B. L'acceptation en ligne.
723. La formation du contrat par voie electronique est
conditionnee par l'acce ptation de l'offre. Selon David NOGUERO, celle-ci doit
se greffer a l'offre761 puisqu'elle resulte « d'une
réponse claire ou d'un comportement non
équivoque762 ».
Elle materialise la volonte de l'acce ptant, de conclure le
contrat, sans reserve, aux conditions de l'offreur. En d'autres termes, l'offre
prealable doit clairement ex primer une volonte d'être liee par l'acce
ptation et l'acce ptation n'engagera son destinataire que si elle rencontre une
volonte de cet ordre.
724. Cela etant, l'acce ptation en ligne est soumise a un
formalisme qui permet de determiner a partir de quel moment elle aura ete
donnee.
1. La forme de ['acceptation.
725. La forme de l'acce ptation a pour but d'eclairer l'acce
ptant sur les conditions contractuelles. C'est une exigence qui vise a proteger
l'integrite de sa volonte. La premiere des exigences est posee par l'article
1369-4 du code civil qui fait obligation a quiconque propose a titre
professionnel par voie electronique, la fourniture des biens ou la prestation
de service, d'enoncer dans son offre « les différentes
étapes a suivre pour conclure le contrat par voie
électronique763 ». Il ne s'agit pas ici
des eta pes techniques mais de renseigner le destinataire de l'offre sur les
formes de son acceptation.
761 David NOGUERO, « l'acceptation dans le
contrat électronique », in Le contrat électronique, au
coeur du commerce électronique - le droit de la distribution, droit
commun ou droit spécial, études réunies par Jean Claude
HALLOUIN et Hervé CAUSSE, Université de Poitiers, coll. de la
faculté de Droit, LGDJ, p 50.
762Article 18 de la Convention de vienne du 11 avril
1980. 763 Article 1369-4 alinéa 1 du code civil.
726. Ensuite, « pour que le contrat soit
valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilite de
verifier le detail de sa commande et son prix total, et de corriger
d'eventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son
acceptation764 ». Ainsi, la chronologie menant a
l'acce ptation est donnee. Elle im plique une serie d'o perations, de gestes
electroniques, qui garantissent assez largement la realite du consentement. Le
destinataire de l'offre (ou l'acce ptant) doit pouvoir verifier, corriger et
confirmer. Cette methode, dite du double clic, est la
technique a mettre en oeuvre afin de manifester l'acce ptation.
C'est une sorte de droit d'amender la commande, d'ob la
precaution du clic de la seconde chance, celui de la maitrise de l'instrument,
qui n'existe pas lorsque le contrat est forme par l'utilisation d'un courrier
electronique765. Apres verification, il permet l'eventuelle
correction, et autorise l'ex pression de l'acce ptation766.
727. Dans le contrat electronique, c'est la volonte declaree
qui est privilegiee767, du moins im plicitement, puisque le silence
ne vaut pas acceptation des conditions contractuelles768. La
manifestation du consentement s'opere par un geste electronique, en rem
plissant des formulaires sur l'ecran de l'ordinateur, ou parfois sim plement
par un double clic.
728. Au-dela, rien n'est dit sur l'a ptitude de l'acce ptant,
ni sur sa ca pacite a accepter, pourtant, ces conditions sont essentielles au
sens des articles 1108, 1123 et 1124 du code civil pour conclure un contrat.
Certains professionnels en ligne peu scru puleux se contentant d'un minimum
d'informations et de quelques renseignements fournis a travers un
questionnaire, d'une adresse mail et d'un numero de telephone, qui ne
renseignent pas sur la ca pacite de celui qui les fourni. On peut bien imaginer
une personne atteinte d'un trouble ou d'un deficit mental manifestant sa
volonte a travers le double clic, ou bien un mineur, en se faisant passer pour
ses parents, qui conclut des contrats aboutissant a des prestations de service.
Nous renvoyons le lecteur aux princi paux ouvrages de droit qui traitent de la
question de l'inca pacite dans le contrat.
764 Article 1369-5 code civil. Il ressort de cet article que
toute offre faite par voie électronique doit nécessairement
prévoir un système électronique de relecture et de
correction de commande avant toute validité du contrat. La formule
« pour que le contrat soit valable » semble admettre
qu'à défaut de cette chronologie, la sanction consisterait en la
nullité du contrat.
765 En ce sens, voir Pierre BREESE, op cit
766 A notre sens, une autre forme matérielle pour
extérioriser l'acceptation serait inopérante. L'exigence
posée par le double clic ne prête pas à discussion et offre
une garantie supplémentaire dans le cas d'une manifestation de
l'acceptation à travers un site internet. Toutefois, les parties
soumises à une longue relation contractuelle peuvent prévoir
d'autres procédés de confirmation de l'acceptation (par exemple
l'envoi d'un courrier électronique pour confirmer que l'on accepte le
contrat) ou tout autre procédé qu'ils auraient au
préalable mis en place.
767 En ce sens, cf Florence MAS, n° 114, p 167 et suiv sur
« le silence en ligne ».
768 Il est cependant permis au juges, dans leur
appréciation des faits et de l'intention des parties, et lorsque l'offre
à été faite dans l'intérêt exclusif de celui
à qui elle est adressée, de décider que son silence
emporte acceptation. En ce sens, voir Civ 1ere, 5 avr 1993, Conc. Consom,
aout-sept 1993, n° 145, note Leveneur ; ou Civ 1ere, 16 avr
1996, Bull Civ I, n° 181, Defrenois 1996, 1013, obs., D Mazeaud.
729. Pour l'essentiel, nous pensons que l'acce ptation ex
primee par une personne atteinte de trouble mental ne peut pas être
valable (pour autant qu'elle aura ete reconnue incapable au sens de la loi), il
en est de même de l'acce ptation donnee par un mineur qui se sera
substitue a ses parents. Toutefois, dans ce dernier cas, la transmission des
donnees bancaires confidentielles laissant presumer que c'est le titulaire de
ladite carte qui l'a utilise769, il ya un risque que le parent qui
souhaite se faire rembourser soit oblige d'engager des poursuites contre mineur
utilisateur de la carte770.
2. Le moment de l'acceptation.
730. D'evidence, pour être efficace, l'acce ptation doit
intervenir dans le delai de validite de l'offre qui a une certaine duree.
731. Il est important de distinguer le moment de l'acce
ptation de l'offre du moment de conclusion du contrat. Cette distinction n'est
pas evidente, car un contrat est forme par la rencontre de l'offre et de l'acce
ptation. Un contrat com portant une offre valable peut avoir ete acce pte
valablement mais ne pas encore avoir ete conclu, si l'acce ptation n'a pas
encore ete communiquee.
732. Lorsque l'offre a ete acce ptee, il est important de
fixer le moment de la rencontre des consentements parce qu'il constitue le
point de depart d'un certain nombre de consequences juridiques. Le couple
offre/acce ptation permet d'aborder la question de l'execution de l'accord
electronique. Il constitue le point de depart de plusieurs delais (delai de
livraison, delai de retractation), et marque le debut du processus aboutissant
au transfert de pro priete.
733. Dans le commerce electronique, la determination du
moment de la formation du contrat est liee a des questions purement techniques.
Celles-ci ont pour but de decider a partir de quel moment le contrat est forme,
si un incident se produit dans le systeme de communication. Deux theories
s'affrontent aujourd'hui dans la determination du moment de l'acce ptation. Il
s'agit de la theorie de l'emission et de la theorie de la reception.
2.1 La théorie de l'émission.
769 En ce sens, cf, infra n°751 et suiv, « la
licéité des conventions sur la preuve ».
770 Chaque titulaire d'un instrument de paiement ou
de crédit en est responsable et à l'obligation de le surveiller.
Les banques sont très réticentes à l'idée de
rembourser de telles opérations. Dans la pratique, elles recommandent
aux parents de porter plainte contre le mineur pour être
remboursé.
734. Cette theorie repose sur le decalage entre la
manifestation de l'acce ptation et sa reception par le sollicitant et stipule
que le contrat est forme des que l'offre et l'acce ptation se rencontrent. Le
fait generateur de l'obligation contractuelle, c'est l'acce ptation par le
destinataire de l'offre, quand bien même, l'offreur n'aurait pas regu
cette acceptation.
