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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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2.1.1 Le Christianisme

Le christianisme est la religion chrétienne (de Christ) née en Judée et prêchée dans le monde entier par les apôtres de Jésus après sa mort. Il prêche l'amour du prochain et la croyance en Jésus, « fils de Dieu » pour le gain du salut éternel après la mort physique. La bible est la parole sainte recommandée à cet effet.

D'après John Baur, c'est à partir de 1920 que les missionnaires protestants, évangéliques et artistes américains ont mis pied sur le sol tchadien avec la Bible qui enseigne sur la vie de Jésus Christ et des saints :

Le christianisme est d'abord arrivé au Tchad par cinq missions protestantes, principalement des américains autour des années 20. Ils ont formé une élite religieuse sociale et politique digne de respect. L'évangélisation catholique a commencé en 1938 avec deux Capucins expulsés de l'Éthiopie. C'est en 1947 que le territoire fut attribué par Rome à des sociétés de missionnaires : le Sud-ouest aux Capucins et Oblats, le reste avec la capitale aux Jésuites.» (Baur, in Collectif, 2001 : 392).

Les chrétiens sont rassemblés en deux groupes : les catholiques et les protestants. On peut aujourd'hui en dénommer plus. Moundou, la capitale du Logone occidental, est le premier centre catholique avec l'ordination du premier prêtre et du premier évêque tchadien, monseigneur Mathias Ngartéri Mayadi en 1985. En 1993. Le RGPH montre que sur les 6 millions de tchadiens à l'époque, 25 % de la population était chrétienne, contre 25 % d'animistes et 50 % des musulmans.

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2.1.2 L'Islam

L'Islam est la religion fondée dans l'Arabie du VIIe siècle après Jésus-Christ par Mahomet35. Les Musulmans croient qu'il y a un seul Dieu, Allah, qu'il y a des anges pour célébrer les louanges, que le Coran est la seule Parole divine digne de foi. Ils croient qu'à chaque époque, Dieu a établi des prophètes pour diriger les hommes, que tout ce qui arrive, de bon ou de mauvais est prédestiné par la volonté d'Allah et que celui-ci, nous attend au grand jour du Jugement pour peser nos oeuvres (bonnes ou mauvaises) afin de nous accorder le paradis ou l'enfer. Tout musulman doit observer cinq prières par jour, suivies de la confession de foi, pratiquer l'aumône, le jeûne, aller, au moins une fois dans sa vie, à la Mecque. Ce sont là les « Cinq piliers de l'Islam ».Avant d'aller au cas tchadien de la pratique religieuse, il nous faut voir ce qui fait la différence entre l'Islam et le Christianisme.

S'agissant des livres saints, certaines personnes reconnaissent que le Coran est en harmonie avec la Bible. Or les enseignements sont contradictoires. Un même Dieu aurait-il donc pu inspirer deux livres contenant beaucoup de points contradictoires ? D. Masson déclare que : « Le Coran, livre sacré des musulmans, a été transmis au prophète, instrument passif de la révélation, tel qu'il est conservé au Ciel, de toute éternité, sur la Table gardée [...] ; il est inimitable ». (Masson, apnm36 : 17). Les chrétiens estiment qu'il n'y a autre nom en dehors de celui de Jésus auquel on peut avoir le salut. La manipulation sociopolitique de cette contradiction a toujours des conséquences fâcheuses.

Colt Vuvu dans Un regard sur l'Islam trouve qu' « il ressort de l'étude comparative de l'étude du Coran et de la Bible que l'Islam est fondamentalement différent du christianisme comme la nuit l'est du jour. (Vuvu : apnm : 16). Il postule que le Dieu révélé par les deux livres sacrés n'est pas le même, tout comme la divinité de Jésus. Il conclue que « le moyen du salut proposé par l'islam est tout à fait différent de celui proclamé par le christianisme » (Vuvu : apnm : 22). Toutefois ces éléments ne doivent par influencer sur la gestion de la cité, du pays. Malheureusement, le contraire divise les citoyens.

35 Mahomet était très insatisfait de l'idolâtrie et de ses conditions morales et sociales. Les habitants d'Arabie étaient idolâtres. Il se retirait souvent en dehors de la Mecque pour méditer dans une grotte. Là, il reçoit de l'ange Gabriel son inspiration religieuse, l'Islam. Son enseignement a connu succès en Méditerranée et au Moyen-Orient par le Jihad (Guerre sainte) et la conquête des terres.

36 Année de publication non mentionnée

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2.2 La pratique religieuse : le conflit

Au Tchad la diversité religieuse n'est pas pour la majorité des cas, source d'enrichissement, mais de conflit. Beyem Roné voit ce conflit en termes d'opposition culture négro-occidentale et culture arabo-islamique. Pour lui, ces cultures divisent le Tchad en Nord-Sud et cela empêche la construction de la nation tchadienne. Les aspirations culturelles du Sud tendent vers une civilisation occidentale beaucoup plus chrétienne. Au Nord, la tendance de la société est d'adopter la religion des arabes, leurs moeurs, noms et langues ; et si possible se lier aux autres peuples arabes musulmans. Pourtant, le Tchad est un pays laïc: « Le Tchad est une république souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et indivisible, fondée sur le principe de la démocratie, le règne de la loi et de la justice. Il est affirmé la séparation des religions et de l'Etat» (Collectif, Constitution du 31 mars 1996 : article 1.). De surcroit, « L'État laïc respecte la liberté de religions des citoyens et garantit le libre exercice de leur culte mais n'établit pas de distinction parmi les citoyens selon leur religion. De même, le choix des dirigeants ne prend pas en compte de telles considérations» (Michalon, 1984 : 3)

Il est indispensable, dans un tel contexte, de relever les aspects linguistique et social de cette division.

