Paragraphe deuxième : un commerce soumis à
l'exigence de preuve.
772 Article 15 de la loi
773 Article 1369 - 5, alinéa 2 du code civil
774 C'est cette option qui est fréquemment
utilisée dans la pratique.
743. Le droit de la preuve organise l'etablissement d'un fait
ou d'un ensemble d'informations qui garde la trace d'un evenement. La ra pidite
des transactions en ligne fait craindre pour la securite juridique. Or, la
caracteristique princi pale de la preuve est qu'elle permet d'offrir cette
securite juridique, on peut alors craindre que celle-ci ne soit
menacee775.
Avec la dematerialisation des operations, la question est de
savoir si l'on peut se menager des preuves qui garantissent la securite de la
transaction, dans la mesure oit « la rapidite des operations
commande que l'on ne s'encombre pas de formes trop
lourdes776 >>. C'est toute la question de la
liberte de preuve dans le commerce electronique qui se pose.
744. De la même fagon, pour em porter la conviction du
juge, la preuve doit re pondre : certaines exigences posees par la loi. Dans le
même temps, il est de plus en plus admis que les parties s'amenagent des
moyens de preuve a travers une convention de preuve.
A. Le régime de liberté de la preuve
à l'égard du commerçant.
745. La regle posee par l'article L 110 -3 du code de
commerce frangais stipule qu'à l'egard des commergants, les actes de
commerce peuvent se prouver par tous moyens : moins qu'il n'en soit autrement
dispose par la loi777. C'est une liberte de preuve constamment
affirmee par la juris prudence778 qui regie les relations entre
commergants ou entre commergant et consommateur a l'egard du commergant mais
qui ne s'a pplique pas a des actes de commerce isoles (comme le commerce C to
C). Cette regle a une portee generale pour le consommateur. Ainsi, les actes de
commerce ne sont pas soumis a la formalite du double original de l'article 1325
du Code civil prevoyant que les actes sous seing prive ne sont valables
qu'autant ils ont ete faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un
interêt distinct. Ils ne sont pas non plus soumis a la formalite de
l'article 1326 du code civil qui impose la regle des preuves ecrites portant
sur des sommes d'argent. Ainsi, comme l'affirme Alain BENSOUSSAN,
« l'écrit, même sous forme
775 Pierre BREESE, op cit, p 299
776 Jean-Bernard BLAISE, « Droit des
affaires-commerçant, concurrence, distribution »,
3e éd, LGDJ, Paris, 2002, n° 242, p 136.
777 A titre de comparaison, l'article 208 de
l'OHADA relatif au droit commercial général applicable au
Cameroun dispose pour sa part que « le contrat de vente commerciale
peut être écrit ou verbal ; il n'est soumis à aucune
condition de forme. En l'absence d'un écrit, il peut être
prouvé par tous moyens, y compris par témoin ».
778 Voir, Cass com, 21 juin 1994, Bull IV, n°
232, BRD A 1994/14.9.
papier, n'a donc pas une force probante
privilegiee, tous les moyens de preuve pouvant etre retenus par le
juge779 ».
746. Cette grande facilite dans la production de la preuve a
l'encontre du commergant s'ex plique par des considerations pratiques liees a
son statut de professionnel et se congoit aisement com pte tenu de l'im
portance des flux traites dans le domaine commercial et surtout de la ra pidite
avec laquelle ils sont traites. Ainsi, dans le cas ou un ecrit aura ete dresse
par un commergant, la preuve contraire peut etre a pportee librement par le
consommateur ou par un autre commergant.
747. Toutefois, si cette regle permet le denouement ra pide
des transactions commerciales, elle n'assure que mediocrement la securite
juridique car les operations commerciales aboutissent souvent a des
constructions complexes dont les differents elements ne doivent pas pouvoir
etre contestes. C'est pour cette raison qu'un certain formalisme s'im pose dans
de nombreux contrats. C'est par exem ple le cas des contrats les plus indis
pensables a la vie des affaires qui doivent etre etablis par ecrit. C'est le
cas aussi des valeurs mobilieres et effets de commerce qui sont des titres
formalistes que l'absence d'ecrit prive d'efficacite.
748. De plus, cette liberte de la preuve souleve un contraste
particulierement fra ppant entre la regle civile et la regle commerciale. Il en
resulte alors une difference considerable au point de vue de la qualification
de la preuve.
La regle civile oblige le juge a qualifier le moyen de preuve
et de dire s'il s'agit d'un acte sous seing prive, d'un commencement de preuve
par ecrit ou d'un simple indice. Cela est indispensable pour situer ce moyen
dans la hierarchie des preuves. Cette regle est aujourd'hui renforcee par le
« sacre des egalites formelles780
» entre l'ecrit sous forme electronique et l'ecrit papier. Au contraire,
la question de la qualification est indifferente en matiere commerciale,
puisque celui-ci ne reconnalt aucune hierarchie entre les modes de preuve :
seule com pte la force demonstrative du moyen produit.
749. C'est pourquoi l'admissibilite des modes de preuves
liees au commerce electronique ne souleve guere de difficultes lorsqu'il s'agit
de faire la preuve d'un acte de commerce. Ainsi peut im porte de savoir si un
telex ou une teleco pie peut être assimilee : un ecrit, a une co pie ou a
un commencement de preuve par ecrit. Il n'est pas necessaire non plus de savoir
si le document electronique peut être assimile a un ecrit, dans les
conditions du code civil, rendant admissible la preuve par simple presom
ption.
779
Voir dans ce sens, Bensoussan A, « Informatique
télécoms internet - réglementations, contrats,
fiscalité, communications électroniques », éd
Francis Lefebvre, 2008, n° 592, p 206.
780 En ce sens, L GRYNBAUM, « Loi économie
numérique : le sacre des égalités formelles »,
RDC 2005, p 582.
750. Ce régime de liberté de preuve offre au
consommateur une solution particulièrement ada pté aux o
pérations du commerce électronique dans lequel une masse im
portante de documents est gérée automatiquement. Ainsi, par exem
ple, lorsqu'il valide sa commande en ligne ou réalise son paiement
dématérialisé, il regoit automatiquement une confirmation
de l'o pération qui peut servir de preuve en cas de litige. Toutefois,
pour le commergant, ces règles ne s'a ppliquent pas, en particulier
lorsqu'il doit faire la preuve contre un consommateur non commergant. Il
demeure alors soumis au formalisme de la règle civile, sauf a
démontrer l'existence d'une convention de preuve.
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