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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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2.2 La crise économique et l'ajustement structurel

Le texte littéraire comme produit a un marché, celui du « bien symbolique ». Il est soumis aux lois du marché économique puisque : « la littérature se définit entre autres par la publication, sous forme d'édition ou de représentation, ce qui l'insère dans le système des échanges sociaux rémunérés» (Aron, 2000 : 352). La commercialisation des certains produits de l'agriculture et de l'élevage a pris un coup après la dévaluation du franc CFA en 1994. La crise économique s'est installée.

La crise économique est une rupture d'équilibre entre la production et la consommation. Ce brusque changement économique se manifeste par la surproduction qui conduit à la mévente ou par la précarité qui fait une flambée des prix (surtout en cas de produits de première nécessité). Une pareille situation n'est pas favorable pour l'émergence

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de la littérature. Nous démontrerons dans cette partie que la crise économique tchadienne a retardé la mise en place rapide d'une institution littéraire dynamique dénuée de tout tâtonnement. En temps de situation économique désastreuse et persistante, l'oeuvre de l'esprit ou de la culture est négligée. Le tissu social devient fragile cédant place à des stratégies de survie. Des familles se sont divisées, des progénitures ont échappé aux contrôles des parents en temps de crise au Tchad : la débauche, le vol, l'alcoolisme ont fait surface. Les fonctionnaires, avec les retards de salaires comme conséquence de la crise, ne sont pas épargnés. Le manque dû à la dévaluation de 1994 et la cherté des denrées sur les marchés poussent à la débrouillardise excluant la consommation des oeuvres de l'esprit : « La crise a favorisé, pour des familles nombreuses la naissance des solutions originales, des pistes indispensables à l'éclosion de l'autopromotion, sans exclure l'affirmation d'une volonté de vivre unis » (Laoro, in Tchad et Culture n° 142, 1995: 3).

En effet, les ministres africains des finances de la zone Franc se sont réunis à Dakar au Sénégal en 1994, au tour du ministre français de la coopération pour écouter l'annonce de la dévaluation de 50% du Franc CFA par rapport au Franc français. Cette opération est présentée par Pierre Fandio comme « la panacée au marasme économique que connaît alors l'ensemble des pays du « pré-carré » (Fandio, 2006 : 182). Les pays représentés ont doublé mécaniquement les coûts des produits importés. Les intrants utilisés dans la fabrication du livre ont subi cette flambée rendant le prix du livre inabordable pour une majorité de la masse lisant potentielle. En plus des taxes, ces intrants importés ont ralenti voire freiné la volonté de produire au niveau local. On assiste en plus à une augmentation générale des prix sur les marchés. L'IPC17 prélevé en 2008 par l'AFRISTAT au Tchad estime cela à 70%. Une année auparavant, la FAO démontrait que les pays pauvres ont connu une hausse moyenne de 37%.

Le FMI s'est engagé pour un soutien financier au Tchad en relançant une politique de redressement économique du gouvernement et en redémarrant les aides financières d'autres bailleurs de fonds, en particulier de la France. Le 1er septembre 1995, il approuve une série des prêts en faveur du Tchad d'un montant total de $ 74 millions (environ 37 milliards de francs CFA) pour une FASR18. Une année après le financement, le rapport financier et

17 Indice des Prix à la Consommation, Instrument qui sert à mesurer l'évolution des prix de certains biens représentatifs des dépenses de consommation des ménages et dons d'apprécier la variation du coût de la vie pour les consommateurs

18 Source : Marchés Tropicaux n° 2600, 1995, p. 1908

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économique annuel du FMI dénote une amélioration de la crise. Le FMI s'est fixé des axes politiques : « Maintenir la stabilité macro-économique, notamment en renforçant l'épargne et en développant le secteur privé» (Marchés Tropicaux n° 2600, 1995 : 1908). Il a prévu des reformes administratives en matières de gestion de finances publiques, une classification des dépenses publiques et des renforcements des régies financiers. Son PAS n'as pas été de moindre utilité dans la gestion de cette crise qui a ruiné le pays. Les financements du FMI et de la BM ont concouru à la stabilité socio-économique du Tchad pour trois raisons :

- Les productions agropastorales et cotonnières ont connu une croissance entre 1995 et 1997 ;

- Le marché du bétail et de la viande a repris de nouveau ;

- Les perspectives pétrolières engagées avec l'exploitation du pétrole devaient garantir des avenirs meilleurs pour le Tchad avec environ 13 millions de tonnes de pétrole brut à exporter par an pendant 30 ans.

La conséquence est que l'environnement de l'investissement s'est amélioré, le budget de l'État s'est rénové. Bref, les finances publiques sont renouvelées et les projets sont légions :

Une relance des investissements publics a pu être effectuée à la faveur d'un retour des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. Le gouvernement compte sur une table ronde des bailleurs des fonds [...] sous l'égide du PNUD, pour des nouveaux financements dans le cadre d'un programme d'investissement et de développement sur 5 ans en cours de finalisation (Gilguy, in Marchés Tropicaux n° 2697, 1997 : 1567).

Entre 1995 et 1997, le pays commence à appliquer les recommandations du FMI et de la BM dans le cadre de son programme d'ajustement structurel. Pour arriver à cette situation, la crise économique est due à l'évasion fiscale et le fait que le secteur informel a pris la cime sur le formel après la transition politique de 1990. En 1994, la dévaluation du franc CFA est venue s'ajouter à la liste, malgré les remises des dettes et les crédits au niveau international. Les conséquences sont la perte de confiance des fournisseurs de l'État, les arriérés de salaires et les grèves généralisées qui ne favorisent plus l'écriture et la publication du livre. Il fallait en ce temps :

Remettre de l'ordre dans l'économie, combattre la fraude, mettre de l'ordre dans
les finances publiques, augmenter les recettes, minimiser les dépenses, en

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prenant en compte un certain nombre de mesures : la restructuration des services de douanes, qui représentent plus de 40% des recettes de l'État, la réforme des structures des impôts et le recentrage des dépenses. (Gilguy, in Marchés Tropicaux n° 2697, 1997 : 1567)

Les résultats du PAS ont été intéressants au niveau financier, les recettes ont été multipliées par trois (de 25 milliards de francs CFA en 1994 à 75 milliards en 1997) car les mesures prises étaient draconiennes : entre 1995 et 1997, il y a eu le gèle de l'augmentation des salaires, des avancements et du recrutement à la Fonction Publique. Ce phénomène a failli freiner le développement de la littérature tchadienne.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard