3.1.5. La place de la littérature au sein des
centres de « moyenne édition »
La littérature représente 10% des publications
du centre Al-Mouna. (Entretien du 27/07/2010). Selon la responsable du centre,
la demande est fortement élevée, mais le problème est du
côté de l'entreprise qui préfère une édition
à compte d'éditeur et ne dispose pourtant pas suffisamment de
moyens financiers pour répondre à celle-ci : «
l'édition se fait toujours à perte, nous n'arrivons
généralement pas à rembourser les prix d'édition.
Nous cherchons, malgré tout de l'argent pour éditer au maximum
des oeuvres littéraires au moindre coût, de façon à
rendre le livre accessible au grand public» (Entretien
réalisé avec la responsable du centre Al-Mouna, le
27/07/2010).
La place de la littérature est
prépondérante aux éditions du CEFOD, estime le responsable
du service édition. Le centre fait la vulgarisation de tous les produits
locaux de l'esprit : « pour la publication, au niveau de
l'édition, nous faisons deux nouvelles éditions, deux
rééditions chaque année. Des oeuvres littéraires
ont été publiées dans cette logique. Cependant la
priorité est aux textes produits par les femmes.» (Entretien
du 10/08/2010, op.cit.). Le centre n'a pas pour vocation la publication
littéraire, mais de temps en temps, il publie des recueils de contes, de
nouvelles, de proverbes, etc. Nous pensons aux récits de chasse de
l'équipe de recherche de Bousso en 1993 ; Le Balai de la
première épouse de Mbaïdam Ngaba et Ainsi parlaient
nos ancêtres de Djimtola Nelli publiés en 1995 ; Entre
honte et folie de Ndoboui Eugène (2000), et Autour du feu
; Parole d'hier et aujourd'hui, Amour coupable etc. Ce manque
d'intérêt s'explique par le caractère social et non
lucratif du centre et par la préférence des bailleurs. Le
responsable estime que quand les partenaires ne peuvent pas apporter leur
appui, le centre se voit obligé de revoir la politique de prix et les
domaines de production. Généralement ce sont les textes de Droit
qui y sont prisés.
À défaut de financement et de subvention de la
part de l'État, ces deux centres sont quelquefois obligés
d'orienter les auteurs vers d'autres maisons plus spécialisées en
littérature, comme Sao, au Tchad et L'Harmattan, en France. La demande
est forte parce que le besoins d'écrire, de s'exprimer est criard au
Tchad. Mais la particularité de ces centres réside dans leur
système. Au Tchad, si on ne fait pas payer aux auteurs leur publication,
il faut avoir le financement. Or tout cela est aléatoire pour lesdits
centres. Il n'est pas évident que la publication à compte
d'éditeur soit un avantage pour l'essor de la littérature. Il
n'est pas aisé de s'endetter pour publier un livre et ne pas être
sûr qu'il se vende. Les Tchadiens n'aiment pas acheter les livres,
même les intellectuels. La raison est à la fois d'ordre
économique et
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culturel. Après une information sur le prix d'un livre,
un fonctionnaire se demande : « vingt et sept milles ? Ça fait
combien de sacs de maïs ? » (Entretien avec Darma Sylvain,
responsable des éditions du centre Al-Mouna, le 28/05/2010). Si on doit
évoluer avec une telle mentalité, rien ne va se publier sur
place, ledit livre a été publié en France. S'il
était édité et publié56 au Tchad, il
ferait le double de ce prix. De prime abord, le bas salaire et la
pauvreté semblent être à l'origine de ce manque de
volonté pour la littérature. Pourtant, il y a des gens qui
dépensent le double de ce montant dans l'alcool en un jour. Darma
Sylvain renchérit qu'il y a des Mercédès qui coûtent
plus chère que le prix total des livres dans une bibliothèque. Le
Tchadien n'a donc pas la culture de la lecture.
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