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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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2.2.3 La mise en scène et prix sur le plan international

En 1995, La Malédiction d'Ouaga Bale Danaï est jouée par la troupe de l'Université de Bouaké dans le cadre de la 12e édition du Festival du théâtre scolaire et universitaire de Côte d'Ivoire, à Yamoussoukro. La même année, l'auteur de La malédiction obtient le prix de la mise en scène lors du 12e Festival National de la Côte dIvoire avec L'Enfant de Frica. En 1997, Illusions de Nocky Djédanoum est représentée par Logone-Chari-Théâtre, au MASA d'Abidjan et est retenue pour la participation de la troupe au Fest'Africa de Lille. En 1997, Samafou Diguilou Bondong reçoit le Prix Rencontres « Iles des poètes » à Sainte-Geneviève des Bois, et le 16e Grand Prix International de la société des amis de la poésie à Bergerac, puis le 3e prix de poésie libre du concours international de Wallonie. En 1999, c'est le tour de Nimrod d'accepter le Prix Louise Labé des gens de lettres à paris (06 décembre).

2.3 Les sources d'inspiration

Les contextes de production de la littérature tchadienne écrite d'expression française ont inspiré les auteurs et se laissent d'ailleurs lire à travers leurs oeuvres. Le contexte est l'ensemble des circonstances, des événements qui se passent au moment de la production des oeuvres. Ils sont généralement un fait « marquant » qui transparaît en thème dans l'oeuvre littéraire. La guerre, la critique des systèmes politique, des traditions, des pratiques et des moeurs, la rencontre avec les autres cultures, la pandémie du Sida, etc. sont des événements marquants qui transparaissent dans les oeuvres de fiction au Tchad.

La guerre est liée à l'histoire politique du pays. Après un demi-siècle d'indépendance et de succession de régimes, on constate que sur les six présidents, en dehors de Tombalbaye et de Lol qui sont venus au pouvoir, l'un par les urnes et l'autre par consensus, les autres sont venus par la violence. Cette violence a affecté la population et est décriée dans beaucoup d'oeuvres littéraires. Ce contexte de guerre et de dictature a inspiré Nimrod, Mougnan et Nébardoum. La dernière partie du 5e chapitre de la présente thèse traite du cri de désespoir suivi de l'appel à la paix, à l'unité et à la démocratie lancé par ces auteurs. La guerre civile est une source d'inspiration chez N'Djékéry et Nimrod. La descente aux enfers de N.N.N'Djékéry s'inspire de la guerre civile de 1979. Le texte fait implicitement mention : « le chant de la mort, le lugubre chant dont les ndjamenois (sic) connaissaient tous les couplets, animait le ballet aérien des projectiles sans discontinuer» (N'Djékéry, 1984 :5). Bourdette-Donon pour résumer l'oeuvre déclare que c'est la peinture de la « chute sociale et morale d'un petit commerçant qui perd peu à peu ses biens, son épouse et sa vie » (Bourdette-Donon,

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2003 : 224). Les Jambes d'Alice de Nimrod s'inscrit dans le cadre de la fuite devant cette guerre civile. La description est, on ne peut plus clair, dans ce roman. Fuyant la guerre, le professeur de français suit Alice. Cependant, « la fuite de N'Djaména donne lieu à une quête amoureuse qui ne laisse que très peu de place à la guerre (la réalité), véritable raison de la fuite» (Taboye, 2003 : 197). Un autre aspect de la guerre à relever est le génocide. La Phalène de collines de Koulsy Lamko s'inspire du génocide rwandais de 1994. Il a écrit par « devoir de mémoire», « pour honorer son engagement au Rwanda » reconnaît Taboye (Taboye, in Continental n° 89, février 2010 : 93).

La critique des systèmes politiques, résultante d'une mauvaise gestion se lit dans les oeuvres autobiographiques d'Antoine Bangui, N'Gangbet Kosnaye, Ahmet Kotoko, etc., « font part des usages politiques et des valeurs d'une société à une époque donnée, retracent les traumatismes du Moi, lequel est l'expression directe de l'auteur et des fais (sic) réels» (Asguet Mah, 2007 :3). À sa manière, Taboye déclare à cet effet que les oeuvres autobiographiques tchadiennes laissent entrevoir les imperfections politiques : « aucun auteur tchadien n'a écrit une autobiographie dénuée de tout sens politique» (Taboye, 2003 :11). À la période des concours théâtraux, les écrivains ont été intéressés par des phénomènes à caractère international comme le système politique raciste de l'apartheid en Afrique du Sud. Maoundoé Naindouba avec L'Étudiant de Soweto dénonce ce système politique.

