L'avocat et la protection des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Charles Marcel DONGMO GUIMFAK Université catholique d'Afrique Centrale/ institut catholique de Yaoundé - Master 2 en droit de l'homme et action humanitaire 2009 |
Paragraphe II : La défense et la représentationC'est dans le cadre de ses fonctions de défense que l'avocat contribue le plus à la protection des droits de l'homme au Cameroun. Lorsque nait un litige, il intervient avant toute procédure contentieuse (A), et davantage en cours de procédure (B). A - L'intervention de l'avocat en dehors de toute procédure judiciaireDans le cadre d'un litige, l'avocat en sus de son rôle d'information et de conseil, intervient aux différents stades d'un litige : dès l'origine du conflit ce qui aura souvent pour effet d'éviter des situations dramatiques, et de mieux préserver les intérêts du client. Il intervient aussi au stade judiciaire pour faire reconnaître un droit, aboutir une prétention ou pour formaliser une transaction en cas de conciliation. Dans tous les cas, il donnera au fur et à mesure les conseils utiles. Ainsi, en dehors de toute procédure contentieuse, l'avocat au Cameroun informe ses clients sur leurs droits et leurs devoirs, renseigne sur les procédures susceptibles de résoudre le litige, expose les chances de succès d'une procédure judiciaire. Il a une obligation d'information de ses clients, tant sur l'opportunité de conduire un procès, que sur les risques encourus55(*). L'avocat aide à régler le conflit à l'amiable (par exemple, dans le cadre d'une transaction avec l'adversaire). Cependant, comme souligné au paragraphe précédent, plusieurs avocats au Cameroun font rarement recourt à cette solution. Ils s'empressent le plus souvent à engager des procédures judiciaires, l'idée préconçue étant de préserver leurs honoraires, alors que la rémunération n'est pas attachée qu'aux seules fonctions de défense. Toutefois, l'avocat ne doit pas à tous les prix rechercher un arrangement amiable, a mépris des intérêts de son client qui doivent seuls le guider. Aussi, lorsque la tentative de règlement à l'amiable du conflit n'aboutit pas, l'avocat ne peut alors qu'engager une procédure judiciaire, surtout lorsque celle-ci est subordonnée à des délais qui tendent à expirer. B - La protection assurée dans le cadre d'une procédure contentieuseDevant les tribunaux civils, l'avocat accomplit les actes nécessaires à la procédure et prépare des conclusions qui exposent les prétentions de son client en fait et en droit. Ces conclusions sont communiquées à l'adversaire, afin qu'il puisse y répondre, et réciproquement. A l'audience du tribunal civil ou pénal, il présente oralement la défense de son client, au cours des plaidoiries. La profession d'avocat est basée sur la loyauté qui le contraint à communiquer à son adversaire l'ensemble des pièces ou documents sur lesquels il fonde son conseil ou son argumentation. C'est l'obligation de confraternité qui est susceptible de sanctions. Ainsi, l'utilisation par un avocat d'une pièce non communiquée à son confrère est susceptible d'entraîner non seulement le rejet de cette pièce lors des débats, mais également une sanction prononcée par le Conseil de l'Ordre si cette non-communication a été délibérée. Ceci garantit un procès équitable et une négociation à armes égales. Il ne peut intervenir dans la même affaire pour plusieurs personnes, s'il existe entre elles un conflit d'intérêts56(*), ou, comme le précisent De Lamaze et Pujalte, « s'il existe un risque sérieux que survienne un tel conflit »57(*). Il le peut cependant, si les parties dont les intérêts sont conflictuels donnent préalablement et en connaissance de cause, leur accord58(*). Cet accord est possible par exemple pour permettre à l'avocat d'essayer de concilier les parties ou leur proposer une stratégie commune59(*). De manière générale, les procédures devant les tribunaux administratif, l civil et social ne posent véritablement pas de problème en ce que les libertés et notamment les libertés physiques n'y sont pas souvent en cause. Elles ne sont donc pas graves, rien n'égalant par ailleurs les libertés physiques. Cette étude s'intéresse à cet effet essentiellement à la procédure pénale à toutes les phases desquelles l'intervention de l'avocat est significative au Cameroun (1). Ce dernier n'hésite surtout pas à user des instruments protecteurs des droits de l'homme pour assurer la défense de ses clients (2). 