3.3 Le financement des écrivains et des
éditeurs
3.3.1 La question de mécénat
Pour l'édition et la publication des oeuvres
littéraires, les écrivains et les auteurs sont en droit de
bénéficier d'un financement public ou privé. L'État
pour la promotion de la culture, doit mettre une certaine somme à la
disposition de ceux-ci afin de leur facilité la tâche.
Malheureusement, aucun de ses acteurs, lors de nos prospections n'a reconnu
avoir bénéficié de l'aide de l'État. Les auteurs
ont, d'une manière ou d'une autre, bénéficié d'une
assistance du secteur privé. Les éditeurs avouent
également avoir été aidés par des personnes morale
et physique. C'est le mécénat, entendons financement d'une
activité dans un but généralement non lucratif, Le
mécénat est pour Escarpit, l'« entretien de
l'écrivain par une personne ou une institution qui le protègent
mais attendent de lui en retour la satisfaction du besoin culturel»
(Escarpit ,1968 :47). Du latin Maecenas et du nom de
Mécène, chevalier romain, conseiller
d'Auguste57, protecteur des lettres, désigne selon Le
dictionnaire du littéraire « toute forme d'aide à
un artiste pour le soutenir dans l'exercice de son art, que cette aide
provienne de particuliers ou d'une puissance étatique» (Aron
et al, 2002 :359). Ce dictionnaire reconnait qu'il est un acte gratuit qui a
une visée ostentatoire puisqu'il n'est pas attribué par simple
amour de l'art. Ainsi le mécénat pose un problème de
rapport entre pouvoir économique et culture. Cet aspect est
développé par Escarpit (1965) et Bourdieu (1998).
Le financement produit un effet de dépendance qui peut
être une nouvelle piste d'explication et de compréhension de
l'oeuvre littéraire. Vu que la relation entre l'écrivain et/ou
l'éditeur et le mécène, celui qui lui offre les capitaux
de production peuvent se traduire dans l'oeuvre par le biais de l'éloge,
la défense de son idéologie, sa vulgarisation, etc. La
préface et les remerciements sont également des lieux
d'expression de ces sentiments de reconnaissance. Le mécène peut
être une source d'inspiration. Il nous intéresse car nous nous
attardons sur les conditions de production des oeuvres. Dans le cas que nous
évoquons, certains écrivains avouent que le mécène
a été la source d'inspiration ou a influencé d'une
manière particulière, au point d'être une
référence implicite. Nous pouvons affirmer que la
littérature entretient des rapports complexes avec l'argent et la
politique. Un travail d'analyse sociologique gagnerait en étudiant cette
relation tripartite politique-économie-culture.
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57 Empereur romain né à Rome en 63 avant
Jésus christ et mort en l'an 14 après celui-ci.
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3.3.2 Le secteur privé et assistance aux
écrivains
Dans le cas des écrivains tchadiens, il n'est pas
aisé de trouver en nombre suffisant ces bonnes volontés. La
radiodiffusion française, par ses concours de théâtres et
de nouvelles a participé à une éclosion de la
littérature tchadienne. Les lauréats de ces concours ont vu leurs
oeuvres publiées et diffusées dans le monde francophone. Nous
avons développé cet élément dans le premier
chapitre de la dernière partie de la présente thèse. Nous
y avons également fait allusion à la publication des oeuvres des
lauréats des différents concours au niveau national. À
vrai dire cette pratique se différencie du mécénat qui est
une aide accordée pour l'exercice, voir l'accomplissement de
l'activité d'écriture ou d'édition. Mais il est ingrat de
ne pas en parler, dans la mesure où la finalité de toutes ces
aides est de voir une oeuvre accomplie. Les oeuvres publiées dans le
cadre des concours n'auraient jamais vu le jour n'eut été
l'assistance financière des organisateurs de ce concours et de leurs
collaborateurs. Cet état de chose conditionne bel et bien la production
littéraire. Roland Barthes disait à cet effet que « nul
ne peut écrire sans prendre parti passionnément [...] sur tout ce
qui va ou ne va pas dans le monde» (Barthes, 1994 : 14).
L'association « Pour mieux connaître le Tchad
», fondée le 30 janvier 1992, par des intellectuels tchadiens et
français58 qui ont décidé d'oeuvrer pour faire
progresser et diffuser la connaissance scientifique et pratique au Tchad par la
publication des livres, et le cas échéant, de cassettes
vidéo et audio ainsi que par l'organisation des conférences et
d'expositions, est une institution non négligeable dans la production et
la diffusion de la littérature tchadienne. Plusieurs écrivains
tchadiens ont été publiés par cette association dont le
siège est à Pairs. (Institut National des Langues et
Civilisations Orientales). Elle a toujours presque fait éditer ses
oeuvres par L'Harmattan et Sépia en France59. Les titres et
la tendance autobiographique
58 Mme et MM Abdelkerim Chérif, Robert
Buijtenhuijs, Kadi Mahamat, Marie José Tubiana, Joseph Tubiana, Claude
Durant, Nicole Vial, etc.
59 En 1994, l'association publie chez L'Harmattan,
avec la signature de Joseph Tubiana, Claude Arditi et de Claude Pairault,
L'identité du Tchad. L'héritage des peuples et apports
extérieurs. En 1998, chez L'Harmattan, Pierre Toura Gaba publie
grâce à elle Non à Tombalbaye. La même
année chez Sépia, l'association publie Les Moments difficiles
de Zakaria Fadoul Khidir. Deux ans après, parait par son initiative
à titre posthume Le souffle de l'harmattan de Baba Moustapha
chez L'Harmattan et Sépia. En 2002, Joël Rim-Assbé Oulatar
signe Tchad, le poison et antidote par sa faveur. En 2006, deux ans
après la publication par Marie José et Tubiana des contes
Zaghawa., Z. F. Khidir signe chez Sépia Le chef, le forgeron et le
fakir
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témoignent la volonté de connaître
l'histoire politique du Tchad. Ces oeuvres littéraires sont tous
à tendance autobiographique. L'association, à tendance marxiste,
se classe du côté de la basse classe, des victimes, des innocents,
pour dénoncer les exactions politiques et prôner l'unité.
Tous les livres qui répondent à cette préoccupation sont
financés. Les auteurs peuvent être fascinés par cette
philosophie avant d'écrire. Celle-ci est une des associations oeuvrant
dans le domaine de la production littéraire. Notre objectif n'est point
d'épuiser la liste des mécènes, mais de démontrer
que ceux-ci favorisent et conditionnent la production littéraire.
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