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Epiceries sociales et solidaires : histoire et typologie

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par Mathieu Gros
Université Aix-Marseille Economie et Gestion - Master II RH ESS 2014
  

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5. Développement des épiceries sociales et solidaires

Avant de présenter et analyser le contexte de développement des ES, il est intéressant de se pencher sur la définition d'une épicerie sociale et épicerie solidaire.

Existe-t-il une définition officielle? En consultant les professionnels du social, la littérature et Internet, on s'aperçoit qu'il n'existe pas vraiment de définition précise de ces épiceries.

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5.1 Tentative de définition d'une épicerie sociale et épicerie solidaire Seuls les réseaux d'aide alimentaire se prêtent au jeu pour définir le concept. On se

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basera sur celle de l'ANDES : « Une épicerie sociale relève d'une municipalité ou une

communauté de communes, donc essentiellement financée par un CCAS ou CIAS. Les épiceries solidaires procèdent d'un regroupement d'individualités et d'associations : elles font appel à des financements croisés et ont une forme associative». Ces définitions soulèvent des questionnements quant à leurs justifications. En effet, ces définitions ne caractérisent pas précisément épicerie solidaire et épicerie sociale et n'indiquent pas comment les différencier.

On pourrait alors dire que les épiceries sociales ne relèvent pas de l'Economie Sociale et Solidaire mais plutôt du secteur public, contrairement aux épiceries solidaires qui dépendent du secteur associatif, donc de l'ESS. Les épiceries sociales et solidaires sont à la croisée des chemins entre régulation publique et autogestion.

Sur le terrain, grâce aux entretiens effectués avec des professionnels et «clients» des épiceries, on peut affirmer que les seules définitions existantes ne sont pas claires. Certaines épiceries gérées par des associations sont appelées «boutique sociale» ou «épicerie sociale» et le terme solidaire n'apparaît pas. En interrogeant les porteurs de projet, on s'aperçoit également que les approches sur les termes employés ne sont pas les mêmes.

Pour le Directeur de l'Epicerie Solidaire La Courte Echelle, François SANDOZ, basé à Saint Rémy de Provence, l'appellation «sociale» d'une épicerie s'oriente vers «l'assistance» des personnes, ou comme un « outil supplémentaire à l'assistance». Le terme solidaire serait alors « une question de moyens » de mise en oeuvre du projet.

Pour Mathieu GALAND, directeur de l'épicerie solidaire itinérante de St Maximin (Var), une épicerie solidaire est «solidaire» car elle développe plusieurs dimensions : «cogestion» et «participation». Elle a un rôle de «partage et de solidarité» entre les membres.

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http://www.epiceries-solidaires.org/qu est ce qu une epicerie sociale ou sol ida ire.shtml

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La directrice de l'épicerie solidaire du Centre Social d'Endoume, Marie CELLIER, reprend les termes de partage et de solidarité pour définir une épicerie solidaire (ES). Elle précise également qu'une ES est à « la croisée des chemins entre le social et le solidaire » et que le système français veut que l'on «mette des termes sur des services», la définition peut être propre à chaque initiative ou projet. Mais ce qui ressort de son témoignage est que le terme solidaire prend tout son sens si le projet est bien de «travailler avec et pour les gens ». La solidarité prend le pas sur le social, et ce qui est important, c'est «la vie au sein du groupe ». L'épicerie fait bien « une action sociale mais pas de l'assistanat», la solidarité et le partage permettent la «remobilisation de l'individu».

Le regard des professionnels du social n'est pas très différent de celui des responsables des épiceries. Pour Ana'is Pappalardo, Conseillère en Economie Sociale et Familiale (CESF) au CCAS de St Lambert, dans le 7ème arrondissement de Marseille, une épicerie solidaire « ce n'est pas qu'un accès â une épicerie, cela engendre plusieurs choses derrière», c'est un « travail d'ensemble et un cheminement de la vie de la personne en difficulté », alors qu'une épicerie sociale serait «plus liée à l'urgence de la situation», voire de « répondre à un besoin social précis ». Pour l'assistante sociale de la CAF, Anne Haudiquet, en charge du 6ème et 7ème arrondissement de Marseille, la différence entre une épicerie solidaire et une épicerie sociale est qu'une épicerie solidaire comme celle du Centre Social d'Endoume permet de «travailler sur différents thèmes à la fois» comme sur « l'isolement, l'alimentaire, le conseil et le soutien » alors qu'une épicerie sociale serait plus « institutionnalisée » et serait plus dans « l'accompagnement des personnes en difficultés ».

Enfin, observons l'opinion des adhérents et clients d'une épicerie sociale et solidaire. Pour Sonia, adhérente de l'épicerie solidaire d'Endoume à Marseille, une épicerie solidaire est «moins stigmatisant» qu'un colis alimentaire. C'est un «lieu d'accueil» qui permet « d'échanger avec d'autres personnes», car pour elle « il y a l'alimentaire et puis ensuite le côté humain » qui est important. Elle ajoute, « c'est un endroit où on peut se poser, discuter, boire un café » et ça « c'est très important».

La tentative de définition de ces épiceries sociales et solidaires n'est pas simple.

Néanmoins, après ces témoignages, tous très riches, nous pourrions élaborer deux définitions:

EpicerieSociale: Espace d'aide alimentaire à destination des personnes en difficulté, en majorité géré par des organisations publiques comme un CCAS ou CIAS. Elles sont plus institutionnalisées et anciennes.