1 - L'intervention significative de l'avocat à toutes les phases de la procédure pénale L'avocat est reconnu au Cameroun comme un « auxiliaire de justice » au sens plein. L'auxiliaire, c'est celui qui aide, qui apporte son concours, qui défend les seuls intérêts de son client, en toute liberté et toute indépendance, permettant ainsi la tenue de procès équitables dans lesquels toutes les parties sont également conseillées. L'avocat participe ainsi pleinement au processus judiciaire qui doit conduire, en principe, au rétablissement d'une situation plus harmonieuse à l'issue d'un procès qui répond au sentiment de justice exprimé par des citoyens. Il est question de l'intervention dans la phase policière et devant le Parquet (a), devant le Juge d'instruction (b) et devant la juridiction de jugement (c). a - L'action de l'avocat dans la phase policière et devant le Parquet Le problème du rôle de l'avocat et, partant, celui de son intervention dans la phase initiale de la procédure pénale, celle du rassemblement de preuves, a fait et fera encore couler beaucoup d'encre. En effet, le procès pénal est celui qui recherche à établir et o réaliser un compromis entre les intérêts qui sont les uns les autres infiniment respectables et pas toujours convergents : d'un côté il y a le respect des libertés individuelles et particulièrement celles de la personne soupçonnée, et de l'autre côté il y a le nécessaire souci de la protection des droits des victimes. La Représentante du Bâtonnier pour les provinces du Nord, de l'Extrême Nord et de l'Adamaoua, Maître Nana Patyswit Viviane constate que cette difficulté se concentre avec beaucoup d'acuité dans la phase de l'enquête préliminaire60(*). Sous l'égide du CIC, il a été habituellement considéré que l'avocat ne devait pas intervenir dans la phase policière de la procédure. Bien que le CIC n'interdise pas l'intervention de l'avocat à ce stade de la procédure, il ne l'autorisait pas expressément. A cause de cette lacune, l'avocat se voyait souvent repoussé à cette phase et s'entendait très souvent dire « Maître, allez attendre la procédure au Parquet. Il était traité « comme un brouilleur de cartes, un complice du suspect, ou comme celui qui prenait des libertés avec ses règles professionnelles »61(*). La conséquence est que de nombreuses violations des droits de l'homme par torture des suspects ont été perpétrées par les agents et officiers de police judiciaire. Ces violations n'étaient sanctionnées que lorsqu'elles étaient très évidentes, avaient entrainé au sens de la loi pénale, des blessures graves ou des morts d'hommes. C'est ainsi que les tribunaux dans quelques rares espèces, ont eu à prononcer des condamnations pour torture.62(*) La loi du 27 Juillet 2005 portant code de procédure pénale est venue mettre un terme à ce clair-obscur en consacrant le droit de la défense dans la phase policière notamment à travers ses articles 37, 116 et 12263(*). Désormais, l'avocat assiste le suspect, qu'il soit libre ou gardé à vue. Lorsqu'il est gardé à vu, l'avocat peut, aux termes de l'article 123 al. 3 lui rendre visite à souhait, sauf pendant les heures non ouvrables, ce qui ne se fait pas par exemple en France où les heures de visites sont limitées. Il s'agit d'un droit au réconfort par l'avocat reconnu par la loi, et que l'avocat au Cameroun n'hésite pas à apporter à son client depuis le 1er Janvier 2007, date d'entrée en vigueur du code de procédure pénale. Allant dans le sens des « règles minima », ce droit permet de « diminuer le stress et l'émoi du suspect en lui assurant de préserver l'équilibre psychosomatique. »64(*) A ce stade de la procédure, l'avocat est là non seulement pour assurer la défense des intérêts de son client, mais aussi ceux de la société en s'assurant du respect des règles de procédure. A cet effet, il doit être considéré comme la sentinelle du respect des droits de la défense. Il a par exemple la possibilité à la fin de la garde à vue, de requérir pour le compte de son client, un examen médical. Mais, dans la pratique, il recourt peu à cette mesure du fait de la modicité des moyens des personnes souvent gardées à vue. Comme le relève bien Eteme Eteme S.P., il accomplit aussi souvent d'autres diligences qui participent à la sauvegarde des intérêts du suspect, par exemple en saisissant