735. Ainsi, des lors que le destinataire d'une offre marque son
accord a s'engager dans la relation contractuelle aux conditions emises dans
l'offre, le contrat est considere comme forme. L'ex pedition du
« oui » ou le dernier clic sur le
« valider la commande » est la garantie de
la volonte du consentement et em porte la conclusion du contrat, meme si cette
commande n'est pas encore arrive dans le systeme informatique du sollicitant.
Dans le cas d'une conclusion de contrat par courrier electronique, on considere
aussi que des lors que le courrier electronique est ex pedie, le contrat est
acquis.
736. La theorie de l'emission offre l'avantage de preserver
les droits de l'acce ptant, auquel sera ino pposable toute retractation du
sollicitant, une panne technique du systeme ou une caducite de l'offre.
Nous pensons, en plus, que cette theorie permet de faciliter
la formation du contrat et son execution, puisque l'acce ptant detiendra dans
son pro pre systeme la preuve de son acceptation. Elle permet d'eviter un
arbitraire du sollicitant, qui, souvent professionnel, pourrait etre tente
d'abuser de cette position pour imposer des conditions plus contraignantes ou
pour retirer purement et sim plement son offre en ligne.
737. C'est cette theorie qui est generalement a ppliquee par
la jurisprudence traditionnelle et qui a ete retenue par la jurisprudence
frangaise. Elle a pose de princi pe que, sauf stipulation contraire, l'offre
devenait parfaite par l'emission par le destinataire de l'offre de son acce
ptation77'. La theorie n'a pas ete prise en com pte par la loi type
qui lui prefère la theorie fondee sur la reception de l'acce ptation
pour materialiser l'existence du contrat.
2.2 La theorie de la reception.
738. La theorie de la reception repose sur le princi pe selon
lequel le contrat n'est definitivement forme qu'a partir du moment ou le
sollicitant a regu l'acce ptation. Tant
771
Cass. Com, 7 janv. 1981, Bull civ, IV,
n° 14
qu'il n'a pas regu l'acce ptation, le contrat n'est pas forme et
il dispose toujours de la faculte de revoquer son offre par le moyen de
communication le plus ra pide.
739. Cette theorie alimente une certaine insecurite
contractuelle de la part du destinataire de l'offre. Il est soumis a un choix,
soit il re pond tout de suite a l'offre qui lui est faite, soit il se reserve
le temps necessaire pour etudier l'offre avant de prendre une decision. Or,
cette situation ne peut pas convenir avec les reseaux electroniques en raison
de la ra pidite et de l'instantaneite des operations. Il en resulte que les
solutions juris prudentielles classiques s'averent inada ptees a l'offre
electronique.
740. La loi type de la CNUDCI sur le commerce electronique o
pte pour la theorie de la rece ption772. C'est cette theorie qui est
egalement retenue par la Convention de Vienne sur la vente internationale des
marchandises et le projet d'acte uniforme OHADA sur le droit des contrats.
741. Pour sa part, le Code civil a introduit une nouvelle
theorie de l'emission de la confirmation de l'acce ptation pour la conclusion
des contrats sous forme electronique. C'est la theorie dite de l'accuse de
reception qui oblige l'auteur de l'offre « d'accuser reception
> sans delai injustifie et par voie electronique de la
commande qui lui a ete adressee773. Le contrat n'est repute conclu
que lorsque le destinataire de l'offre, apres avoir passe sa commande, aura
bien regu l'accuse de reception de celle-ci. La loi n'indique aucun mode de
communication alternatif a l'auteur de l'offre, qui doit s'executer sans delai
injustifie. Celui-ci n'est ce pendant tenu d'accuser reception par le
même support que si la commande lui parvient par voie electronique.
742. En outre, le contenu de l'accuse de reception n'est pas
precise. Nous pensons qu'il pourrait sim plement s'agir soit d'un petit message
accusant reception « nous vous confirmons votre
commande », soit d'un accuse portant reca pitulatif de la
commande. C'est cette confirmation de l'acce ptation qui, en pratique est
doublee d'une exigence d'envoi d'une version papier archivable de la même
commande, et qui formalise la conclusion formelle du contrat
electronique774.
L'accuse de reception pourra ainsi servir de preuve en cas de
contestation entre les parties.
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