B. La licéité des conventions sur la
preuve.
751. Comme l'affirme Florence MAS, « les
conventions sur la preuve sont des accords express ou tacites ayant pour objet
de modifier les regles légales normalement applicables pour
établir la preuve judiciaire des actes
juridiques781 ». La convention sur la preuve est
valable admise aujourd'hui en matière de transactions
électroniques. En ce sens, elles sont d'ailleurs largement
utilisées dans le cadre du paiement électronique par carte
bancaire.
1. La consecration de la convention sur la preuve en
matiere de transactions electroniques.
752. En dé pit du débat doctrinal qui a un
temps porté sur la licéité des conventions sur la
preuve782, il est aujourd'hui clairement affirmé que les
exigences de preuve littérale posées par l'article 1341 du code
civil ne sont pas d'ordre public et ne valent qu'autant que les parties ne s'en
sont pas dis pensées par une convention sur la preuve783.
Ces
781 Florence MAS, op cit, n° 176, p 270.
782 Ibid.
783 Sur ce point, Cass civ 3e, 16 novembre
1977, Bull civ III, n°393, note J Car bonnier.
conventions sur la preuve peuvent porter sur des objets varies
comme par exem ple la recevabilite de tout moyen de preuve que l'ecrit,
l'etablissement de la realite du consentement784, l'attribution
d'une force probante particuliere a tout message de donnees (comme c'est le cas
en matiere d'EDI)
753. De ce fait, les conventions etablies entre les parties
s'im pose au juge qui est tenu de s'y conformer. Dans les transactions
electroniques, la consecration de la validite des conventions sur la preuve a
ete reaffirmee notamment par le code civil a travers l'article 1316-2 qui regle
les conflits de preuve litterale « a defaut de convention
valable entre les parties*
754. Pour sa part, la jurisprudence a de puis longtem ps
reconnue la validite des conventions sur la preuve derogeant aux regles su
ppletives contenues dans le code civil. Ainsi, par deux arrets rendus le 08
novembre 1989, la premiere chambre civile de la Cour de Cassation a admis que
pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions
relatives a la preuve sont licites785.
755. Toutefois, si la possibilite de passer des conventions
sur la preuve dans les transactions electroniques ne fait plus de doute, il est
necessaire de s'interroger sur les consequences juridiques qui pourraient
resulter d'une ambiguite ou d'une imprecision contenue dans une convention sur
la preuve. En effet, la convention doit etre conclue entre les parties
conformement aux dispositions generales existantes en matiere de contrat et
contenues dans l'article 1108 du code civil. Ce qui, d'une certaine facon,
donne au juge le pouvoir d'a pprecier de la validite de la convention qui lui
est soumise pour s'assurer de sa liceite, et donc, la liberte des parties en la
matiere.
756. Dans ce cas, lorsqu'une convention est claire, le juge
doit l'a ppliquer afin de ne pas la denaturer, mais en cas d'ambiguite, il peut
faire usage des prerogatives d'inter pretation et de requalification prevues
aux articles 1156 et suivants du Code civil. Des lors, cette interpretation ou
requalification devient une source d'incertitude et de lenteur, que precisement
la convention de preuve avait pour objet d'eviter. D'autant plus que la princi
pale difficulte dans le cadre d'un reseau ouvert reside essentiellement dans
l'a pplication de la convention dans toute utilisation d'un systeme de paiement
en ligne.
2. L'application de la convention sur la preuve dans le
paiement électronique.
784 Dans certains sites internet en direction du grand public,
des conventions de la preuve établissent la réalité du
consentement du consommateur lorsque celui-ci clique sur le «
j'accepte » figurant sur la page écran et parfois
doublé d'une procédure d'identification.
785 En ce sens, voir Cass civ, 1ere, 8
novembre 1989, Bull civ, I, n° 342 ; D 1990, p 369, note Gavalda.
757. En matiere de paiement en ligne, l'utilite de la
convention sur la preuve reside essentiellement dans la possibilite de donner
une valeur probante a un document informatique ou de reconnaltre la validite
d'une signature electronique. L'a pplication de la convention sur la preuve se
pose notamment dans le cadre de l'utilisation d'une carte bancaire puisque
l'utilisateur du moyen de paiement n'a aucune idee de son engagement et de ses
possibilites de contestations.
