3. De l'hétérogénéité
culturelle à la culture nationale
Le Tchad regroupe sur un même territoire des peuples aux
cultures et identités très variées. Plusieurs ethnies,
religions et langues y trouvent leur place. Cependant, deux cultures dominantes
tentent de diviser le pays en groupes. Il s'agit de la culture
judéo-chrétienne au Sud et celle arabo-islamique au Nord. Cette
division est devenue très pointue après la colonisation. Car bien
avant, chaque groupe ethnique était organisé en empire, en
royaume, en chefferie etc., d'où la présence des Mbang,
(Bédaya, Baguirmi), de Ngong (Léré), de Doré
(Fianga), des sultans (Kanem, Ouaddaï). Ces différents États
précoloniaux regroupaient en eux des sous-groupes ethniques fiers
d'être sous leur autorité et leur protection. Les lois et les
règles de ces groupes et sous-groupes sont du Nord au Sud
différentes les unes des autres. Plusieurs personnes pensent que les
cultures étrangères sont plus ségrégationnistes que
les cultures identitaires locales. Il n'est en aucun cas question d'une
symbiose ou d'une homogénéité culturelle à
envisager pour arriver à une identité nationale digne de ce
nom.
3.1 L'identité culturelle
M. a. M. Ngal définit l'identité comme
« un espace intérieur, psychologique, social, non lié
nécessairement à la présence physique et
géographique sur un territoire national» (Ngal, in Notre
Librairie n° 83, avril-juin 1986 : 42). Cependant cette notion
renvoie en droit civil à « un ensemble des composantes
grâce auxquelles il est établi qu'une personne est bien celle qui
se dit ou que l'on présume telle» (Guillien et Vincent, 1990 :
261) Ces éléments comportent le nom, les prénoms, la
nationalité et la filiation, etc. La nationalité et la filiation
prennent appui sur la culture ethnique et atavique dans un espace donné.
C'est pour cette raison qu'elles méritent d'être
étudiées pour une culture nationale.
Le dictionnaire du littéraire définit
la culture comme « un ensemble de connaissances qui distinguent
l'homme cultivé de l'homme inculte, à savoir un patrimoine
philosophique, artistique et littéraire» (Aron, et al. 2002
:129). Cette définition met en exergue un certain nombre de
connaissances acquises lors de la vie en société et utiles pour
le commerce ou l'échange d'idées entre les membres de cette
société. Le même dictionnaire propose une autre
définition qui prend en compte les valeurs mêmes traditionnelles
transmises pour la formation de l'enfant. La culture est « un ensemble
des systèmes symboliques transmissibles dans et par une
collectivité quelle qu'elle soit, les sociétés primitives
y comprises » (Aron et al, 2002 : 129).
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Les valeurs et l'individu qui les acquiert appartiennent tous
à une société donnée. La société
étant un ensemble d'individus vivant en groupes organisés, ce
groupe ne peut être constitué sans institutions, ni lois et
règles propres. C'est pour cette raison que dans un pays qui regorge
d'une pluralité d'ethnies, on assiste à une diversité de
cultures, c'est-à-dire d'institutions, de lois et de règles pour
gérer ses sociétés. C'est ainsi qu'au Tchad il y a une
hétérogénéité culturelle remarquable.
Après l'analyse des diverses structures, il ressort qu'il y a des
antagonismes qui ne favorisent pas la vie en société. La
conception des cultes, des aliments, des délits, du vestimentaire n'est
jamais la même partout. L'identité nationale exige une culture et
une littérature nationale comme supports. Comment concilier les
diversités culturelles et la culture nationale ? Telle est la question
qui sous-tend cette démarche.
Si les cultures locales ne sont pas un obstacle à
l'unité, l'influence extérieure divise le peuple tchadien. Les
jeunes du Nord gardent les modes vestimentaires, les cultures alimentaires,
musicales et religieuses copiées sur le modèle des pays arabes de
l'Est où ils sont allés étudier. Ceci contrairement
à ceux du Sud qui imitent les valeurs occidentales. Comment concilier
ces valeurs antinomiques ? Une symbiose de ces cultures constitue une richesse
tant intellectuelle que morale pour un peuple qui aspire à une
unité nationale via une prise de conscience collective nationale.
Malheureusement, l'école, la religion, la langue, l'administration et
les frontières (ou les découpages) ont été
imposés.
Eu égard à la recrudescence de la violence dans
le monde, l'unification et l'homogénéité culturelle sont
envisageables. Les cultures traditionnelles et ethniques prônent toujours
des divisions. Ceux qui se sentent marginalisés ou lésés
se rebellent contre les autres ethnies ou contre le pouvoir central. C'est
là généralement que les conflits armés prennent
leur source. Les divisions Nord-Sud, Éleveur-Agriculteur,
Chrétien-Musulman s'y abreuvent. Les événements de
Bébalem, de Mangalmé et de N'Djaména sont Les exemples de
conflits de cultures sur un fond politique.
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