le procureur « des cas de violations des droits du suspect, l'alerter des risques d'atteintes irrémédiables en cas de torture... »65(*) Il se pose la question de savoir si la présence de l'avocat doit être active ou passive, le réduisant à un simple observateur de la régularité de la procédure. Certains y voient un rôle passif, notamment le corps de la police judiciaire et celui des magistrats. Mais, parce que l'avocat a la possibilité de s'entretenir avec son client au besoin devant la police judiciaire, parce qu'il doit veiller au respect des droits de la défense et qu'il est à cet effet témoin de la régularité et de la correction des actes et du déroulement de la procédure, on peut dire que l'assistance du suspect par l'avocat est une présence active. Dans le code de procédure pénale, il est d'ailleurs à l'analyse, « moins question de sa présence que de son assistance »66(*) En tout état de cause, l'effectivité de la présence de l'avocat à l'enquête préliminaire avec son vécu quotidien auréole davantage l'avocat de la lumière de défenseur des droits de l'homme qu'il est par essence. Au niveau du Parquet, l'intervention de l'avocat n'est pas contestée. Il y est présent tous les jours pour assister les personnes déférées. L'importance de cette intervention a été modifiée depuis le 1er Janvier 2007, une partie des missions qui naguère étaient dévolues au magistrat instructeur ayant été confiée au juge d'instruction rétabli devant les juridictions de l'ordre judiciaire.67(*) b - L'action de l'avocat auprès du Juge d'instruction L'avocat bénéficie d'un certain nombre de droits qui garantissent que ce dernier pourra assurer pleinement la défense des intérêts des personnes poursuivies. Il dispose notamment d'un droit absolu à avoir accès à tout dossier donnant lieu à une procédure judiciaire, pénale, administrative ou disciplinaire et concernant son client, pour assurer pleinement sa défense. Ce droit d'accès au dossier garantit à son client un procès équitable, le respect absolu des droits de la défense et celui des dispositions des conventions des droits de l'homme. L'information judiciaire est secrète.68(*) L'avocat constitué a le droit d'assister son client chaque fois que celui-ci comparait devant le juge d'instruction. Ce dernier a l'obligation d'aviser l'avocat 48 heures avant la comparution et de tenir à sa disposition le dossier de procédure 24 heures avant l'interrogatoire ou la confrontation.69(*) Le même droit est reconnu à l'avocat de la victime70(*). L'avocat est le seul à avoir un accès complet et permanent au dossier, lequel contient la totalité des déclarations transcrites par les enquêteurs, des auditions et interrogatoires effectués par le juge d'instruction ainsi que la totalité des constatations matérielles et des expertises techniques. L'avocat suit le déroulement de l'instruction. Il lui arrive de solliciter par écrit l'accomplissement d'actes de la procédure : interrogatoire du prévenu, audition d'un témoin, confrontation, transport sur les lieux, production d'une pièce utile à l'information, complément d'expertise ou contre-expertise71(*). Il vérifie les conditions de détention et la régularité de la procédure et doit soulever toutes nullités de l'information susceptibles de conduire à l'annulation de tout ou partie de la procédure. L'avocat s'entretient du dossier avec le prévenu, afin d'en réduire les zones d'ombre, les incohérences et élaborer une stratégie. Il assiste son client devant le juge d'instruction, le prépare aux interrogatoires en lui rappelant le contenu de ses déclarations à la police et en lui indiquant que s'il peut changer le contenu de ses déclarations, il devra expliquer et justifier les raisons des contradictions ou modifications contenues dans ses nouvelles déclarations. Les avocats des parties peuvent poser directement des questions aux personnes entendues en leur présence, et aussi présenter des observations. Une préparation effective des interrogatoires (élaboration de questions à l'aide des pièces du dossier) pourra favoriser le débat contradictoire. L'avocat est enfin en relation avec le juge d'instruction dans les affaires pour lesquelles une information est ouverte : il peut s'entretenir avec lui du dossier et l'informer d'une demande de mise en liberté. Parlant de demande de liberté, lorsque le juge d'instruction a décidé de placer en détention la personne