Epicerie Solidaire : Lieu d'accueil et d'accompagnement social dont l'entrée est l'aide alimentaire, majoritairement géré par des organisations privées non lucratives (association loi 1901, groupements). Plus récentes, ces épiceries développent un esprit alternatif.

5.2 Contexte et développement des épiceries sociales et solidaires

Trois motifs seraient à l'origine du développement des ES et en particuliers celles sous forme associative : le contexte social et économique difficile, les limites de l'État et le développement, depuis les années 1980, du courant « solidaire » de l'ESS.

Elles sont apparues vers la fin des années go avec une aide alimentaire en pleine mutation et un contexte économique et social complexe. Les premières épiceries sont portées par des organisations publiques telles que les CCAS. Quelques années après, des associations ou des groupements de personnes voulant offrir plus de solutions aux personnes dans le besoin vont également créer des épiceries solidaires.

C'est en 1996, dans la ville de Nièvre, que la première épicerie solidaire sous forme associative a vu le jour, initiée par Guillaume Bapts, Fondateur et Directeur de l'ANDES. Devant l'ampleur des demandes de conseils pour ouvrir une épicerie, il décide en 2000 de créer le réseau ANDES qui fédère en 2014, plus de 25o épiceries.

Elles sont en plein développement depuis plus de dix ans et leur répartition sur le territoire est vraiment très disparate. D'après la carte ci-dessous (image 1), on peut s'apercevoir que quelques régions comme l'Alsace-Lorraine, la Bretagne, le Massif central ou les Pyrénées-Atlantiques, sont dépourvus d'épiceries sociales et solidaires.

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Image 2.-- Carte des épiceries solidaires membre du réseau ANDES, en France (2o12)*

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*les couleurs des repères n'ont pas d'importance ici.

D'après les chiffres récents de l'ANDES (2012), la tendance est à la hausse au niveau du nombre d'épiceries adhérentes sous forme associat ive (67%) et il ressort que seulement

33 % sont gérées par des CCAS ou CIAS39 .

Cette nouvelle forme d'aide alimentaire prend donc de l'ampleur et d'après les chiffres officiels publiés en 2013 par les réseaux, on dénombre 700 ES adhérentes des Banques Alimentaires et plus de 25o pour le réseau ANDES.

Dans les Bouches du Rhône, on dénombre à la Banque Alimentaire environ 190 associations distribuant de l'aide alimentaire (la répartition entre association et/ou CCAS n'est pas précisée). Concernant l'ANDES, on compte 19 épiceries adhérentes au réseau dont 6 sont gérées pas un CCAS (soit un taux de 32 %, comparable au chiffre national).

Première spécificité rencontrée au cours du stage professionnel, celle d'une épicerie solidaire gérée par un centre social. La direction du «285» a ouvert un service « épicerie solidaire » en Janvier 2013. L'idée originale remonte à 2009 suite à un travail collectif avec les travailleurs sociaux du territoire. Un constat d'accroissement des demandes en matière d'appui social a été repéré par l'accueil du centre. Cette initiative liée au projet

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http://www.epiceries-solidaires.org/files//Rapport d act ivite_2012_VF.pdf

social du centre a fait l'objet d'une enquête diagnostic du quartier pour d'établir un constat des besoins d'une population locale peu ou pas satisfaits.

Les résultats ont montré que ce quartier, réputé pour être un territoire statistiquement favorisé, abrite également des personnes en situation de grande précarité (financière, sociale, immobilière, etc.). Les résultats, confortés et étayés par les référents sociaux, expriment un réel besoin d'accompagnement.

Il est à remarquer que l'aide alimentaire, sur Marseille et les Bouches du Rhône, reste très peu développée au vu des chiffres de la pauvreté. En effet, le taux de pauvreté sur les Bouches du Rhône est au-dessus de la moyenne nationale (14,1%) avec un taux de 17,7 % en 2010. Ce modèle d'épicerie développé par un centre social n'est pas commun. Il faut se rendre en Bretagne, dans le Gard ou en Picardie pour trouver d'autres exemples de ce type. Une rencontre imprévue lors du stage avec une chargée de mission de l'ANDES, nous a appris que Marseille comptera un deuxième projet similaire dans le 11ème arrondissement, à l'AEC des Escourt fines, titulaire d'un agrément Centre Social.

En sus de l'existant, depuis quelques années, apparaissent de nouvelles formes d'épiceries solidaires basant leur projet sur une consommation alternative qui intègre une aide alimentaire. Elle développe un modèle économique innovant et local qui permet d'avoir accès à des produits alimentaires à moindre coût. Ce modèle se base sur le «circuit-court», c'est à dire sur la proximité des produits vendus et la réduction des intermédiaires dans le circuit de distribution. Deux exemples fonctionnant avec une synergie forte entre les acteurs du territoire peuvent être cités sur la région, celui de «Solid'Arles» (Arles), une épicerie solidaire portée par un collectif d'associations et le CCAS, l'épicerie solidaire de la Courte Échelle (St Rémy en Provence) portée par une association du même nom.

Nous savons que les ES existent depuis plus de 20 ans et qu'elles continuent de se développer sous différentes formes.

Mais comment fonctionnent-elles vraiment ? Quelles sont leurs caractéristiques?

C'est ce que nous allons voir dans une seconde partie, présentant le cadrage théorique et l'analyse approfondie de leur fonct ionnement.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand