L'UEMOA face au défi de l'intégration sous-régionale( Télécharger le fichier original )par Arnaud SEKONGO Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (Abidjan, Côte d'Ivoire)) - Maîtrise Droit Public option Droit Communautaire et Intégration Economique 2013 |
B- LA PERSISTANCE DES CONFLITS AU SEIN DES ETATS MEMBRESL'Afrique est devenue un continent où la force militaire et policière se mêle à la politique. Malgré les efforts entrepris par nos dirigeants, il nous est donné de constater que l'Afrique et particulièrement l'Afrique de l'Ouest est le témoin de nombreux conflits qui ne cessent de mettre en péril le désir d'aller à l'intégration. Le Mécanisme de prévention, de gestion, de règlements des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, créé par la CEDEAO en 1999, a pris appui sur les enseignements tirés des interventions au Libéria (1990-1997), en Sierra Leone (1997-2000) et en Guinée-Bissau (1999). Avant cet accord, en 1971, les pays francophones avaient conclu un Accord de non-agression et d'assistance en matière de défense(ANAD), qui visait à renforcer la sécurité dans la zone de l'UEMOA. Celui-ci fut intégré au mécanisme de prévention des conflits de la CEDEAO en 1999169(*) afin de constituer un système de sécurité régionale unique et d'institutionnaliser les structures et processus qui assuraient la concertation et l'action collective dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest170(*). En 2001, les pays membres de la CEDEAO, dont certains Etats Membres forment l'UEMOA, ont également signé un Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne gouvernance, qui vient compléter le mécanisme et prend en considération les causes profondes des conflits, de l'instabilité et de l'insécurité171(*). Ce protocole demeure à un stade préliminaire de sa mise en oeuvre. En effet, il nous est donné de constater que dans la mise en oeuvre du Mécanisme CEDEAO et du cadre normatif associé qui en a découlé, il existe toujours de graves lacunes entre les dispositions normatives et la pratique réelle. Plusieurs études ont fait état de la non-observance par les Etats d'Afrique de l'Ouest, du recueil combien riche de documents normatifs de la CEDEAO.172(*) En outre, malgré d'indéniables progrès, les missions de maintien de la paix continuent à rencontrer d'importants problèmes logistiques et financiers. L'ECOMOG173(*) est d'abord confronté aux mêmes difficultés que toutes les armées multinationales : diversité des langues et des niveaux de formation, absence de normes communes des équipements, des armes et des munitions, etc. Par ailleurs, elle doit aussi faire face à des difficultés spécifiques à la situation de la CEDEAO : faible intégration des différentes troupes ; contrôle excessif des gouvernements de tutelle ; manque de personnel, etc. L'expérience des trois missions conduites par ECOMOG a démontré qu'il était nécessaire de s'assurer d'un soutien financier avant le lancement d'une intervention. Jusqu'à ce jour, la CEDEAO a largement dépendu de sources de financement extérieures174(*). De surcroît, sans l'engagement d'une nation majeure comme le Nigeria, l'ECOMOG ne peut pas constituer à elle seule une force significative175(*). La solide expérience des Africains dans le cadre des diverses opérations de maintien de la paix des Nations Unies et au sein de forces multinationales menées par les Occidentaux permet de cerner les problèmes auxquels ils se heurtent lorsqu'ils entreprennent des missions pour leur propre compte. Les unités constituées qu'apportent les pays africains aux missions de l'ONU sont en général des bataillons d'infanterie aux moyens modestes. Elles sont le plus souvent déployées grâce à une aide extérieure, dont elles restent tributaires.176(*) Très rares sont les pays africains qui peuvent fournir des unités spécialisées. Les pays africains ne participent pas aux opérations de maintien de la paix de l'ONU parce qu'ils y trouvent un intérêt financier. Le fait qu'ils sont prêts à déployer des troupes dans nombre d'opérations qui ne sont pas gérées par les Nations Unies le montre bien. Il n'empêche que leur efficacité est singulièrement amoindrie par l'absence de moyens financiers.177(*) Il s'ensuit