poursuivie, il n'est pas souvent évident pour l'avocat d'inverser cette position. A ce sujet, la réflexion menée par Jean-Louis Pelletier est assez illustrative au Cameroun. En effet, il disait : « [...] Les avocats n'ont pas la prétention de croire que c'est la magie de leur verbe qui va renverser la vapeur. On n'arrive pas à 10% d'inversion de tendance. Il faut des prodiges, et surtout avoir des conditions exceptionnelles : d'abord un délit - ne parlons pas d'un crime - de faible gravité, un client avec un parcours rectiligne, toutes les garanties de représentation, etc. A l'inverse, les juges, eux, n'ont pas beaucoup à se fatiguer : ils cochent quelques cases d'un imprimé pour motiver une mise en détention. »72(*) Ceci signifie que chaque fois que la personne poursuivie est déférée devant le juge d'instruction, et que celui-ci décide de le placer en détention préventive, toutes les plaidoiries de l'avocat ne suffiront pas pour lui faire changer d'avis. Ainsi, il faudra présenter au juge d'instruction des garanties suffisantes de représentation en justice de la personne à mettre en liberté. Lorsque les garanties de représentations sont assez consistantes, les avocats obtiennent néanmoins des mises en liberté. Il faut cependant noter que la suffisance de ces garanties est subjective et relève de l'appréciation souveraine du juge d'instruction, ce qui rend encore moins évident le succès de l'avocat. Les justiciables n'ont pas souvent de moyens pour constituer avocat dans la phase préparatoire, et l'assistance judiciaire n'est pas accordée à ce stade. L'action de l'avocat n'est plus alors efficiente que dans la phase de jugement. c - L'action de l'avocat devant la juridiction de jugement On appelle avocat de la défense l'avocat qui représente une personne accusée d'une infraction. « Son rôle consiste à s'assurer que les droits de l'accusé sont protégés du début à la fin des procédures »73(*). Au cours du procès, celui-ci prépare son client, invoque des exceptions, discute les éléments de preuve, propose des qualifications et plaide pour son client. L'avocat prépare son client à l'audience, réunit les pièces utiles, fait citer, si nécessaire, des témoins à décharge. Il assiste son client à l'audience. Il peut comme le Parquet, intervenir directement, sans passer par le président, pour poser des questions aux témoins, experts et parties. L'avocat utilise les droits de la défense, qui rassemblent un certain nombre de principes destinés à garantir la tenue d'un procès équitable. L'étendue de ces droits de la défense n'est pas fixe. Les atteintes au droit de la défense sont sanctionnées par la nullité des actes de procédure et des décisions judiciaires74(*). Outre l'aspect défense des intérêts du prévenu, l'avocat intervient au stade de l'instruction et de l'audience pénale comme un véritable contrôleur du respect des règles procédurales et des droits fondamentaux, même si ce contrôle peut paraître subjectif, car lié aux intérêts de son seul client. L'ensemble des actes de l'information étant soumis à des formes prescrites par le Code de procédure pénale, il appartient à l'avocat de s'assurer de leur régularité. Il lui appartient donc de soulever tout irrespect de ces normes en les invoquant à bon propos et de contribuer ainsi au respect du droit et au bon déroulement du procès pénal. Il incombe également à l'avocat de porter à la connaissance du tribunal certains éléments de fait non détaillés par les organes de poursuites qui peuvent avoir une influence sur l'appréhension de la personnalité du prévenu, individu au centre du procès75(*). Une personne accusée d'une infraction criminelle est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle plaide coupable, ou jusqu'à ce qu'elle soit déclarée coupable par un tribunal76(*). Le poursuivant doit prouver que l'accusé est coupable. Ce dernier n'a pas à démontrer son innocence, et il a le droit d'être informé des faits retenus contre lui. Dans tout procès criminel, le poursuivant doit alors prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis une infraction criminelle. Pour déclarer l'accusé coupable, le juge doit croire que la seule explication raisonnable, compte tenu de l'ensemble de la preuve, est que l'accusé a commis le crime. La mission de l'avocat de la défense est alors ici très importante. Il conteste les éléments de preuve présentés par la poursuite, en examine l'importance ou la pertinence et recherche les autres interprétations possibles77(*). Il le fait dans les limites de la loi et conformément aux règles de la déontologie pour prouver l'innocence ou d'atténuer la responsabilité de son client. Qu'il s'agisse de prouver l'innocence ou d'atténuer la responsabilité, la démonstration doit reposer sur une connaissance exhaustive du dossier, tenir compte du point de vue de l'accusation, être cohérent avec les faits et s'appuyer sur des éléments matériels. La loi du 27 Juillet 2005 autorise les avocats camerounais à pratiquer un contre-interrogatoire direct de l'accusé, de la partie civile et de tous les témoins durant l'audience d'un procès pénal. C'est une possibilité révolutionnaire qui permet de confronter plusieurs vérités pour faire émerger peut être « la » vérité. Le contre-interrogatoire ou cross examination est pratiqué depuis toujours dans de nombreux pays et notamment en Amérique, Italie, Espagne, Angleterre etc. Au Cameroun, il était déjà pratiqué dans la zone anglophone avant d'être généralisé. C'est aujourd'hui la principale arme de tous les avocats camerounais à l'audience pénale. C'est un nouveau style efficace et pragmatique. L'archaïsme du système régi par le CIC et surtout son imprécision, favorisait en effet toutes les dérives judiciaires et maintenait l'avocat dans une position d'impuissance. Sans jamais avoir assisté aux interrogatoires policiers, et parfois à l'information judiciaire, il devait se contenter de jouer le rôle d'un sapeur pompier intervenant à la dernière heure, presque sans armes, face à des autorités inattaquables, notamment des magistrats solidaires. Au bout du compte il ne restait rien de très satisfaisant à l'avocat pour défendre son client hormis une connaissance pointilleuse de la procédure. Quant au Procureur de la République qui pouvait intervenir à tous les niveaux de cette procédure pénale, le système le satisfaisait pleinement. Face à la faiblesse des pouvoirs de l'avocat, il pouvait se contenter d'être présent à l'audience et requérir une application ferme de la loi, sans même maîtriser le dossier. Par la généralisation de la cross examination, la parole est donnée à l'avocat pour avancer vers la vérité. Une façon de détrôner peu à peu et avec habileté et compétence, l'insupportable intime conviction qui continue de prévaloir sur les faits et les preuves, pour laisser la place au « doute raisonnable », plus respectueux de la présomption d'innocence réaffirmée par le CPP78(*). A l'audience, l'avocat propose une qualification pénale adéquate des faits à la base du procès, ce rôle étant partagé avec les organes de poursuite, chargés primairement de cette tâche79(*). L'avocat a donc la charge d'assurer un équilibre dans l'interprétation juridique qui est faite des éléments du dossier répressif et d'apporter à la juridiction le fruit de ses recherches scientifiques, comprenant les dernières évolutions de la jurisprudence nationale et internationale ou les derniers apports de la doctrine. Classiquement, l'avocat assiste son client lorsqu'il le conseille, ou parle en son nom à l'audience. « Lorsque le client comparait personnellement à l'audience, l'avocat n'agit qu'en tant que défenseur, il plaide mais n'engage pas de ce fait son client »80(*). Les deux rôles d'assistance et de représentation de l'avocat se complètent, le mandat de représentation emportant mission d'assistance. L'avocat camerounais reçoit toujours le mandat de représentation. Le justiciable ne sait en effet pas distinguer entre les deux rôles. Ainsi l'avocat plaide pour son client et l'informe des délais de recours. Ses plaidoiries visent à voir déclarer l'innocence de son client ou atténuer la peine qui peut lui être infligée. A cet effet, comme le souligne Angoni L., « l'éloquence, la maîtrise des textes de droit, de la personnalité de son client et la psychologie des juges seront ses outils pour obtenir, voire imposer des circonstances atténuantes pour son client. »81(*) Mais, après les plaidoiries, le rôle de l'avocat ne cesse pas pour autant. Il conseille encore son client sur l'opportunité d'exercer les voies de recours, explique au condamné les conséquences de la décision et de son exécution. Interlocuteur privilégié du justiciable, l'avocat humanise quelque peu le système judiciaire en répondant aux questionnements du condamné, en lui fournissant les informations nécessaires à sa situation ou en lui apportant un soutien régulier... Il faut toutefois pour cela que l'avocat ait bien compris le sens de la décision et les raisons ayant guidé la juridiction qui l'a rendue. 2 - Les moyens de protection utilisés par l'avocat L'avocat emploi souvent la procédure de libération immédiate (a). Il lui arrive aussi d'invoquer les instruments internationaux de protection (b). a - L'usage de la procédure de libération immédiate : l'habeas corpus « La procédure d'habeas corpus constitue une garantie procédurale destinée à limiter les atteintes abusives à la liberté. »82(*) Cette procédure qui a été étendue des provinces anglophones à tout le territoire national par l'ordonnance n°72/4 du 26 Août 1972,83(*) permet à toute personne détenue ou à toute personne agissant en son nom, de saisir le TGI d'une requête en libération immédiate, lorsque la détention est fondée sur un cas d'illégalité formelle ou est dépourvue de titre84(*), ou encore en cas d'inobservation des formalités prescrites par la loi85(*). Jusqu'au 1er Janvier 2007, pour obtenir la libération immédiate, il fallait saisir le TGI d'une requête et celui-ci se prononçait par jugement en audience publique. La procédure de libération immédiate était très rarement utilisée par les avocats, car les requêtes étaient inscrites au rôle des audiences ordinaires et il n'était pas évident d'obtenir un jugement en un laps de temps. Les avocats, pour la plupart, préféraient alors faire des diligences pour que la cause de leur client soit rapidement déférée au Parquet (cas de détention dans une unité de police judiciaire) ou instruite par la magistrat instructeur (cas de détention dans une prison ordonnée par le procureur de la République ou le juge d'instruction), et enfin enrôlée à l'audience y être jugée. Pour les cas de détention illégale dont l'affaire au fond était déjà pendante devant le juge, celui-ci pouvait, par une décision avant-dire-droit, se prononcer sur la requête en libération immédiate. Il faut cependant noter que certains avocats ignoraient l'existence de cette procédure. Depuis le 1er Janvier 2007 l'entrée en vigueur du CPP avec la publicité et les « séminaires d'appropriation » qui l'ont précédée, l'habeas corpus a un nouveau visage, et les avocats n'hésitent pas à s'en servir. Désormais, la procédure relève de la compétence du président du TGI, qui peut la déléguer à un magistrat du siège86(*). Le législateur a ici senti la nécessité de célérité pour les causes aussi graves que les atteintes à la liberté. Il était donc devenu impérieux de retirer du Tribunal la compétence en matière d'habeas corpus pour la confier à son président qui d'ordinaire statue sommairement. En effet, lorsque le juge statue sommairement, il statue en urgence et la procédure n'est pas éloignée de celle de référé. Ainsi, il a été institué des audiences spéciales pour la procédure d'habeas corpus qui se tiennent en moyenne une fois par semaine dans les juridictions importantes. Pour le cas de la ville de Yaoundé, il se tient deux audiences par semaines, ce qui témoigne de la volonté de juger rapidement les affaires en libération immédiate. Entre le 1er Février 2007 (date de la première décision rendue en application du CPP) et le 08 Avril 2010, au total 164 décisions ont été rendues par le Président du TGI du Mfoundi à Yaoundé statuant en matière d'habeas corpus87(*). Ceci témoigne de l'engouement des avocats pour cette procédure qui mettent leur expérience et leur professionnalisme en oeuvre pour préparer des requêtes qui aboutissent pour la plupart aux ordonnances de libération immédiate. Des décisions rendues à Yaoundé, on compte 53 décisions de libérations ordonnées, contre 111 de rejets dont 26 rejets pour demande devenue sans objet (détenu libéré avant intervention de la décision), et 04 cas de régularisation avant la décision sur la requête de libération immédiate88(*). « Le défaut de titre concerne les cas où un individu est détenu arbitrairement sans aucun titre. L'illégalité formelle concerne l'hypothèse où la détention n'est prévue par aucun texte ou résulte d'une mauvaise interprétation d'un texte ou encore a été décidée à l'occasion d'une procédure irrégulière »89(*), ou enfin le mandat l'autorisant n'a pas été renouvelé ou a expiré90(*). Il s'est posé la question de savoir si le détenu dont la libération immédiate a été prononcée pouvait au sortir de l'audience retourner chez lui. Cette solution n'est pas retenue pour des raisons administratives (levée du mandat d'écrou). De plus, il peut être l'objet d'un autre mandat. C'est ce qui a conduit à subordonner la libération immédiate au défaut de détention pour autre cause91(*). Lorsque le détenu est libéré avant l'intervention de la décision, sa demande devient sans objet92(*). Une autre question qui se pose est celle de savoir si le titre de détention peut être décerné ou régularisé en cours de procédure. Dans une espèce, les conseils de Monsieur Abah Abah Polycarpe ont saisi le Président du TGI de Yaoundé d'une demande de libération immédiate. Ils évoquaient entre autres l'arrestation illégale et la garde à vue abusive. Le procureur de la République a soutenu que Monsieur Abah Abah n'était plus en garde à vue et qu'il était sous mandat de détention pour détournement de deniers publics et complicité. Monsieur Abah Abah a été débouté de sa demande93(*). Dans une autre espèce pendante devant le juge d'instruction du TPI de Yaoundé centre administratif, le conseil du détenu dont le mandat de détention avait expiré, avait engagé une procédure d'habeas corpus. En cours de procédure, le juge d'instruction lui a notifié la prorogation de son mandat, et le président du TGI, évoquant les lenteurs administratives, a rejeté sa demande94(*). La jurisprudence semble ainsi hésiter à faire jouer l'habeas corpus après la régularisation de la détention. Cette hésitation et l'évocation des lenteurs administratives sont de nature à décourager les personnes qui voudraient initier des requêtes en libération immédiate. Mais les avocats sont déterminés à très souvent utiliser cette procédure, vu les rôles des audiences d'habeas corpus. Au demeurant, le mérite de cette procédure est sinon d'obtenir la libération immédiate, du moins de susciter la régularisation de la procédure et la diligent du juge d'instruction. b - L'invocation des instruments internationaux de protection Les avocats invoquent souvent devant les juridictions nationales, les instruments internationaux protecteurs des droits de l'homme. Celles qui sont le plus souvent citées sont les conventions contre la torture95(*), sur l'élimination des discriminations à l'égard des femmes96(*) et la convention internationale des droits de l'enfant97(*). Les avocats commencent aussi à recourir aux instances internationales pour voir régler les cas de violation des droits de l'homme après épuisement des recours internes. Le cas le plus récent est celui de Monsieur ENGO Pierre Désiré dont le Comité des droits de l'homme a été saisi. Dans cette espèce, le Comité a à travers ses délibérations, constaté que les faits qui lui ont été présentés font apparaître une violation des paragraphes 2 et 3, de l'article 9, du paragraphe 1, de l'article 10, et des paragraphes 2 et 3 (a), (b), (c) et (d) de l'article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité a demandé à l'Etat du Cameroun de fournir à Monsieur ENGO « un recours utile, résultant dans sa libération immédiate et l'apport de soins ophtalmologiques appropriés ». Le Comité a en outre demandé à l'Etat du Cameroun de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir, et a souhaité recevoir du Cameroun, dans un délai de 180 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations98(*). A la suite de l'impulsion donnée par le Comité dans ces délibérations, plusieurs avocats camerounais seront tentés d'introduire des recours devant le Comité pour voir ce dernier constater les violations commises, et demander à l'Etat d'assurer un recours utile et exécutoire. Ainsi, l'avocat exerce avec zèle lorsqu'il est conventionnellement constitué et surtout rémunéré. En est-il de même dans le cadre de la constitution non conventionnelle ? * 55 http ://www.justice.gc.ca/fra/pi/cpcv-pcvi/guide/secl.html, (consulté le 09 février 2009). * 56 Art. 64 et suivants du règlement intérieur du Barreau, op. cit. * 57 E. De Lamaze et C. Pujalte, op. cit, p. 30. * 58 Idem. * 59 Ibid. * 60 NANA PATYSWIT Viviane, une éclaircie dans le ciel de l'exercice professionnel, in le bulletin du Bâtonnier, 2006, p 42. * 61 Idem. * 62 TGI Mfoundi, Jgt n°176/CRI M du 05 Juin 1998, aff. MP & Nkuissi Alexandre c/ Eroume à Ngon, Mvoutti alexandre et Moutassie Bienvenue ; dans le même sens, jgt n°195/CRIM du 26 Juin 1998, aff. MP & Maah Hubert c/ Bama Jacques, et Nsom Bekoungou Joseph, inédits. * 63 Article 37: « Toute personne arrêtée bénéficie de toutes les facilites raisonnables en vue d'entrer en contact avec sa famille, de constituer un conseil, de recherché les moyens pour assurer sa défense... » Article 116 : « ...