Le premier aspect du conflit est linguistique. Au Sud, les prêches et communications peuvent se faire en français ou en langues locales dans les églises. Au Nord, même dans les mosquées les plus « tribalisées », dans lesquelles tout le monde, - les fidèles, le fakir et le muezzin, etc. - est d'une même ethnie, où on refuse quasiment les autres ethnies musulmanes, les cultes et les informations se passent toujours en arabe, prétendue unique langue de l'Islam. Celui qui ne fait pas usage de cette langue est d'office rejeté. Ceci est une copie servile de la pratique religieuse telle qu'elle se passe en Arabie Saoudite. Bangui, dans « Bilinguisme...dictat ou consensus ? » revient sur ces rivalités profondément ancrées dans la réalité historique d'un pays où les différences linguistiques renvoient à des dissemblances culturelles rendant la coexistence problématique, voire conflictuelle :

L'arabe, dans l'esprit d'un grand nombre de compatriotes, est assimilé à l'islam et à la langue des conquérants [...] à un moment où une partie de la population a le sentiment d'être colonisée par des nouveaux arrivants de culture arabo-islamique qui, bien que tchadiens, se conduisent en pays conquis» (Bangui, in Collectif, 1998 : 78).

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Ceci est valable pour l'autre partie de la population qui déteste le français, voyant en lui le véhicule de la civilisation occidentale chrétienne.

Le deuxième aspect est social. Il s'agit des pratiques anodines comme aller à la douche

du pied gauche et en ressortir du pied droit, à l'inverse de ce qui se passe à la mosquée. Ces éléments religieusement neutres pour les Chrétiens, mais prépondérants pour les Musulmans rendent la cohabitation difficile. Le Père Coudray donne quelques exemples de pratiques de ce genre :

Partager son repas avec un chrétien, consommer de la viande égorgée par un

non-musulman, accueillir dans sa concession une veillée funèbre chrétienne ou aller à la sépulture d'un non-musulman, tous les gestes seront considérés comme illicites en dépit des textes, de toute façon ignorés par une bonne proportion de musulmans. Uriner débout, ne pas user de la sakhane (bouilloire) pour se purifier après être allé au cabinet, porter des vêtements occidentaux sont des gestes qui seront souvent considérés comme impies. Célébrer la naissance, le mariage et la mort selon des rites autres que ceux de l'islam tchadien est une menace de marginalisation sociale (Coudray, in Islamochristiano (sic), 1992 : 175-234).

Ces pratiques intolérantes, il faut le dire, poussent le non musulman au repli sur soi

pour éviter l'affrontement. Il faut noter avec B. Roné que « la population musulmane à une

majorité écrasante (97,3%) et les proportions par préfecture vont de 88,5% dans le Chari-Baguirmi rural et 72,7% à Ndjaména (à cause des sudistes qui y vivent) à 99% à Biltine» (Beyem, 2000: 192). Ainsi ces pratiques banales interdites par une partie de la population font des frustrés. C'est pour cela qu'Abderrahmann Ayoub dans « L'épopée au Maghreb : unité et diversité » affirme que :

L'Islam était depuis le VIIe siècle, un ciment unificateur de peuples aux substrats multiples. Unificateur certes il l'était ; néanmoins [...], l'islam ne parvient pas à abolir les différences que représentaient certains comportements humains et croyances populaires [...] lesquels entraient dans la composition du tissu socioculturel des peuples. (Abderrahmann, in Notre Librairie n° 83, avril-juin 1986 : 57)

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L'école française ouvre une voie au christianisme, mais elle est, de par ses programmes, laïque et généralement officielle. L'éducation des enfants est beaucoup plus basée sur la morale que sur les préceptes religieux qui peuvent faire des « intégristes ». B. Roné écrit à propos que : « Pour chaque enfant sudiste aujourd'hui, cette morale est un mélange de traditions de son ethnie et d'apport occidental véhiculé par l'école qui laisse beaucoup de liberté à l'individu » (Beyem, 2000 : 193). Plusieurs penseurs conçoivent que le christianisme n'est pas trop politique. Au lieu de s'intéresser à la vie en société, la gestion de la cité, il s'occupe du Salut de l'âme. Il suffit que l'école arabe arrive à se « dés-islamiser » pour qu'elle soit une source d'attraction pour le reste de la population tchadienne non musulmane. Il faut dire que contrairement à ce que nous constatons des cultures occidentales qui s'entrecroisent, l'Islam et le Christianisme au Tchad s'annulent presque et constituent une source d'inspiration pour les écrivains.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille