La régulation des télécommunications au Congo( Télécharger le fichier original )par Audry Jostien EYOMBI Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Master en droit public 2012 |
Paragraphe 2. De l'AAI a l'API : ARPCEUne analyse minutieuse de la loi n° 11-2009 du 25 novembre 2009, portant création de l'ARPCE nous révèle que cette loi a inauguré une ère nouvelle dans l'espace juridico-administratif congolais. En effet, contrairement aux lois portant création des autorités de régulation des télécommunications en France (133) et au Benin (134), la loi congolaise dépasse l'étape d'une AAI pour faire de l'ARPCE une Autorité Publique Indépendante, en la dotant d'une personnalité juridique(135) .L'ARPCE n'est plus un simple démembrement de l'Etat, mais elle existe maintenant en tant que sujet de droit public, à coté de l'Etat, les collectivités locales et des établissements publics. `' Offrir à l'opinion une garantie renforcée d'impartialité des interventions de l'Etat, permettre une participation élargie de personnes d'origines et de compétences diverses et notamment professionnelles, à la réglementation d'un domaine d'activité ou au traitement d'un problème sensible, assurer l'efficacité de l'intervention de l'Etat en termes de rapidité, d'adaptation à l'évolution des besoins et des marchés et de continuité dans l'action `'(136),c'est la justification que l'on peut donner à la création des AAI pour accompagner la régulation indépendante. Mais, tout comme le professeur Gegoffe(137), le législateur congolais s'est rationnellement rendu compte que cette justification n'a pu suffire, l'octroi de la personnalité juridique a paru nécessaire pour assurer l'indépendance. L'attribution de la personnalité juridique à l'ARPCE présente deux avantages concrets : sa souplesse de fonctionnement est accrue, puisque ce statut permet d'affecter directement les recettes et recruter plus aisément des agents issus de la profession ; elle à la pleine responsabilité de ses actes. La personnalité juridique serait donc un élément permettant de rendre l'agence plus indépendante. Elle offre à l'institution une autonomie à l'égard de l'Etat. L'absence de la personnalité morale est un des éléments de la définition des AAI, et même le principe reste l'absence de la personnalité.1(*) Par conséquent, la reconnaissance d'autorité dotée de cette personnalité juridique, rappelons-le a rompu `' l'homogénéité `' des AAI(138). Une partie de la doctrine avance que l'API constitue le dernier stade de l'AAI, la consécration d'une indépendance totale car le principe veut que l'autorité de régulation reste administrative, soit indépendante(139), mais sans personnalité juridique. Dans un arrêt d'ailleurs, le Conseil d'Etat parait se rallier à cette interprétation : à propos de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), tout en rappelant que la loi la qualifie d'autorité publique indépendante, il la range dans les autorités administratives indépendantes (140). C'est même un élément de sa définition. Comme affirmait D. Truchet : « la création des Autorités Publiques Indépendantes marque une défiance à l'égard de l'Etat tout entier » (141). Les autorités publiques indépendantes présentent trois caractères : Elles disposent d'un certain nombre de pouvoirs (recommandation, décision, réglementation, sanction) ; elles agissent au nom de l'État et certaines compétences, comme le pouvoir réglementaire, qui sont dévolues à l'administration leur sont déléguées ; elles ne dépendent ni des secteurs contrôlés ni des pouvoirs publics. Les pouvoirs publics ne peuvent pas leur adresser d'ordres, de consignes ou même de simples conseils et leurs membres ne sont pas révocables. Les autorités publiques indépendantes constituent donc une exception à l'article 20 de la Constitution selon lequel le Gouvernement dispose de l'administration. Cependant, est-il cohérent que la responsabilité des autorités publiques indépendantes vienne se substituer à celle de l'Etat, alors que ces dernières assurent l'exécution d'une mission de l'administration ? Que se passerait-il si l'Agence de Régulation des Postes et Communications Electroniques était dans l'incapacité de manière temporaire ou permanente, d'assurer financièrement les conséquences de sa responsabilité ? Et notamment serait-il possible d'obliger l'Etat à intervenir pour suppléer l'agence en faillite ? En tout cas, à titre d'aperçu, le Conseil d'Etat relève que « l'émergence des autorités publiques indépendantes (...) brule la frontière entre les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs » (142). En fin, devant les Sénateurs français, le ministre de la recherche et de la technologie a présenté le Groupement d'Intérêt Public, GIP(143), comme « une nouvelle personne de droit »(144), autrement, ce dernier est placé au même diapason que l'Autorité Publique Indépendante. Les GIP ont connu depuis la loi du 15 juillet 1982 une fortune diverse mais croissante(145).Bien qu'ils associent des personnes de droit public et de droit privé, il apparait que les GIP sont aujourd'hui essentiellement des instruments de gestion du service public administratif. Cette constatation fondée sur une analyse systématique des GIP existants a été confortée par l'arrêt du Tribunal des conflits du 14 février 2000, Mme Verdier, qui leur a reconnu clairement la qualité de service public. Cependant, la nette distinction entre l'API et le GIP repose sur leurs objets respectifs. Le GIP a pour objet de permettre l'association d'une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé en commun, pendant une durée déterminée, d'activités qui ne peuvent donner lieu à la réalisation de bénéfices(146),il est claire qu'il n'est qu'investit d'une mission de service public administratif(147). Par là même, le GIP se distingue nécessairement de l'API, car, la seule motivation du législateur d'octroyer la personnalité juridique à l'API est l'accomplissement, sans ingérence des pouvoirs publics, de la mission de service public, qu'elle est investie traditionnellement, qui peuvent être administratif ou commercial et industriel. 1(*) 1(*) * 144. Conseil d'Etat, « Réflexion sur les autorités administratives indépendantes », Rapport public 2001. 145. Gegoffe(M), « les autorités publiques indépendantes », AJDA, 2008, p. 622. 146. Notte(G), « les autorités administratives indépendantes », JCPE, 22 juin 2006, p. 1127. 147. Moudoudou(P) et Markus(J.P), « Droit des institutions administratives congolaises », précité, p. 126. 148. Conseil d'Etat, 30 novembre 2007, M.T et a. Rec., n° 293952. 149. Truchet(D), « Avons-nous encore besoin du droit administratif ? », in Mélanges en l'honneur de Jean François Lachaume , Dalloz, 2007, p. 1039 et 1043. * 150. CE, rapport sur les Etablissements Publics, 2010, p.105. 151. Le GIP est une personne morale publique sui generis pouvant être constituée entre des personnes morales de droit public et souvent de droit privé, en vue d'exercer ensemble des activités à but non lucratif dans des secteurs prévus par les textes et aussi divers que, par exemple, la recherche, l'action sanitaire et sociale, voir l'administration locale(Voir :Lexiques des termes juridiques, Paris, 2011,18 e éd., Dalloz, p., 406). 152. JO Deb. Sénat, 13 mai 1982, p. 199. 153. Benoit(J), « Les GIP : un instrument de gestion de service public administratif », précité,. p. 30. 154. CE, rapport sur les Etablissements Publics, 2010, p.105. 155. Benoit(J), « Les GIP : un instrument de gestion de service public administratif », précité ,p. 30. |
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