que les difficultés rencontrées sur le terrain par les forces des organisations et des coalitions ponctuelles africaines sont en grande partie en rapport avec les moyens militaires des États participants. Peu de pays africains sont à même de déployer un bataillon dans le cadre d'une opération de maintien de la paix ou d'une force multinationale sans l'apport d'une assistance considérable.178(*) Par ailleurs, rares sont les pays qui disposent d'unités spécialisées dotées de matériel ou de connaissances spécialisées suffisants pour assurer les services nécessaires : organisation technique, communications, services médicaux ou contrôle des mouvements. Les pays africains dont l'armée est dotée de telles capacités ne peuvent pas s'en passer pour de longues périodes. À quelques exceptions près, les pays africains ne peuvent pas non plus envoyer des forces très loin. Maintenir une force armée substantielle leur est très difficile. S'ils peuvent avoir recours à des moyens civils pour transporter troupes et matériel, il n'en est pas de même quand il s'agit de réparer des erreurs de commandement et de contrôle, de logistique et de réapprovisionnement. Les pays africains se heurtent même à la difficulté de déployer leurs soldats avec l'autonomie souhaitable.179(*) Ainsi, comme l'a si bien souligné le président de la Commission de l'UEMOA, Monsieur Moussa Traoré, « alors que l'intégration est une course de vitesse, que l'environnement est ce qu'il est et que nous sommes un peu en retard, l'instabilité peut être un frein. Même si elle n'empêche pas que les textes existants soient appliqués ».180(*) Tous ces obstacles étant ainsi élucidés, nous allons nous atteler dans une seconde partie à envisager d'éventuelles possibilités de renouer avec une intégration sous régionale des plus accrue afin de hisser l'UEMOA au 1er rang des organisations d'intégration. * 169 HUSSEIN Karim, GNISCI Donata et WANJIRU Julia, « Sécurité et sécurité humaine : présentation des concepts et des initiatives, quelles conséquences pour l'Afrique de l'ouest ? », document de discussion de l'OCDE, décembre 2004, p. 28 * 170 Idem * 171 http://www.iss.co.za/AF/RegOrg/unity_to_union/pdfs/ecowas/12ProtDemocGood.pdf. * 172 EBO Adedeji, « Vers un programme commun de la CEDEAO sur la réforme du secteur de la sécurité, Document d'orientation n°23 du Centre pour le contrôle démocratique des forces armées - Genève (DCAF) », 2007, p.9 * 173 L'ECOMOG est une force ouest africaine de maintien de la paix créée dans les années90 par des pays membres de la CEDEAO. La force est composée majoritairement de Nigérians. * 174 Les coûts financiers d'une intervention régionale sont couverts par les pays qui fournissent des troupes pendant les trois premiers mois; la CEDEAO prend ensuite le relais. Mais sans soutien financier extérieur, la CEDEAO ne dispose pas de ressources nécessaires pour entreprendre seule une mission de grande ampleur. * 175 Au Libéria, le Nigeria a couvert 90 % des coûts (plus de 1,2 milliard US $). La France a entièrement financé l'intervention de l'ECOMOG en Guinée Bissau. La Banque africaine de développement (BAD) a récemment pris l'initiative d'établir ce Fonds dont la création est prévue par l'article 36 du Protocole du Mécanisme. La BAD a alloué 15 millions US $au Fonds par le biais d'actions (ex : renforcement des capacités) du Programme pour la paix et le développement qui appartiennent aux premier et troisième volets. Les autres donateurs qui soutiennent ou se sont engagés à soutenir le Fonds pour la paix sont : le Canada (900 000 US $); le Danemark (1,17 million US $); et le Japon (70 000 US $). En avril 2004, la CEDEAO et la BAD ont conjointement organisé une rencontre à Tunis pour présenter le Fonds et d'autres initiatives similaires à la communauté des bailleurs et pour mobiliser d'autres ressources et soutiens. * 176 http://www.iss.co.za/AF/RegOrg/unity_to_union/pdfs/ecowas/2ECOWASProfileFr.pdf * 177 Idem * 178 Idem * 179 Idem * 180 TRAORE Moussa, Président de la Commission de l'UEMOA, Entretien sur « l'Afrique de l'ouest, un nouveau gendarme », Jeune Afrique Economie, du 18 décembre 2000 au 14 janvier 2001, p.42 |
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