Vision africaine du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes( Télécharger le fichier original )par Wendeyida Jessie Josias OUEDRAOGO Université Privée de Ouagadougou - Licences es Sciences Juridiques; Option: Droit public 2012 |
II. Protection juridique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmesLa protection du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se réalise à deux principaux niveaux. Il s'agit d'une part d'une protection normative (A) et d'autre part d'une protection institutionnelle (B). A. Protection normativePar protection normative, il faut entendre les instruments juridiques consacrants et protégeant le droit à l'autodétermination (1) et les obligations qui s'imposent aux États en la matière (2). 1. SourcesDe nombreux instruments juridiques internationaux affirment le droit des peuples à l'autodétermination. C'est sans prétendre à l'exhaustivité que nous allons aborder ces sources dans les paragraphes suivants. Au niveau universel, on cite en premier lieu la Charte de l'Organisation des Nations Unies (ci-après la Charte). Elle dispose en son article premier qu'il est un but pour les Nations Unies de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes »47(*). Plusieurs résolutions seront ensuite adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies dans le cadre du droit à l'autodétermination. En effet, « les demandes des peuples des territoires qui souhaitaient parvenir à l'indépendance et l'opinion de la communauté internationale selon laquelle les principes de la Charte étaient appliqués avec trop de lenteur conduisirent l'Assemblée générale à adopter le 14 décembre 1960 la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux »48(*). L'Assemblée générale y déclare que « tous les peuples ont le droit de libre détermination [et qu'] en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel »49(*). Une décennie plus tard, elle énonce dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies qu'elle est convaincue que « le principe de l'égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes constitue une contribution significative au droit international contemporain et que son application effective est de la plus haute importance pour promouvoir des relations amicales entre les États fondées sur le respect du principe de l'égalité souveraine »50(*). Au titre des résolutions, on peut aussi citer la Déclaration universelle des droits collectifs des peuples51(*) qui dispose en son article 6 que « tout peuple a le droit de s'autodéterminer de façon indépendante et souveraine ». Il faut également mentionner la Déclaration universelle des droits des peuples52(*) qui énonce en son article 5 que « tout peuple a le droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination [...] ». Notons toutefois que l'influence juridique de cette dernière déclaration est restée moindre. Le droit des peuples à l'autodétermination est aussi affirmé dans les deux Pactes de 196653(*). Outre ces instruments universels, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est consacré dans des instruments régionaux54(*) mais seuls ceux intéressants l'Afrique seront retenus dans la présente étude. On note ainsi qu'aux termes de l'article 19 de la Charte ADHP, « tous les peuples sont égaux [...] jouissent de la même dignité et ont les mêmes droits ». Ainsi, « rien ne peut justifier la domination d'un peuple par un autre ». L'article suivant proclame que : « Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu'il a librement choisie. Les peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus par la Communauté internationale... ». Avec une si grande consécration dans le droit international, on pourrait s'interroger sur le rang hiérarchique du droit des peuples à l'autodétermination. En réalité la question est de savoir s'il s'agit d'un principe coutumier55(*), ou d'une norme impérative du droit international général (« jus cogens »56(*)). La doctrine reste partagée sur la question. À ce sujet, « la Commission du droit international (CDI) a jugé en 1966 que le droit à l'autodétermination était une règle de « jus cogens ». Dans le même sens, la Commission d'arbitrage de la Conférence européenne pour la paix en Yougoslavie a admis en 1992 que le droit des peuples constituait une norme impérative de droit international général. Mais la majorité des internationalistes semble considérer qu'il s'agit d'un principe politique lié au contexte particulier de la décolonisation »57(*). Afin d'assurer une meilleure application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, un certain nombre d'obligations seront assigné aux États. * 47 La Charte rappelle ce but en son article 55 en affirmant que l'ONU s'investit dans la coopération économique et sociale internationale « en vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes ». * 48 ABC des Nations Unies, New York, 1998, p. 308. * 49 Résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale adoptée du 14 décembre 1960. * 50 Résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale adoptée le 24 octobre 1970. * 51 « La Déclaration universelle des droits collectifs des peuples a été adoptée, à Barcelone, le 27 mai 1990, lors de l'Assemblée générale de la Conférence des nations sans États d'Europe (CONSEU). La Déclaration, qui n'engage pas les États, est consacrée aux droits collectifs des peuples sans État ». http://www.salic.uottawa.ca/?q=int_droits_cnee consulté le 06/09/2013 à 19h28. * 52 « Réunis à Alger à l'initiative de la Fondation Lelio Basso pour les droits des peuples, des juristes, économistes, hommes politiques et dirigeants de mouvements de libération nationale ont proclamé, le 4 juillet 1976, la Déclaration universelle des droits des peuples ». http://www.cedidelp.org/spip.php?article233 consulté le 06/09/2013 à 19h53. * 53 Il s'agit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel (PIDESC) adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966. Aux termes du premier alinéa de l'article premier commun à ces deux Pactes, « tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». * 54 Au niveau africain, on peut citer la Charte ADHP adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (au Kenya) lors de la 18ème Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986 après ratification de la Charte par 25 États. Au niveau européen, on retrouve ce droit dans le Chapitre III de l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (Helsinki, 1er août 1975). Signé le 1er août 1975 par les États participants à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Certains, contrairement à d'autres, estiment que cet acte a le caractère d'un engagement politique et ne constitue pas un accord juridique international. http://www.cvce.eu/collections/object-content/-/object/d5906df5-4f83-4603-85f7-0cabc24b9fe1/49ad5e26-68a2-4563-b659-b4f4dbbb2a9c/26511c7f-1063-4ae9-83e5-16859194a144/fr consulté le 21/02/13 à 23h07. Enfin, ce droit est également affirmé à l'article 3 de la Charte de l'Organisation des États américains (aussi appelée Charte de Bogota ou Charte OEA). Cette charte a été signée lors de la 9ème conférence internationale américaine du 30 avril 1948 à Bogota. Elle est entrée en vigueur le 13 décembre 1951. * 55 « Preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit » : article 38 du Statut de la CIJ. * 56 Voir l'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. * 57 Jean-Claude ZARKA, Droit international public, 2ème éd., Paris, Ellipses, 2011, p. 37. |
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