2. Les limites liées au fonctionnement même de
l'arbitrage comme mode de règlement des différends
L'investissement direct étranger est
considéré comme un outil déterminant de l'essor des pays
en développement et du soutien de la croissance économique des
pays développés. Les Etats, pour attirer les investisseurs
étrangers, ont donc adopté des politiques de promotion et de
protection des investissements étrangers. Dans les traités
bilatéraux de protection et de promotion des investissements,
l'arbitrage est souvent prévu comme étant le mode de
règlement des différends. Cependant, dans la pratique, il est
apparu que ce mode de règlement des différends comporte des
limites de divers ordres : il lui est reproché d'être rendu en
faveur des investisseurs étrangers, et de manquer de caractère
démocratique.
a. Un arbitrage rendu en faveur des investisseurs
étrangers
Le corps de ces traités bilatéraux vise la
protection et la promotion des investissements des parties privées sur
le territoire d'un Etat hôte, autre que l'Etat dont il a la
nationalité. Ces traités ont donc pour objectif la protection
d'un seul, l'investisseur. C'est l'essence même du traité. Un
certain nombre d'obligations standard sont à la charge des Etats
signataires. Ces obligations figurent dans les traités et ont
été énumérées précédemment. A
ceci s'ajoute un accès facile et direct à l'arbitrage
international.
Cependant, lorsqu'un différend survient et que le
recours à l'arbitrage est engagé, les parties se retrouvent, en
principe, sur un pied d'égalité. L'arbitre doit statuer sur le
différend relatif au respect des dispositions du traité, et sur
ces seules dispositions. Mais l'arbitrage permet ici de
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juger la responsabilité de l'Etat en dehors de son
ordre juridique. Et ce droit substantiel appliqué lors de l'arbitrage
international n'est constitué que par les engagements pris par l'Etat
dans l'accord. Ce droit est donc nécessairement en faveur des
investisseurs étrangers. L'analyse du Tribunal porte exclusivement sur
la possible violation par l'Etat hôte des obligations issues des
dispositions du traité. Il existe donc un déséquilibre
entre la relation existant entre l'Etat hôte et l'investisseur et le fait
que la responsabilité du seul Etat hôte puisse être
engagée. Le déséquilibre porte sur l'aspect
unilatéral de cette relation.
b. La mise en cause du contenu démocratique du
mécanisme d'arbitrage.
Le contenu démocratique du mécanisme d'arbitrage
a provoqué une vive inquiétude chez certaines figures politiques.
Axelle Lemaire, secrétaire nationale du Parti socialiste aux droits de
l'Homme et secrétaire d'Etat chargée du Numérique a ainsi
mis en doute la légitimité du rôle dévolu aux
arbitres. Selon elle « Il est demandé à des personnes
privées, sans légitimité démocratique aucune, de se
prononcer sur des mesures de politique nationale prises à l'instigation
de gouvernement démocratiquement élus (...) En outre, il est
reproché aux arbitres de ne manifester qu'un intérêt
très relatif pour les politiques publiques menées par les Etats,
favorisant ainsi, intentionnellement ou non, les intérêts des
investissements privés È55. Pour certains, il
s'agit là d'une faille poussant à l'abus de droit des
investisseurs étrangers, mais, si la bonne foi des investisseurs ne peut
pas être remise en cause aussi aisément, on peut tout de
même considérer que cette remarque soulève la
véritable question de l'impartialité des juges dans les sentences
arbitrales. Le système traduit en effet le manque d'intérêt
réel de l'arbitre pour la situation de l'Etat hôte, alors pourtant
que ce dernier existe pour la situation de l'investisseur.
Ainsi, l'arbitrage peut présenter des limites
liées à la fois à d'éventuelles pratiques abusives
de l'auteur de l'ouverture de la procédure, et à son
fonctionnement. Les solutions semblent trop souvent être rendues en
faveur des investisseurs et, même si tel n'est pas le cas, c'est sa
situation, et elle seule qui est protégée. Ce recours, pourtant
formé sur un accord réciproque présente des effets
unilatéraux. Les sentences arbitrales n'étant que peu souvent
publiées, il est difficile d'illustrer ce propos, cependant, les vives
critiques formulées par les auteurs sur le sujet rendent
indéniables les limites de cette procédure.
55 Axelle Lemaire, Le nouveau visage de l'arbitrage
entre Etat et investisseur étranger : Le Chapitre 11 de l'Alena, in
Revue de l'arbitrage, Paris, n°1, 2001, pp. 70 à 81.
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