III-5-3 Les voies de la régulation sociale
La théorie de la régulation sociale est une
théorie développée par le sociologue français
REYNAUD J.D. depuis les années 1970. Elle met la négociation et
les règles au centre des rapports sociaux. Présenter la
théorie de la régulation sociale revient à rappeler son
objet qui est l'étude de l'action et de ce qui la contraint : elle
privilégie l'individu agissant qui prend des décisions sociales.
Pour REYNAUD J.D. (1999, p. 233) « l'action sociale est une
interaction réglée et finalisée » et ce sont ces
interactions réglées qui forment le système.
L'étude de l'action sociale est alors celle de l'interaction de sujets
qui définissent collectivement son orientation, élabore le sens
qui leur convient dans le cadre de rapports de pouvoir qui distribue
l'initiative de manière inégale. Dans notre cas, les interactions
entre les professeurs et leur administration déterminent l'orientation
qu'ils se donnent quant à leur mission qui est d'éduquer les
élèves qui leur sont confiés.
Pour REYNAUD J.D., le syndicat n'est pas extérieur,
mais bien au coeur de l'entreprise dans laquelle il contribue de manière
endogène à la production normative : la négociation ne
vise pas à déstabiliser l'entreprise, mais à faire de
l'opposition entre employeurs et syndicats une opportunité pour qu'ils
définissent ensemble des règles communes et légitimes,
sans intervention extérieure. Alors, la présence des syndicats
comme le SNESS, le SYNTER et le SYNAPAGER ne doit pas être perçue
par l'administration scolaire comme une menace, une déstabilisation de
leurs stratégies administratives. Elle signifie juste une recherche de
meilleures conditions de travail afin d'améliorer les résultats
scolaires des élèves. Pour REYNAUD J.D., la négociation
professionnelle ne fixe pas seulement un salaire ou une indemnité, mais
elle invente des règles pour les fixer et en même temps, ces
règles conditionnent les interactions entre les protagonistes.
Cette situation permet d'entrer dans le champ de
négociation en transformant un employé en un représentant
capable de négocier avec l'employeur sur l'aménagement du temps
de travail alors même qu'il n'est pas syndiqué. Curieusement, avec
ce type d'acteur peu expérimenté, ces accords locaux sont bien
plus favorables que les accords conclus lorsque les organisations
28
syndicales sont présentes, ce qui témoigne de
l'importance des « régulations intermédiaires » dans la
construction d'un ordre social légitime. Dans les lycées, il y a
le délégué du personnel qui est élu par tous ceux
qui y travaillent. Il agit sans bord syndical (dans le principe) et
représente le personnel à des concertations ou aux instances
officielles avec l'administration scolaire. Ce changement de paradigme le
conduit à partir de l'action sociale. Dans ce cas, par des actions
concrètes et planifiées avec les autres travailleurs, il
régule le système et contribue à construire des normes et
des valeurs. Et REYNAUD J.D. (1999, p. 112) ajoute : « pour faire
image, le paradigme de la régulation sociale n'est pas à chercher
dans la secte religieuse, mais dans la convention collective de travail
». La théorie de la régulation sociale se fonde sur le
paradigme de l'acteur social irréductible, dont la
caractéristique majeure est son autonomie, c'est-à-dire sa
capacité de construire des règles sociales et d'y consentir.
En somme, la notion de régulation sociale permet
d'expliquer la manière dont les individus réagissent à des
contraintes, interprètent la situation, inventent des cadres cognitifs
pour trouver le sens, se mobilisent et s'affrontent sur des jugements à
propos de l'efficacité de tel ou tel mode d'organisation. On
s'écarte de tout déterminisme ou disposition : l'accent est mis
sur ce « fait social » qu'est l'action et non sur une suite
d'évènements dont il suffirait de retrouver les
enchaînements pour comprendre leurs relations avec l'action
29
|