b. Champ d'application matériel
Le champ d'application matériel de ce recours est,
quant à lui, donné tout au long du traité car il
correspond à l'essence même du texte. C'est la protection et la
promotion des investissements. Dès lors que la partie privée
considère que l'Etat d'accueil n'a pas respecté ses engagements
de
13 Article 1.2.b), Accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la
République de Guinée sur la promotion et la protection
réciproques des investissements, signé à Conakry, le 10
juillet 2007.
11
protection et de promotion de son investissement, elle pourra
engager à l'encontre de ce dernier, une procédure de
règlement des litiges. L'accord bilatéral entre la France et le
Sénégal prévoit à l'article 3, Encouragement et
admission des investissements que « Chacune des parties
contractantes encourage et admet, dans le cadre de sa législation et des
dispositions du présent Accord, les investissements effectués par
les investisseurs de l'autre Partie sur son territoire et dans sa zone maritime
». L'Etat partie qui manque à ses obligations issues de cette
disposition pourra alors voir sa responsabilité engagée. Les
mesures concrètes de cet engagement sont énumérées
dans le traité.
Tout d'abord, l'Etat assure, sur son territoire et dans sa
zone maritime, un traitement juste et équitable et ce
conformément aux principes du droit international. Il doit alors faire
en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit entravé ni en
droit, ni en fait. Les restrictions à l'achat et au transport de
matières, premières ou auxiliaires, sont des exemples d'entraves
à ce droit14.
Par ailleurs, chaque Partie contractante applique aux
investisseurs de l'autre Partie un traitement non moins favorable que celui
accordé à ses investisseurs ou le traitement accordé aux
investisseurs de la Nation la plus favorisée, si celui ci est plus
avantageux. Ce traitement concerne les investissements et les activités
liées aux investissements de la partie privée. Mais il ne
s'étend pas aux privilèges qu'une partie contractante accorde aux
investisseurs d'un Etat tiers, en vertu de sa participation à une zone
de libre échange, une union douanière, un marché commun ou
toute autre forme d'organisation économique
régionale15.
Puis, dans le cadre de la protection et de la
sécurité pleines et entières dont
bénéficient les investissements, la Partie contractante sur le
territoire duquel a lieu cet investissement s'engage à ne prendre aucune
mesure d'expropriation ou de nationalisation ou toutes autres mesures dont
l'effet est de déposséder la partie privée des
investissements lui appartenant. Il existe une exception d'utilité
publique, mais celle ci est conditionnée par le versement, en
contrepartie, d'une indemnité qualifiée de prompte et
adéquate16.
14 Article 4 Traitement juste et
équitable, Accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République du
Sénégal sur la promotion et la protection réciproque des
investissements, signé à Dakar, le 26 juillet 2007.
15 Article 5, Traitement national et traitement
de la Nation la plus favorisée, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
du Sénégal sur la promotion et la protection réciproque
des investissements, signé à Dakar, le 26 juillet 2007.
16 Article 6 Dépossession et
indemnisation, Accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République du
Sénégal sur la promotion et la protection réciproque des
investissements, signé à Dakar, le 26 juillet 2007.
12
Enfin, la Partie contractante sur le territoire ou dans la
zone maritime de laquelle l'investissement a été effectué
accorde à l'investisseur un libre transfert des intérêts,
dividendes, bénéfices et autres revenus courants, des redevances
pouvant découler de droits incorporels, des versements effectués
pour le remboursement des emprunts régulièrement
contractés, du produit de la cession ou de la liquidation total ou
partiel de l'investissement, et des indemnités de dépossession ou
de perte éventuelles17.
Ainsi, dès lors qu'une de ces dispositions que les deux
Etats contractants se sont engagés à respecter fait
défaut, l'investisseur privé peut soumettre ce différend
à l'arbitrage international.
Mais l'ouverture du recours à l'arbitrage est soumise
à une condition préalable, la tentative de conciliation.
4. La condition préalable : la tentative de
conciliation
Avant d'avoir recours à l'arbitrage, les parties
doivent effectuer une tentative de conciliation. Si cette conciliation aboutit,
le litige prend fin, le recours à l'arbitrage est alors
éloigné. C'est seulement si cette tentative échoue que le
différend pourra être soumis, à la demande de
l'investisseur concerné, à l'arbitrage. Cette tentative
préalable de conciliation est prévue dans tous les traités
bilatéraux d'investissement liant la France et les pays d'Afrique
francophone, sans exception. Les modalités d'exercice de ce
règlement amiable sont identiques dans chaque traité. L'accord
entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République fédérale du Nigéria
sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
énonce, en son article 8, « Tout différend relatif aux
investissements entre l'une des Parties contractantes et un investisseur de
l'autre Partie est, autant que possible, réglé à l'amiable
entre les deux parties concernées ». Cette obligation de
tentative de conciliation est reprise dans les mêmes termes dans chacun
des traités d'investissement entre la France et l'Afrique. Le
règlement amiable peut être demandé par l'une ou l'autre
des parties au différend. Un délai de six mois, à partir
du moment où le différend a été soulevé, est
fixé pour effectuer cette conciliation. Si, pendant ces six mois, le
différend n'a pas pu être réglé, il est alors soumis
à l'arbitrage18. Ce délai connaît de
légères variations selon les traités. Le texte de l'accord
bilatéral
17 Article 7 Libre transfert, Accord entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République du Sénégal sur la promotion et la protection
réciproque des investissements, signé à Dakar, le 26
juillet 2007.
18 Cf. Article 11, Accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la
République de Guinée équatoriale sur l'encouragement et la
protection réciproque des investissements, signé à Paris,
le 3 mars
13
entre la France et la République démocratique du
Congo évoque un « bref délai »19 et
dans l'accord liant la France à la République de Djibouti, le
délai est de neuf mois à partir du moment où le
différend a été soulevé20.
Si le différend n'a pas fait l'objet d'un
règlement amiable, le recours à l'arbitrage peut alors être
demandé. Les traités liant la France et les pays d'Afrique
francophone ne sont pas unanimes quant à la détermination des
parties pouvant être à l'origine de la demande. Dans l'accord
bilatéral d'investissement entre la France et le
Sénégal21, et celui entre la France et
Djibouti22, la demande d'ouverture de ce recours est
réservée à l'investisseur. Dans les traités entre
la France et la Guinée équatoriale23 ou la France et
le Nigéria24, la demande peut provenir de l'une ou l'autre
des parties contractantes. L'investisseur ou l'Etat d'accueil de
l'investissement pourront alors aspirer à voir le différend
soumis à l'arbitrage.
Cependant, l'ouverture de la procédure d'arbitrage peut
être mise en danger, et ce dans deux cas de figure évoqués
par ces traités.
5. La mise en danger de l'ouverture de la procédure
d'arbitrage
Tout d'abord, une condition supplémentaire peut
être posée. Il est une situation où le consentement
inconditionnel au recours à l'arbitrage est requis. Ensuite, il existe
un cas où l'arbitrage, bien que prévu par une clause, peut se
voir éloigné, c'est le cas lorsque la juridiction judiciaire ou
la juridiction administrative sont choisies.
1982 ; Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
fédérale du Nigeria sur l'encouragement et la protection
réciproque des investissements, signé à Paris, le 27
février 1990 ; Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
du Sénégal sur la promotion et la protection réciproque
des investissements, signé à Dakar, le 26 juillet 2007 ; Article
7, Accord entre le Gouvernement de la République de Madagascar et le
Gouvernement de la République française sur l'encouragement et la
protection réciproque des investissements, signé à Saint
Denis de La Réunion, le 25 juillet 2003 ; Article 9, Accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Guinée sur la promotion et la protection
réciproques des investissements, signé à Conakry, le 10
juillet 2007.
19 Article 9, Convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la
République du Zaïre sur la protection des investissements,
signée à Paris, le 5 octobre 1972.
20 Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproque des
investissements, signé à Paris, le 13 décembre 2007.
21 18 Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
du Sénégal sur la promotion et la protection réciproque
des investissements, signé à Dakar, le 26 juillet 2007.
22 Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproque des
investissements, signé à Paris, le 13 décembre 2007.
23 Article 11, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
de Guinée équatoriale sur l'encouragement et la protection
réciproque des investissements, signé à Paris, le 3 mars
1982.
24 Article 8, Accord entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République
fédérale du Nigeria sur l'encouragement et la protection
réciproque des investissements, signé à Paris, le 27
février 1990.
a. 14
Le consentement inconditionnel au recours à
l'arbitrage.
Dans le cas où le différend est de nature
à engager la responsabilité pour les actions ou omissions de
collectivités publiques ou d'organismes dépendants de l'une des
deux parties contractantes, ladite collectivité publique ou ledit
organisme sont tenus de donner leur consentement de manière
inconditionnelle à l'arbitrage. Cette exigence est prévue dans le
traité bilatéral d'investissement entre la France et le
Sénégal25. Sans ce consentement inconditionnel, le
recours à l'arbitrage est alors remis en cause.
b. La saisine de la juridiction judiciaire ou administrative
compétente
Dans l'accord sur la protection et la promotion des
investissements entre la France et Les Seychelles, l'article 8 prévoit
que l'investisseur concerné peut, selon sa préférence,
soit saisir la juridiction judiciaire ou administrative compétente dans
le pays où l'investissement a été réalisé,
soit soumettre le différend à l'arbitrage. Cet article
précise que le choix de la procédure est définitif. La
clause de recours à l'arbitrage est prévue mais ce recours, si
l'investisseur saisit la juridiction judiciaire ou administrative
compétente, est écarté et ce de manière
définitive. Cette clause offre un véritable choix à
l'investisseur. Ces dispositions menacent en un sens le recours à
l'arbitrage, néanmoins elles sont très rares dans les
traités bilatéraux d'investissement entre la France et les pays
d'Afrique francophone et ne reflètent donc pas la réalité
du règlement des différends liés aux investissements.
Il ressort de cette analyse que, lorsqu'un différend
relatif aux investissements survient entre un investisseur d'un Etat partie au
traité et l'autre Etat partie, le recours à l'arbitrage ne va pas
de soi. Une procédure stricte est imposée aux parties qui
souhaiteraient y recourir et ce recours est soumis à de nombreuses
conditions. Malgré cela, le recours à l'arbitrage international
est la pratique la plus répandue dans le règlement des
différends liés aux investissements entre un investisseur d'un
Etat et l'Etat d'accueil.
Une fois le recours à l'arbitrage admis, plusieurs
types d'arbitrages possibles sont prévus par ces traités
bilatéraux d'investissements. Il convient désormais de les
étudier.
25 Article 8.c. Règlement des
différends entre un investisseur et une partie contractante, Accord
entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion
et la protection réciproque des investissements, signé à
Dakar, le 26 juillet 2007.
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