1.3 Les écrits à caractère
exotique
La découverte et l'entreprenariat ont servi de motif
pour nombre d'européens ayant quitté leur pays. Les aventures de
ceux-ci sont accompagnées d'oeuvres de développement. L'Afrique,
et en particulier le Tchad a servi de lieu de loisirs, de découverte, de
stage et d'entreprenariat pour les citoyens français de la
période coloniale.
Au Tchad, Ivonne de Coppet et Michel Planchon se sont
penchés sur ces genres de voyages. Pour le Général
Marchand, le préfacier d'Au pays du Tchad d'Ivonne de Coppet,
« les jeunes lecteurs fermeront le livre avec la résolution de
traverser les mers pour connaitre notre plus grande France » (De
Coppet, 1931 : préface). Le roman retrace l'aventure de Fréderic
et de Diamantin qui embarquent pour le Tchad. Des pays, des peuples, des
animaux, le voyage d'exploration continue. Le texte énonce que toutes
les activités des
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peuples autochtones intéressent les jeunes occidentaux
qui s'adonnent et parviennent à de bons rendements (ménage,
chasse, pêche, agriculture, etc.). De Fort-Archambault, actuel Sarh au
Lac-Tchad en passant par Fort-Lamy, actuel N'Djaména, les animaux
sauvages et aquatiques agrémentent les exploits des jeunes voyageurs.
Une fois à Paris, le Tchad est pour eux un pays à
découvrir dans ses multiples facettes, si on leur offre la chance d'y
revenir dans le cadre de la carrière coloniale : « Il[s]
parlai[en]t avec enthousiasme de cette Afrique si belle et si
mystérieuse dont il[s] avai[en]t déjà la nostalgie »
(De Coppet, 1931 : 180)
Dans L'arbre et le voyageur (Paris, Gallimard, 1962),
Michel Planchon retrace l'histoire d'un entrepreneur, propriétaire d'une
briqueterie à proximité de Fort-Lamy. En même temps
chasseur et pêcheur, le spectacle de la souffrance des hommes et des
animaux décimés par la soif l'incite à partir avec des
matériels de forage établir de points d'eau dans les
régions les plus déshéritées. Aidé par trois
de ses compagnons africains et d'une jeune fille fulbé, il retrace le
périple dans le livre : « Lorsque je contemple les africains
qui travaillent avec moi, j'envie parfois leur dénuement [-...-] et leur
irresponsabilité dans un univers à leur taille où ils
jouissent du privilège d'une certaine innocence » (Planchon,
1962 : 18). Le personnage est dans la peau d'un agent de développement
qui propose et participe au projet de développement des compagnons
africains. Cet humaniste a accepté de vivre modestement parmi les
misérables cultivateurs et éleveurs du Tchad et du Cameroun. En
faisant l'analyse de ces oeuvres d'auteurs étrangers ayant
séjourné sur le sol tchadien, nous avons, d'une part,
cherché à savoir leur source d'inspiration et leur lieu
d'édition et, d'autre part, démontrer en quoi ces textes de la
première heure ont été un facteur bénéfique
pour les Tchadiens qui veulent se lancer dans l'écriture.
Ces textes coloniaux sont antérieurs à ceux des
écrivains tchadiens. Cependant, il est impossible de faire un
rapprochement systématique entre toutes ces oeuvres et celles produites
par les Tchadiens quelques années plus tard, même s'ils ont
quelquefois pu servir d'inspiration. Les personnages mis en scène ne
seront plus les Blancs « bienfaiteurs », mais des Noirs qui tiennent
un discours de contestation, de valorisation des cultures noires, bref une
rupture thématique. Ceci se justifie par l'inscription des
écrivains locaux dans des courants littéraires
négro-africains au début des « soleils » des
indépendances. À la faveur des concours internationaux, qui sont
des facteurs d'émergence pour la littérature tchadienne, le genre
de prédilection sera le théâtre et non le roman comme l'ont
fait les expatriés.
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