2.1.1 Le Christianisme
Le christianisme est la religion chrétienne (de Christ)
née en Judée et prêchée dans le monde entier par les
apôtres de Jésus après sa mort. Il prêche l'amour du
prochain et la croyance en Jésus, « fils de Dieu » pour le
gain du salut éternel après la mort physique. La bible est la
parole sainte recommandée à cet effet.
D'après John Baur, c'est à partir de 1920 que
les missionnaires protestants, évangéliques et artistes
américains ont mis pied sur le sol tchadien avec la Bible qui enseigne
sur la vie de Jésus Christ et des saints :
Le christianisme est d'abord arrivé au Tchad par
cinq missions protestantes, principalement des américains autour des
années 20. Ils ont formé une élite religieuse sociale et
politique digne de respect. L'évangélisation catholique a
commencé en 1938 avec deux Capucins expulsés de
l'Éthiopie. C'est en 1947 que le territoire fut attribué par Rome
à des sociétés de missionnaires : le Sud-ouest aux
Capucins et Oblats, le reste avec la capitale aux Jésuites.»
(Baur, in Collectif, 2001 : 392).
Les chrétiens sont rassemblés en deux groupes :
les catholiques et les protestants. On peut aujourd'hui en dénommer
plus. Moundou, la capitale du Logone occidental, est le premier centre
catholique avec l'ordination du premier prêtre et du premier
évêque tchadien, monseigneur Mathias Ngartéri Mayadi en
1985. En 1993. Le RGPH montre que sur les 6 millions de tchadiens à
l'époque, 25 % de la population était chrétienne, contre
25 % d'animistes et 50 % des musulmans.
104
2.1.2 L'Islam
L'Islam est la religion fondée dans l'Arabie du
VIIe siècle après Jésus-Christ par
Mahomet35. Les Musulmans croient qu'il y a un seul Dieu, Allah,
qu'il y a des anges pour célébrer les louanges, que le Coran est
la seule Parole divine digne de foi. Ils croient qu'à chaque
époque, Dieu a établi des prophètes pour diriger les
hommes, que tout ce qui arrive, de bon ou de mauvais est
prédestiné par la volonté d'Allah et que celui-ci, nous
attend au grand jour du Jugement pour peser nos oeuvres (bonnes ou mauvaises)
afin de nous accorder le paradis ou l'enfer. Tout musulman doit observer cinq
prières par jour, suivies de la confession de foi, pratiquer
l'aumône, le jeûne, aller, au moins une fois dans sa vie, à
la Mecque. Ce sont là les « Cinq piliers de l'Islam ».Avant
d'aller au cas tchadien de la pratique religieuse, il nous faut voir ce qui
fait la différence entre l'Islam et le Christianisme.
S'agissant des livres saints, certaines personnes
reconnaissent que le Coran est en harmonie avec la Bible. Or les enseignements
sont contradictoires. Un même Dieu aurait-il donc pu inspirer deux livres
contenant beaucoup de points contradictoires ? D. Masson déclare que :
« Le Coran, livre sacré des musulmans, a été
transmis au prophète, instrument passif de la révélation,
tel qu'il est conservé au Ciel, de toute éternité, sur la
Table gardée [...] ; il est inimitable ». (Masson,
apnm36 : 17). Les chrétiens estiment qu'il n'y a autre nom en
dehors de celui de Jésus auquel on peut avoir le salut. La manipulation
sociopolitique de cette contradiction a toujours des conséquences
fâcheuses.
Colt Vuvu dans Un regard sur l'Islam trouve qu'
« il ressort de l'étude comparative de l'étude du Coran
et de la Bible que l'Islam est fondamentalement différent du
christianisme comme la nuit l'est du jour. (Vuvu : apnm : 16). Il postule
que le Dieu révélé par les deux livres sacrés n'est
pas le même, tout comme la divinité de Jésus. Il conclue
que « le moyen du salut proposé par l'islam est tout à
fait différent de celui proclamé par le christianisme »
(Vuvu : apnm : 22). Toutefois ces éléments ne doivent par
influencer sur la gestion de la cité, du pays. Malheureusement, le
contraire divise les citoyens.
35 Mahomet était très insatisfait de
l'idolâtrie et de ses conditions morales et sociales. Les habitants
d'Arabie étaient idolâtres. Il se retirait souvent en dehors de la
Mecque pour méditer dans une grotte. Là, il reçoit de
l'ange Gabriel son inspiration religieuse, l'Islam. Son enseignement a connu
succès en Méditerranée et au Moyen-Orient par le Jihad
(Guerre sainte) et la conquête des terres.
36 Année de publication non
mentionnée
105
2.2 La pratique religieuse : le conflit
Au Tchad la diversité religieuse n'est pas pour la
majorité des cas, source d'enrichissement, mais de conflit. Beyem
Roné voit ce conflit en termes d'opposition culture
négro-occidentale et culture arabo-islamique. Pour lui, ces cultures
divisent le Tchad en Nord-Sud et cela empêche la construction de la
nation tchadienne. Les aspirations culturelles du Sud tendent vers une
civilisation occidentale beaucoup plus chrétienne. Au Nord, la tendance
de la société est d'adopter la religion des arabes, leurs moeurs,
noms et langues ; et si possible se lier aux autres peuples arabes musulmans.
Pourtant, le Tchad est un pays laïc: « Le Tchad est une
république souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et
indivisible, fondée sur le principe de la démocratie, le
règne de la loi et de la justice. Il est affirmé la
séparation des religions et de l'Etat» (Collectif,
Constitution du 31 mars 1996 : article 1.). De surcroit, «
L'État laïc respecte la liberté de religions des citoyens et
garantit le libre exercice de leur culte mais n'établit pas de
distinction parmi les citoyens selon leur religion. De même, le choix des
dirigeants ne prend pas en compte de telles considérations»
(Michalon, 1984 : 3)
Il est indispensable, dans un tel contexte, de relever les
aspects linguistique et social de cette division.
Le premier aspect du conflit est linguistique. Au Sud, les
prêches et communications peuvent se faire en français ou en
langues locales dans les églises. Au Nord, même dans les
mosquées les plus « tribalisées », dans lesquelles tout
le monde, - les fidèles, le fakir et le muezzin, etc. - est d'une
même ethnie, où on refuse quasiment les autres ethnies musulmanes,
les cultes et les informations se passent toujours en arabe, prétendue
unique langue de l'Islam. Celui qui ne fait pas usage de cette langue est
d'office rejeté. Ceci est une copie servile de la pratique religieuse
telle qu'elle se passe en Arabie Saoudite. Bangui, dans «
Bilinguisme...dictat ou consensus ? » revient sur ces rivalités
profondément ancrées dans la réalité historique
d'un pays où les différences linguistiques renvoient à des
dissemblances culturelles rendant la coexistence problématique, voire
conflictuelle :
L'arabe, dans l'esprit d'un grand nombre de compatriotes,
est assimilé à l'islam et à la langue des
conquérants [...] à un moment où une partie de la
population a le sentiment d'être colonisée par des nouveaux
arrivants de culture arabo-islamique qui, bien que tchadiens, se conduisent en
pays conquis» (Bangui, in Collectif, 1998 : 78).
106
Ceci est valable pour l'autre partie de la population qui
déteste le français, voyant en lui le véhicule de la
civilisation occidentale chrétienne.
Le deuxième aspect est social. Il s'agit des pratiques
anodines comme aller à la douche
du pied gauche et en ressortir du pied droit, à
l'inverse de ce qui se passe à la mosquée. Ces
éléments religieusement neutres pour les Chrétiens, mais
prépondérants pour les Musulmans rendent la cohabitation
difficile. Le Père Coudray donne quelques exemples de pratiques de ce
genre :
Partager son repas avec un chrétien, consommer de la
viande égorgée par un
non-musulman, accueillir dans sa concession une
veillée funèbre chrétienne ou aller à la
sépulture d'un non-musulman, tous les gestes seront
considérés comme illicites en dépit des textes, de toute
façon ignorés par une bonne proportion de musulmans. Uriner
débout, ne pas user de la sakhane (bouilloire) pour se purifier
après être allé au cabinet, porter des vêtements
occidentaux sont des gestes qui seront souvent considérés comme
impies. Célébrer la naissance, le mariage et la mort selon des
rites autres que ceux de l'islam tchadien est une menace de marginalisation
sociale (Coudray, in Islamochristiano (sic), 1992 : 175-234).
Ces pratiques intolérantes, il faut le dire, poussent le
non musulman au repli sur soi
pour éviter l'affrontement. Il faut noter avec B.
Roné que « la population musulmane à une
majorité écrasante (97,3%) et les
proportions par préfecture vont de 88,5% dans le Chari-Baguirmi rural et
72,7% à Ndjaména (à cause des sudistes qui y vivent)
à 99% à Biltine» (Beyem, 2000: 192). Ainsi ces
pratiques banales interdites par une partie de la population font des
frustrés. C'est pour cela qu'Abderrahmann Ayoub dans «
L'épopée au Maghreb : unité et diversité »
affirme que :
L'Islam était depuis le VIIe
siècle, un ciment unificateur de peuples aux substrats multiples.
Unificateur certes il l'était ; néanmoins [...], l'islam ne
parvient pas à abolir les différences que représentaient
certains comportements humains et croyances populaires [...] lesquels entraient
dans la composition du tissu socioculturel des peuples. (Abderrahmann, in
Notre Librairie n° 83, avril-juin 1986 : 57)
107
L'école française ouvre une voie au
christianisme, mais elle est, de par ses programmes, laïque et
généralement officielle. L'éducation des enfants est
beaucoup plus basée sur la morale que sur les préceptes religieux
qui peuvent faire des « intégristes ». B. Roné
écrit à propos que : « Pour chaque enfant sudiste
aujourd'hui, cette morale est un mélange de traditions de son ethnie et
d'apport occidental véhiculé par l'école qui laisse
beaucoup de liberté à l'individu » (Beyem, 2000 : 193).
Plusieurs penseurs conçoivent que le christianisme n'est pas trop
politique. Au lieu de s'intéresser à la vie en
société, la gestion de la cité, il s'occupe du Salut de
l'âme. Il suffit que l'école arabe arrive à se «
dés-islamiser » pour qu'elle soit une source d'attraction pour le
reste de la population tchadienne non musulmane. Il faut dire que contrairement
à ce que nous constatons des cultures occidentales qui s'entrecroisent,
l'Islam et le Christianisme au Tchad s'annulent presque et constituent une
source d'inspiration pour les écrivains.
|