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La fiducie en immobilier

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par Marie EYOUM WONJE
Université de Cergy Pontoise France - master 2 droit des financements et des investissements immobiliers 2011
  

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Paragraphe 2 : Droits des créanciers du fiduciaire

L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au profit du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire : c'est une conséquence de la séparation des patrimoines et une mesure de protection du constituant.

La sûreté joue également pleinement son rôle en cas de cession, ou si le débiteur n'exécutait pas les engagements prévus par le plan relatif au remboursement des créances garanties49(*).

L'ouverture d'une procédure collective oblige généralement tous les créanciers munis d'une sûreté à se constituer en comité. Les créanciers fiduciaires ont ce privilège qui leur permet d'échapper au comité des créanciers. Ainsi n'étant pas membres des comités de créanciers (art. L 626-30 al 4 Code de commerce), les créanciers bénéficiaires d'une fiducie ne seront aucunement soumis à la loi de la majorité et de ce fait ne se verront imposés aucun abandon de créance ou aucune conversion de créance en capital ou un rééchelonnement de leurs créances sur une durée supérieure à dix ans, pour la partie de leurs créances couverte par la valeur liquidative des actifs affectés en garantie50(*) (éventuellement établie par un expert désigné par le juge-commissaire sur demande du débiteur). 

En cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun des titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de la fiducie qui peuvent donc se faire payer sur le patrimoine personnel du constituant.

Conclusion

Ayant fait l'objet de nombreux débats en Assemblée Nationale dans les années 1992, la fiducie a été introduite dans le code civil français grâce à la loi du 19 février 2007. Cependant, cette loi limitait son domaine à un triple niveau.

- Concernant en premier lieu sa source, la loi ou un contrat peuvent faire naître une fiducie, mais un testament ne le peut pas (art. 2012 code civil) ;

- en deuxième lieu la qualité des parties, les personnes physiques étaient exclues du mécanisme et ne pouvaient revêtir la qualité de constituants possibles de la fiducie, cette qualité n'était réservée qu'aux personnes morales, et plus précisément personne morale sous forme de société (art. 2014), et le fiduciaire était nécessairement un établissement de crédit ou une entreprise d'assurances (art. 2015) ;

- enfin quant à ses fonctions, l'article 2013 interdit formellement la fiducie sous forme de fiducie-libéralité. Impossibilité est donc posée d'utiliser la fiducie en vue de transmettre un bien à titre gratuit. Les raisons éventuelles devaient être la volonté d'évincer toute évasion fiscale par l'usage de ce mécanisme.

Sa réglementation était lacunaire. Elle connaît une insuffisance sur l'objet des transferts de patrimoine : le transfert des biens, droits, sûretés est possible mais pas celui des charges. Elle est d'une lourdeur fiscale, lourdeur financière dans la mise en place du registre national de fiducie, attribue des fonctions pas toujours adaptées aux fiduciaires revêtant la qualité d'établissement de crédit.

Ainsi, la loi est avare de dispositions sur la fiducie-sûreté, Mais dès le lendemain de la loi de 2007, on pouvait espérer l'élargissement de son domaine, l'assouplissement de sa réglementation.

Ainsi, la fiducie a fait l'objet de plusieurs retouches législatives : la Loi de modernisation économique LME du 04 août 2008, ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficultés puis ordonnance du 30 janvier 2009. La fiducie ouvre de nouvelles perspectives en droit. Tout en étant un outil de financement, il est également adapté à la gestion des biens immobiliers et peut être utilisé à titre de sûreté. Elle est un mécanisme innovant au service des sociétés d'assurance, des juristes de banques, cet instrument nouveau se déploie essentiellement dans les rapports entre professionnels (et notamment dans le cadre d'opérations importantes avec pool bancaire).

Grâce à la loi du 4 août 2008, les restrictions ont été levées sur la qualité des parties à la fiducie ; la fiducie n'est plus, comme à l'origine, réservée uniquement aux personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés et s'est étendue au constituant ayant la qualité de personne physique. En termes de sécurité au profit du constituant le patrimoine fiduciaire est exclu du droit de gage général des créanciers personnels du constituant, le patrimoine fiduciaire fait l'objet de séparation entre le patrimoine fiduciaire et le patrimoine personnel du fiduciaire. La recharge ne peut être supérieure à la valeur du bien lorsque le constituant est personne physique d'où l'excédent de créance qui lui est obligatoirement reversée. Tout constituant personne physique en curatelle, requiert obligatoirement un tiers protecteur qui doit rendre compte annuellement de sa mission au curateur. De même les ordonnances du 18 décembre 2008 et du 30 janvier 2009 ont apporté une souplesse au mécanisme par l'exclusion du statut des baux commerciaux et du statut de la location-gérance. Les mêmes ordonnances ont par ailleurs rendu compatible la fiducie avec les procédures collectives. L'ouverture d'une procédure collective à l'égard du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire (code civil article 2024)51(*). En effet, fondée sur un transfert de propriété, la fiducie sûreté bénéficie, depuis l'ordonnance en date du 18 décembre 2008, d'un traitement privilégié par rapport aux autres sûretés traditionnelles dans la mesure où :

- l'administrateur judiciaire ne pourra imposer la poursuite d'un contrat de fiducie à titre

de garantie à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve

l'usage ou la jouissance des biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire.

Par l'ordonnance du 30 janvier 2009, l'ouvrage fiduciaire a été mieux façonné. Sans même attendre les réformes à venir, la fiducie-sûreté constitue une sûreté réelle plus polyvalente et plus efficace que toute autre sûreté réelle : elle peut être conclue sans dépossession et stipulée rechargeable, elle permet de grever tout bien immobilier, corporel ou non, présent ou futur, voire même sans possibilité pour le constituant de grever une autre sûreté réelle sur le même bien, et elle permet de restaurer la finalité première des sûretés réelles, à savoir le désintéressement des créanciers.

Pourtant malgré de nombreux élargissements et les adaptations nécessaires apportées au mécanisme fiduciaire, la fiducie reste aujourd'hui encore sous-exploitée en France. On peut noter tout de même qu'elle commence un développement discret dans des banques privées comme BNP Private Banking ou Rothschild et Compagnie52(*).

Au-delà des frontières françaises, il serait important de mener une réflexion sur la fiducie dans un contexte européen53(*). La convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance a été signée et ratifiée par plusieurs pays européens (Luxembourg, Belgique, Suisse, Grande-Bretagne, Allemagne). La France ayant également signé cette convention, il serait intéressant pour ce pays de la ratifier54(*).

* 49Didier KLING, Projet d'ordonnance portant diverses dispositions en faveur du droit des entreprises en difficulté, 22 mai 2008 Chambre de commerce et d'industrie de PARIS, p 27

* 50 Didier KLING, Projet d'ordonnance portant diverses dispositions en faveur du droit des entreprises en difficulté, 22 mai 2008 Chambre de commerce et d'industrie de PARIS, p 23

* 51 Art 2024 code civil : « L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au profit du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire. »

* 52 Martine DENOUNE, «Placements financiers : La fiducie en dix questions », www.investir.fr/placements-financiers/banque/la-fiducie-en-dix-questions, 13 janvier 2012, date de consultation 24 août 2012

* 53 BRUNO GOUTHIÈRE « Eclairage : travaux sur la fiducie dans le contexte européen », Interview, la lettre de l'immobilier 28 novembre 2011, CMS bureau Francis Lefebvre, P8

* 54 Peter Harris « Tribune sur les Conventions de la Haye et le dispositif de l'article 792-0 bis » Article Overseas Chambers of Peter Harris, 8 décembre 2010, dernière mise à jour 25 mai 2012, consulté le 27/08/2012, www.etudes-fiscales-internationales.com/media/02/01/2663508908.pdf

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci