et ancien collaborateur de H. Habré, ayant déjà
des partisans au sein de l'armée nationale (il avait fait l'École
de guerre à Paris en 1985-1986) et des services de renseignements, part
favoris. Il lance la marche sur N'Djaména et occupe le fauteuil
présidentiel le 1er décembre avec la «
bénédiction » de la France.
3.2 La critique des moeurs politiques débyiennes
Déby, bien qu'ayant participé au gouvernement de
Habré, s'est fait sauveur. Il proclame la liberté d'expression et
d'association, dissout la police politique et autorise le multipartisme. Varsia
fait allusion aux services de renseignements qui ressemblent fort bien à
la DDS de H. Habré, à la répression dans le sang, de la
guerre, à la répartition ethnico-
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religieuse des places à la fonction publique et
à la gestion dictatoriale du multipartisme. La relation Tchad-Libye a
inquiété plus d'un. À peine arrivé au pouvoir,
Déby libère neuf cents prisonniers libyens et reçoit la
visite de plusieurs missionnaires et investisseurs libyens.
Deux ans après la prise du pouvoir, les institutions
politiques ne sont pas remises en place et aucun forum n'a été
prévu pour un débat franc et sincère entre les fils du
pays. La liberté de presse et d'expression n'est pas effectuée et
matérialisée. Alors qu'à l'occasion de son premier
discours, Déby disait : « je ne vous apporte ni or, ni argent,
mais la liberté ! » (Masra et Béral, 2008 : 77-78).
Cette liberté devient problématique selon les défenseurs
de droits de l'homme qui estiment qu'une année après ce discours
la grève des étudiants a été
sévèrement interdite et sanctionnée.
Plusieurs écrivains à l'instar de Masra et
Béral dénoncent la fusion Zaghawa-Goranes au service d'une
satisfaction matérialiste égoïste : « ce fut comme
si sur le pays, s'était soudainement abattue une tribu de
matérialistes obsédés, particulièrement
passionnés de motos ! » (Masra et Béral, 2008 : 79).
À la tombée de la nuit, des hommes en tenues abattent les motards
pour un engin. Amusant, Béral pense qu'au lieu de donner la
liberté, les tenants du régime sont venus, sans or, ni argent,
prendre le peu d'argent dont disposerait le peuple. Ce point de vue est
discutable.
Sur le plan politique, les chefs des partis à
l'opposition réfléchissent beaucoup plus aux postes
ministériels à la solde débyienne. Ainsi, ils ne peuvent
pas opposer une lutte démocratique sérieuse pour la prise du
pouvoir. En 1993, les dirigeants de l'UST sont suspendus. Ces membres ont perdu
leurs emplois pour avoir organisé une grève des agents de la
fonction publique.
Parlant de la liberté de la presse, l'organe
régulation des médias, le HCC, dirigé par des proches du
parti au pouvoir distribue des sanctions à la presse privée pour
la garder hors de la danse royale organisée par la presse publique. Les
journalistes qui ont cru en la liberté d'expression l'ont payé de
leur vie. Maxime Kladoumbaye, journaliste à l'Agence Tchadienne de
presse est assassiné en janvier 1992. A. Madjigoto, journaliste à
la Radio nationale est abattu à tout portant le 04 octobre 1992. La
liste des assassinats est longue.
Sur le plan économique, aucune politique rentable n'a
été définie en 1990. La douane et la Cotontchad, les deux
mamelles de l'économie tchadienne ne profitent pas exclusivement
à l'État, mais à des individus. L'État compte
beaucoup plus sur la Libye, le Soudan et la
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France pour devenir politiquement et économiquement
stable. La CNS tenue du 15 janvier au 12 avril 1993 essaye de revoir le
problème tchadien de la division Nord-Sud. Les jeunes tchadiens vont
vivre, dans leur majorité, le chômage. Les partis politiques ne
pensent qu'à la démission du « nouveau
général des corps d'armées, chef suprême des
armées, président du conseil des ministres chef de l'Etat, son
excellence Idriss Déby» (Masra et Béral, 2008 : 89)
qui, lui, a reçu sa mission par les armes. Le ralliement des partis
autour de la table présidentielle commencent après 1996 en masse.
Seul le parti FAR de Yorongar a pu tenir à l'opposition radicale avec
des discours impressionnants.
Avec l'avènement du PAS, l'éducation nationale a
été une priorité de l'État. Malheureusement
l'école tchadienne a formé, en plus des citoyens consciencieux,
nationalistes et dévoués, des nullards, irresponsables et
malhonnêtes qui n'ont pas le sens du bien public. La corruption, des
élèves à l'administration en passant par les enseignants,
met à mal le système éducatif Tchadien. Quelques nouveaux
parvenus, malgré leur grille salariale moyenne construisent des villas,
achètent des voitures de luxe et font des dépenses sans
égal lors des cérémonies. Le détournement devient
leur règle de jeu.
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