Chapitre 4 : Les facteurs linguistiques, religieux et
culturels
En Afrique, la plupart des écrivains s'adressent
à leurs publics dans la langue de l'ancien colonisateur malgré
eux. Tchicaya U Tamsi, poète congolais résume cette contrainte en
ces termes : « écrire en français n'a pas
été le fait d'un choix intérieur, mais procède
d'une exigence externe» (Schifano32, 2003 : 56). Les
exigences extérieures sont entre autres le refus de la plupart des
éditeurs à éditer les textes en langues locales. Ainsi,
« l'écrivain du continent africain écrit
généralement dans une langue qui n'est pas la sienne et pour un
public donc la majorité ne sait pas lire» (Schifano, 2003 :
51). Sartre, Senghor, Tchicaya, Kesteloot, à l'instar de plusieurs
critiques et écrivains, après avoir soulevé le
problème linguistique, ont opté pour le français. Au
Tchad, le français n'est utilisé couramment que par un groupe
d'intellectuels très restreint. Le reste de la population est en
majorité analphabète tant en langues nationales qu'en langues
étrangères. Or, il se pose, entre ces langues, une question
d'intercompréhension. C'est de ce paradoxe qu'il s'agit dans ce
chapitre. Étudiant le rapport littérature-culture, Salaka obtient
que :
La culture est un ensemble des formes, des
manières, ou méthodes matérielles
ou immatérielles, concrètes ou abstraites,
par lesquelles les hommes, de façon individuelle ou collective,
manifestent, expriment d'une part leurs rapports avec leur environnement et
d'autre part leurs rapports entre eux. (Salaka, 2003 : 53). Elle est le
lieu de dépôt des manières de faire et de penser. Pour
Chevrier, le fait
d'« utiliser une langue d'emprunt pour exprimer sa
propre culture aboutit non seulement à une transformation du message
mais à une véritable trahison» (Chevrier, 1984 : 208).
Il reconnaît par la suite que le choix d'une langue vernaculaire est
possible à condition que les politiciens et les linguistes s'entendent
et en vulgarisent une. Après l'état des lieux, notre souhait est
d'arriver à un tel résultat.
En ce qui concerne la religion, sa pratique par les membres
d'une même famille, d'un même village ou d'un pays pose
généralement des problèmes de cohabitation. Quand un
conflit issu de la religion est bien géré, nous
bénéficions d'un enrichissement culturel mutuel. Au cas
contraire, il peut entraîner la ségrégation, le rejet de
ceux qui ne pratiquent pas la même religion que soi. Dans ce travail,
l'enrichissement culturel est notre projet.
32In Manessy, Gabriel, Le français en
Afrique noire : mythe, stratégies, Paris, L'Harmattan, cité
par Schifano
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1. Les contraintes linguistiques
Penser une langue en termes
d'hétérogénéité, de pluralité et de
créativité peut conduire à un composite riche mais pas
toujours homogène. En Afrique, les langues locales s'imbriquent au
français et lui donnent une couleur locale. Au Tchad, hormis l'usage du
français classique en zones administratives et celui du « petit
français » (français vernaculaire tchadien) dans les places
publiques en milieu urbain, les populations rurales donnent au français
une place élitiste, il est moins utilisé dans les
échanges. La diversité linguistique, le bilinguisme et
l'analphabétisme dans une des langues officielles sont des contraintes
surmontables. Cette difficulté mérite d'être passée
en revue.
La diversité linguistique est de prime abord une
richesse dans la mesure où chaque langue garde en elle les valeurs
culturelles du groupe ethnique qui la génère. Mais elle peut se
poser avec une grande acuité comme problème quand les peuples qui
occupent le territoire, au lieu de s'entendre, cherchent chacun à
montrer son hégémonie. Le bilinguisme est une solution pour
l'échange sociopolitique, économique et culturel, mais la
présente étude vise à démontrer que celui du Tchad
est mal géré.
Dans un tel contexte, le français reste la langue de
prédilection pour la production des textes littéraires et leur
consommation au Tchad. L'arabe, selon les recherches, a fait son essai en
production littéraire, mais son alphabet et son écriture sont
restés très élitistes pour la majorité de la
population tchadienne.
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