(3) L'Officier de police judiciaire est tenu, dès ouverture de l'enquête préliminaire et, a peine de nullité, d'informer le suspect : - de son droit de se faire assister d'un conseil ; - de son droit de garder le silence ... » Article 122 : « ... (3) La personne gardée a vue peut, a tout moment, recevoir aux heures ouvrables la visite de son Avocat et celle d'un membre de sa famille, ou de toute autre personne pouvant suivre son traitement durant la garde a vue. (5) Tout manquement, violation ou entrave à l'application des dispositions du présent article expose son auteur a des poursuites judiciaires sans préjudice, le cas échéant, des sanctions disciplinaires... ». * 64 Eteme Eteme Simon Pierre, op cit, p 19. * 65 Idem, p 43. * 66 Ibid. * 67 Les ordonnances de 1972 avaient supprimé les fonctions du juge d'instruction devant les juridictions de l'ordre judiciaire pour les confier au procureur de la République qui devenait ainsi magistrat instructeur, cumulant les fonctions de poursuite et d'instruction. Le juge d'instruction était maintenu devant le tribunal militaire. Le code de procédure pénale est venu rétablir les fonctions de juge d'instruction devant les juridictions de l'ordre judiciaire. Désormais, le procureur de la République ne remplit que les fonctions de poursuite. Ainsi, tous les cas qui nécessitent l'ouverture d'une information judiciaire (affaires concernant les mineurs et dans lesquelles il n'y a pas de coauteur majeur, affaires qui ne peuvent pas être diligentées par la procédure de flagrance ou qui ne peuvent pas faire l'objet de citation directe du parquet), doivent être déférées devant le juge d'instruction). * 68 Art. 154 du CPP. * 69 Art. 172 du CPP. * 70 Art. 173 du CPP. * 71 Art. 203 du CPP. * 72 Maître Jean-Louis Pelletier, « Présumé coupable », Dedans dehors, n°11, janvier 1999 article in http://prisons.free.fr/avocat.htm, (consulté le 20 Octobre 2009). * 73 http://justice .gc.ca/fra/pi/cpcv-pcvi/guide/sec1.html (consulté le 03 novembre 2009). * 74 Le régime des nullités est prévu aux articles 3 (nullité absolue), 4 (nullité relative) et 5 (sort des actes annulés) du CPP. * 75 http://justice .gc.ca/fra/pi/cpcv-pcvi/guide/sec1.html (consulté le 03 novembre 2009). * 76 Voir dans ce sens, l'article 14 paragraphe 2 du PIDCP. * 77 Idem. * 78 Art. 8 du CPP. * 79 http://www.ccbe.org/fileadmin/user_upload/NTCdocument/Bordeaux_09_finalise2_1251451232.doc(consulté le 07/06/09). * 80 Me Hubert Bazin, le rôle de l'avocat dans la procédure judiciaire, publié in http://www.ambafrance-cn.org/Le-role-de-l-avocat-dans-le-systeme-judiciaire-En-France.html?lang=fr (consulté le 29 janvier 2009). * 81 Angoni L., op. cit., p. 20. * 82 A. Minkoa She, op. cit.pp. 164-171. * 83 Ordonnance n°72/4 du 26 Août 1972 portant organisation judiciaire. * 84 Idem, article 16. * 85 Art. 584 du CPP. * 86 Idem. * 87 Cf plumitif des audiences d'habeas corpus du TGI du Mfoundi. * 88 Idem. * 89 A. Minkoa She, op. cit., p. 172. * 90 Art. 221 du CPP. * 91 TGI Dla, ord. du 26 Janvier 2010, aff Hendou E. c/MP ; TGI Ydé, ord. n°16/HC du 19 avril 2007, aff Beyala c/MP, inédits. * 92 TGI Ydé, ord. n°13/HC du 05 avril 2007, aff Tchoula Djumbon c/MP, inédit * 93 TGI Ydé, ord. n°10/HC du 08 mai 2008, aff Abah Abah Polycarpe c/MP, inédit. * 94 TGI Ydé, ord. n° /HC, aff Bahonla c/MP, inédit. * 95 La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'assemblée générale dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984, puis entrée en vigueur: le 26 juin 1987, conformément aux dispositions de l'article 27. * 96 La convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été adoptée le 18 décembre 1979 par l'assemblée générale des Nations Unies. * 97 La convention internationale des droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 par l'assemblée générale de l'ONU. * 98 Délibérations du Comité des droits de l'homme dans les constatations établies à propos de la Communication 1397/2005 (Pierre Désiré Engo Contre Etat du Cameroun) du 17 août 2009. |
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