758. Ainsi, en ce qui concerne le paiement realise sur
internet par l'intermediaire d'une carte de paiement, tout fonctionne sur une
convention de preuve regissant les ra pports entre le titulaire de la carte et
son etablissement bancaire. Cette convention se materialise a travers le
contrat porteur de carte bancaire qui stipule que les enregistrements des a
ppareils automatiques ou leur reproduction sur un support informatique
constituent la preuve des operations effectuees au moyen de la carte et,
partant, la justification de leur imputation au com pte sur lequel cette carte
fonctionne. Cette convention coupe court a toute discussion sur la fiabilite
des systemes et etablit une presom ption en considerant que les enregistrements
informatiques feront foi des operations qu'ils constatent et constituent pour
l'etablissement financier emetteur la preuve des operations effectuees au moyen
de la carte et la justification de leur imputation au com pte du titulaire de
la carte.
759. En signant le formulaire 4x carte bancaire » et en
utilisant cette carte, le titulaire renonce im plicitement mais necessairement
au systeme de preuve legale de l'article 1341 du code civil786. Il
acce pte par avance comme preuve ecrite decisive la bande journal sur laquelle
seront enregistrees electroniquement toutes les donnees concernant des
operations qu'il pourra effectuer a l'aide de sa carte bancaire.
760. Toutefois, si cette solution peut connaltre la desa
pprobation de certains auteurs787, elle reste neanmoins conditionnee
a la fiabilite du systeme dans la mesure ou les operations peuvent etre
contestees. L'emetteur de la carte etant res ponsable des pertes directes
encourues par le titulaire de la carte dues au mauvais fonctionnement du
systeme sur lequel il a un controle direct.
761. Dans cette perspective, une decision de la 8e
chambre de la Cour d'A ppel de Paris du 1er decembre
1980788 est interessante dans la mesure ou elle pose la res
ponsabilite de
786 En ce sens, voir C.A Paris, 8 juin 1999, D, 2000,
Somm. 337, obs Thullier.
787 En ce sens, voir P. Leclerq, Travaux de l'AFDI,
éd° des Parques, 1987, débats p, 156.
788 C. A Paris, 1er décembre 1980, D
1981, 369, note Gavalda.
l'émetteur de la carte, indé pendamment de toute
disfonctionnement du systeme. Dans cette affaire, un titulaire d'une carte
s'était fait voler sa serviette com prenant notamment ladite carte et de
nombreux prélèvements avaient été
réalisés avec utilisation du code confidentiel de la carte. Au
banquier qui soutenait que l'utilisation de la carte et de son code
confidentiel excluait sa res ponsabilité, la Cour a ré pondu en
faveur du titulaire de la carte en précisant que la défaillance
du distributeur automatique ne devait pas être exclue des débats
et que l'a ppareil avait peut être fonctionné sur l'introduction
de la seule carte sans aide de code confidentiel ou encore avec un code
fantaisiste. Ce pendant, dans une autre décision de 1985, la Cour d'A
ppel de Paris était revenu sur cette décision, pour le moins
originale, en suivant en cela une décision de la Cour d'A ppel de
Pau789 qui a considérée que l'hypothese selon laquelle
« un voleur particulièrement doué en électronique et
en informatique, ou particulièrement chanceux, aurait pu décry
pter le numéro confidentiel ou le trouver par hasard(...) releve de la
seule s péculation intellectuelle ».
762. Il est probable qu'a ppliqué a internet, l'a
ppréciation de la Cour d'A ppel eut été différente.
Les juges devant tenir com pte pour a pprécier la fiabilité d'un
systeme de paiement, des possibilités d'atteintes a ce systeme dans le
cadre du réseau internet et de la protection utilisée par l'outil
de paiement.
789 Voir CA Pau, 17 octobre 1984, D. 1985, I.R,
343.
CONCLUSION CHAPITRE DEUXIEME
763. Le commerce électronique se dévelo ppe et
est a ppelé a s'intensifier dans l'avenir puisqu'il existe de plus en
plus de moyens techniques permettant de sécuriser les transactions.
Toutefois, dans le cas du Cameroun, a l'absence des
infrastructures techniques se double une absence du cadre juridique qui devrait
réglementer les o pérations
dématérialisées.
Il serait donc bénéfique de mettre en place tres
ra pidement un cadre juridique du commerce électronique et surtout
d'engager une profonde restructuration du systeme d'adressage public. Cela
permettrait par exem ple d'acheter en ligne avec l'assurance de se faire livrer
a domicile (sans risque perte ou de détournement). Le dévelo
ppement de l'économie national passera sans doute par la promotion du
commerce électronique.
.En realite, pour que les hommes se reconnaissent
et se garantissent mutuellement des droits, il faut d'abord qu'ils s'aiment,
que, pour une raison quelconque, ils tiennent les uns aux autres et a une meme
societe dont ils fassent partie »
Emile DURKHEIM, De la division du travail social (1893), Livre
1, page 114
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