Vision africaine du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes( Télécharger le fichier original )par Wendeyida Jessie Josias OUEDRAOGO Université Privée de Ouagadougou - Licences es Sciences Juridiques; Option: Droit public 2012 |
2. Obligations des ÉtatsIl s'agit d'obligations générales et d'obligations spécifiques. Les obligations générales sont celles qui s'appliquent aux droits de l'homme en général et celles spécifiques s'appliquent uniquement au droit à l'autodétermination. Le droit international des droits de l'homme prévoit trois obligations générales que les États sont tenus de respecter. Il s'agit de l'obligation de respecter, l'obligation de protéger et celle d'instaurer les droits de l'homme (aussi appelée obligation de mettre en oeuvre ou encore obligation de donner effet)58(*). Au niveau africain, on parle plutôt de quatre niveaux d'obligations : le devoir de respecter, de protéger, de promouvoir et de réaliser (ou appliquer) ces droits59(*). La Commission ADHP les a rappelées dans la célèbre affaire Ogoni60(*) : « Au premier niveau, l'obligation de respecter exige que l'État se garde d'intervenir dans la jouissance de tous les droits fondamentaux; il devrait respecter ceux qui doivent jouir de leurs droits, respecter leurs libertés, indépendance, ressources et liberté d'action [...]. Au deuxième niveau, l'État est tenu de protéger les détenteurs de droits contre d'autres individus, par la législation et la mise à disposition de recours effectifs [...]. Cela est inextricablement lié à la troisième obligation de l'État qui est de promouvoir la jouissance de tous les droits humains. L'État devrait veiller à ce que les individus puissent exercer leurs droits et libertés, par exemple en favorisant la tolérance, en sensibilisant davantage le public et même en construisant des infrastructures. Le dernier niveau d'obligation exige à l'État de [réaliser] les droits et libertés pour le respect desquels il s'est engagé librement aux termes des divers instruments des droits de l'homme. C'est plus qu'une attente positive, de la part de l'État, d'orienter son système vers la réalisation effective des droits. Cela est également inextricablement lié à l'obligation de promouvoir mentionnée dans le paragraphe précédent [...] »61(*). Pour ce qui est des obligations spécifiques au droit à l'autodétermination, Denis Gingras estime qu'en proclamant qu'« en vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, principe consacré, par la Charte, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure [...] et tout État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte », la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies fait peser deux types d'obligations sur les États62(*). D'une part, il s'agit d'« une obligation négative de non-ingérence envers le peuple qui désire exercer son droit à la libre disposition », et d'autre part d'« une obligation positive d'assistance »63(*). Quant à Jean Charpentier, il présente le droit à l'autodétermination comme consistant en une toute autre obligation : celle de décoloniser64(*). Au plan africain, on relève que dans son projet de directives et principes sur les droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples65(*), la Commission ADHP indique que « le droit à l'autodétermination, dans son application aux peuples [...] inclut une obligation pour les États de protéger le droit à l'autodétermination, de promouvoir l'abolition ou l'évolution des normes culturelles, sources de discrimination ou de violation des droits des individus66(*) [...] ». La Commission ajoute également que « les États parties doivent encourager les peuples, y compris les populations/communautés autochtones, à préserver leur identité culturelle particulière. [...] Ils doivent prendre des mesures spéciales pour encourager la participation de tous les peuples, y compris les populations/communautés autochtones, au processus démocratique de gouvernance nationale. Ce processus peut comprendre des schémas de gouvernance accordant plus de pouvoir et une plus grande autorité aux autorités régionales et locales et/ou des systèmes de représentation proportionnelle ». * 58 De façon succincte, respecter les droits de l'homme signifie que les États évitent d'intervenir ou d'entraver l'exercice des droits de l'homme. Protéger signifie que les États doivent cuirasser les individus et les groupes contre les violations des droits de l'homme. Instaurer (ou mettre en oeuvre, ou encore donner effet) signifie que les États doivent prendre des mesures positives pour faciliter l'exercice des droits fondamentaux de l'homme. http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/InternationalLaw.aspx consulté le 22/02/13 à 13h32. * 59 Les quatre niveaux d'obligations prévus par la Charte ADHP ne sont toutefois pas contradictoires aux trois connus au niveau universel. Pour certains auteurs, les deux dernières obligations en droit africain (obligation de promouvoir et obligation de réaliser ou d'appliquer) correspondent en réalité à l'obligation d'instaurer qui existe au niveau universel.* 60 Voir la decision : Commission ADHP, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) / Nigéria, 27 octobre 2001.* 61 Ibid., Aucune hiérarchie n'est accordée à ces obligations. * 62 Denis GINGRAS, op cit., p. 371. * 63 « Tout État a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres États ou séparément, la réalisation du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes conformément aux dispositions de la Charte, et d'aider l'Organisation des Nations Unies à s'acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l'application de ce principe ». Le troisième alinéa du PIDCP ajoute que « Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies ». * 64 Jean CHARPENTIER, op cit., pp. 204-205. « Il s'agit pour [les puissances coloniales] de renoncer à leur souveraineté sur les territoires coloniaux, de cesser d'y exercer des compétences territoriales ; sous-entendu et corrélativement, dans les frontières qui étaient les leurs à l'époque de la colonisation ». * 65 Commission ADHP, op cit., par. 32-34, pp. 13-14. * 66 Elle ajoute que : « Les États doivent s'assurer qu'il n'y ait aucune discrimination à l'égard des peuples [...] dans leurs activités économiques, en particulier dans leur accès au marché du travail, à la terre, aux modes de production agricole, aux services de santé, à l'éducation et autres. Les États doivent faciliter et encourager l'emploi des langues autochtones et locales dans les écoles, dans le gouvernement central et dans les administrations locales. Les États membres doivent s'assurer du consentement préalable des populations/communautés autochtones pour l'exploitation des ressources du sous-sol de leurs terres traditionnelles. Les États parties doivent aussi s'assurer que ces communautés bénéficient de cette exploitation. Ils doivent également s'assurer que les communautés/populations autochtones aient préalablement consenti à certaines entreprises visant à accéder à leurs connaissances traditionnelles et à les utiliser. Ils doivent s'assurer que les acteurs étatiques et non-étatiques respectent les droits des peuples à un environnement satisfaisant ». |
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