La dictature est inspiratrice. Les dramaturges, ne pouvant pas « désigner le chat par son nom » en pleine dictature mettent en scène des rois exceptionnels. Le Commandant Chaka de B. Moustapha est une réécriture de l'histoire de Chaka, un chef guerrier qui a combattu pour la libération de l'Afrique. L'auteur présente une époque et un chef, au Tchad « où se cachent, comme dans toutes les révolutions, des personnages incultes, opportunistes ou tout simplement mal intentionnés» (Taboye, 2003 :34). Goudangou de N. N.N'Djékéry est l'histoire récente du Tchad, de l'Afrique. Le sous-titre en dit plus : « ou les vicissitudes du pouvoir ». Taboye fait un rapprochement entre la pièce et un fait réel : « les personnages de Goudangou, de Madina et le complot du mouton noir font penser au complot ourdi par Tombalbaye contre Kaltouma Nguembang sous le régime du Mouvement National pour la Révolution Culturelle et Sociale» (Taboye, 2003 : 48). P. Bebnoné, comme B. Moustapha, réécrit l'histoire de Mbang Gaourang. Son souci, en ce temps de dictature est de présenter un roi modèle, juste, démocrate. Taboye trouve que : « le personnage du roi apparaît, dans cette pièce, rassurant. Il n'est ni excentrique, ni extravagant. Il est hors des clichés, capable de

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pardon et de patriotisme » (Taboye, 2003 : 46). Un tel roi est une création de Bebnoné, sa volonté de « démocratiser » ou disons mieux, moraliser en tournant en dérision les premiers dirigeants charismatiques et intransigeants. Pendant le règne dictatorial, les militaires ont cette liberté de violer éperdument les droits de l'Homme. En écrivant Aubade des coqs, Nocky reconnaît qu'il s'est inspiré de la souffrance de ceux qui labourent le coton au Sud du pays. Ceux-ci sont maltraités par les militaires. Pour Bourdette-Donon, « il engendre dans sa ronde verbale les libertés politiques, sexuelles et langagières et dénonce l'exploitation des paysans engendrée par la culture du coton importé par les colons» (Bourdette-Donon, 203 :106).

La tradition a inspiré Koulsy Lamko. Celui-ci estime qu'elle a des valeurs désuètes. C'est pour cela que Ndo Kela est une contestation. Pour lui, le texte doit « s'enraciner dans un contenant fort tiré des traditions africaines » (Koulsy, in Carrefour, n° 18, 2003 : 5).

Les auteurs tchadiens estiment qu'après l'indépendance, il y a des comportements claniques et réfractaires. Les bipolarismes ethniques et religieux leur servent de sources d'inspiration. Le fait accompli que Nocky nous propose dans Illusions est le fruit d'un constat. Les Tchadiens sont divisés en Nordistes et Sudistes29, Chrétiens et Musulmans. Le mariage clivé est presque impossible à cause des confessions religieuses différentes. Le dramaturge appelle à l'unité, dans cette pièce, par ce genre de mariage. Le Souffle de l'harmattan de Moustapha et Al-Istifack de. Koundja sont observation et critique de cette

division. Imbus de nationalisme, ceux-ci veulent prôner l'unité dans le mariage
interconfessionnel et interethnique. La production de ces dernières années introduit la lutte contre le sida au centre des débats. Dans Comme des Flèches, c'est le sida qui inspire Koulsy.

L'impossibilité de faire un classement systématique des sources d'inspiration réside dans le fait que l'auteur peut s'inspirer de son séjour dans un milieu étranger comme l'a fait Ali Abdel-Rhamane Haggar30 ou d'un fait anodin comme une dispute pour écrire comme l'a fait B. Moustapha.31 En somme, une condition peut pousser l'écrivain à s'inspirer d'un élément qui n'a pas de rapport avec le contexte de production. Celle-ci peut ne pas être connue et comprise par le critique.

29Pour parler des ressortissants du Nord et du Sud

30 Haggar s'inspire de son temps d'études en Russie pour engager une trilogie. Dans sa quête de savoir et d'espoir (Le Mendiant de l'espoir -1998-), Youssouf se rend compte que son rêve est démesuré (Le Prix du rêve -2003-) et se lance dans une quête d'humanisme quand les Tchadiens s'entretuent à Hadjer Marfa-ine (2008)

31 B. Moustapha, dans La couture de Paris part d'une dispute entre deux couturiers au marché à mil, à N'Djaména et une fille éprise de mode pour critiquer l'imitation servile des valeurs occidentales.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius