La mise en oeuvre de la société de l'information au Cameroun: enjeux et perspectives au regard de l'évolution française et européenne( Télécharger le fichier original )par Yves Léopold KOUAHOU Université de Montpellier 1 - Docteur en droit privé option nouvelles technologies et droit 2010 |
Section deuxième : La libéralisation effective des télécommunications au Cameroun.
Paragraphe premier : Le contexte de la libéralisation des télécommunications.cette époque en faisaient des produits de grand luxe. C'est la venue des nouveaux opérateurs a permis de banaliser leur utilisation dans la population. 137 En ce sens, cf. infra n° 148 sur « la pression des institutions internationales ». 138 L'Etat camerounais s'est par la suite désengagé de plusieurs sociétés dans lesquelles elle détenait les participations. On peut citer les cas de la Société Nationale d'Electricité du Cameroun(SONEL) qui a eu quelques retentissements national, et le cas de la Société Nationale des Eaux du Cameroun(SNEC). Le mouvement de libéralisation est toujours en cours, même si certaines entreprises connaissent des fortunes diverses, comme la Cameroon Télécommunications, citée plus haut.
A. Le mouvement international de la libéralisation des télécommunications.
139 Mattelart, op cit. A cote de cette influence, il ya aussi l'Accord General sur le Commerce et les Services (AGCS) et la mise aux encheres des ondes qui sont venu placer les telecommunications au cur des activites de services soumis a la liberalisation. 1. La pression des institutions internationales.
140 Il s'agit principalement du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale qui ont restructuré plus de 90 économies nationales dans le monde de cette manière pour faciliter les investissements internationaux, imposant des mesures telles que les privatisations, la flexibilité du marché du travail ainsi que la libéralisation du commerce et du secteur financier. 141 En ce sens, cf Marc Raffinot, « Dette extérieure et ajustement structurel », Edicef, Paris, 1991, cité par Alain Kiyindou, op cit, p 172. chercher a améliorer ostensiblement leurs performances économiques. Ces programmes d'ajustements structurels partaient de l'idée que le bénéfice a tirer d'une annulation de la dette ou de nouveaux financements internationaux est étroitement lié a la qualité des politiques économiques visant non seulement a permettre une croissance durable de l'économie, mais aussi a réduire la pauvreté, a moyen ou a long terme. Ils re posaient sur une théorie économique tres fortement libérale, qui considere que le libre marché doit présider a la fourniture de biens et de services, la concurrence devant assurer l'utilisation la plus efficace des ressources ainsi que des bénéfices plus im portants. 151. Pour continuer a bénéficier de l'aide internationale somme toute nécessaire a la réalisation des objectifs nationaux, le Cameroun a signé et mis en oeuvre trois (3) programmes d'ajustements structurels, qui ont de puis lors été abandonnés par les bailleurs de fonds. En effet, ces politiques, décidées non démocratiquement et mises en oeuvre a la sauvette dans les pays du sud sans discrimination, ont souvent été critiquées comme im posées de l'extérieur sans prendre en com pte le contexte local dans lequel elles devraient s'a ppliquer. Elles n'ont pas a pporté de solutions réelles aux problemes re pérés et ont suscités au contraire de nouvelles dé pendances vis-a-vis du Nord. Certaines associations et autres organisations non gouvernementales (O.N.G) jugeaient qu'elles mettaient l'accent sur la libéralisation de l'économie, la privatisation des entreprises publiques et le dévelo ppement des entreprises privées et que les limitations im posées amenaient les Etats a faire des économies au détriment de domaines essentiels, tels que la santé ou l'éducation. Le bas pouvoir d'achat consécutif a la baisse de revenu des populations, les coVts élevés des em prunts et les hausses de prix suite a la hausse de la TVA ou a la libéralisation des prix, les importations a bas prix et les services onéreux qu'elles ont introduits ont éliminé des milliers de petites et moyennes entreprises et exploitations agricoles qui produisaient pour le marché local et procuraient la plu part des em plois du pays. Elles ont, par ces programmes, accru la pauvreté et les inégalités, déstabilisé les systemes bancaires et accru la dette étrangère, au point que certains auteurs ont considéré que le PAS était « un couteau planté a l'épiglotte des pauvres *142 et qui aura eu pour conséquence d'augmenter la mortalité africaine143. 1.2 L'influence de l'Union /nternationale des Télécommunications. 142 Jean Godefroy Bidima, « Théorie critique et modernité négro-africaine », Publication de la Sorbonne, Paris, 1993, in Alain Kiyindou, op cit, p 172. 143 René Dumont, « Démocratie pour l'Afrique », seuil, 1991, cité par Alain Kiyindou, ibid.
144 Le rapport de la Commission indépendante pour le développement mondial des télécommunications encore appelé le rapport Maitland a représenté une étape importante dans ces travaux. En 1985, l'UIT publiait un rapport intitulé « Le Chaînon manquant » qui attirait l'attention de la communauté internationale sur l'absence chronique d'infrastructures des télécommunications dans les pays en développement et soulignait le déséquilibre choquant entre pays développés et pays en développement en ce qui concernait l'accès aux services de communications. Ce rapport faisait suite à une conférence de plénipotentiaires tenue à Nairobi en 1982 qui avait créé la Commission indépendante pour le développement mondial des télécommunications. La commission, présidée par Sir Donald Maitland, avait pour mandat de déterminer les obstacles au l'investissement prive a travers le regime general de concurrence du marche. A cet egard, elle a toujours oeuvre pour leur ouverture, considerant que la liberalisation est un gage de develo ppement du secteur. Ce constat a ete reaffirme en avril 2002 a l'issue de la conference mondiale pour le develo ppement des telecommunications tenue a Istanbul au terme de laquelle « les reformes qui ont conduit a une participation accrue du secteur prive et a la concurrence sont des forces qui batissent le developpement des telecommunications. Les d~fis de la societe de l'information et le nouvel environnement pour le commerce font peser une pression importante sur les decideurs politiques, les regulateurs et les operateurs pour acquerir les competences necessaires145».
développement de l'infrastructure des télécommunications et de recommander des solutions pour stimuler l'expansion des télécommunications dans le monde entier. Le Chaînon manquant aura été le premier rapport à insister sur la corrélation directe entre l'existence d'une infrastructure de télécommunication, l'accès à cette infrastructure et la croissance économique d'un pays. En outre, c'est à partir de ce rapport que l'on a commencé à parler de recourir à des stratégies d'accès partagés (publiphones, cybercafés, centres communautaires comme les télécentres polyvalents), plutôt que d'essayer d'installer un téléphone par foyer pour faciliter l'accès universel aux technologies de l'information et de la communication pour un pourcentage aussi élevé que possible de la population. Aujourd'hui, le débat s'est étendu aux applications et aux compétences ou à la formation nécessaires pour permettre aux communautés de tirer parti des nouvelles technologies de l'information et de la communication 145 Déclaration d'Istanbul, point f, Conférence Mondiale pour le Développement des Télécommunications (CMDT), avril 2002 146 Présentation des missions de l'Union
Internationale des Télécommunications.
147 Les négociations sont basées sur une approche fondée sur la théorie de l'offre et de la demande. Chaque pays produit une liste d'engagements des secteurs qu'elle s'engage à libéraliser, ainsi qu'une liste de demandes communiquée à chacun des autres pays et où elle indique les secteurs qu'elle aimerait voir ceux-ci libéraliser à leur tour. Si pratiquement tous les types de services sont négociables, un pays peut aussi considérer que certains secteurs doivent rester un domaine national protégé et peut ainsi ne pas les inclure dans sa liste d'engagements. 148 Le choix est vaste puisqu'à l'échelle du monde il existe de nombreux exemples de services relevant du monopole d'État dans un pays qui sont confiés à des entreprises privées dans d'autres pays. 149 L'Accord Général sur le Commerce des Services (A.G.C.S) se fixe comme objectif fondamental d'assurer l'expansion du commerce des services et d'en faire un instrument de promotion de la croissance et du développement. Ce faisant il oblige les États à créer un environnement compétitif non faussé entre entreprises publiques et privées. En pratique, cela se traduit soit par une diminution des subventions aux premières, où l'aménagement d'aides particulières pour les entreprises privées, les volumes individuels distribués diminuant alors par effet de vase communiquant. 150 Pendant très longtemps, l'intégration des services dans les accords commerciaux ne fut pas considérée comme essentielle, pour la bonne raison que ceux-ci étaient vus comme des activités principalement domestiques, dont il est difficile de faire un commerce transfrontalier. Certains secteurs comme les télécommunications étaient, par le coût et l'importance de leurs infrastructures, encore vus comme des monopoles naturels de l'État. Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1995, l'acte fondateur de l'OMC concerne désormais 3 secteurs : les marchandises (reprise du GATT, annexe 1A), les services (annexe 1B) et la propriété intellectuelle (annexe 1C) 151 Pierre MUSSO, « Les télécommunications », Coll. Repères, Ed La Découverte, mars 2008, p 74 et suiv, 120 p 152 Le Cameroun est Membre de l'OMC depuis le 13 décembre 1995 et à ce titre, a ratifié l'ensemble de ces traités relatifs au commerce international. 153 En ce sens, cf supra n° 111 et suiv sur « la rareté des ressources de télécommunications ».
C'est Ronald COASE155 qui suggere pour la premiere fois en 1959, annee de la decision « above 890156 », que l'on affecte les droits de pro priete cessibles aux ondes hertziennes. Ces droits pourraient faire l'objet de transaction et l'attribution des premiers droits serait realisee par un mecanisme de vente aux encheres. Il pensait alors qu'un veritable fonctionnement du marche contribuerait a l'utilisation la plus efficace possible de cette ressource rare. 154 Ibid. 155 Economiste britannique considéré comme le père de la théorie des coûts de transaction. Cf COASE R.H, « faut-il vendre les fréquences ? », Réseaux n° 64, mars-avril 1994, in, Economie des télécommunications et de l'internet, Godefroy DANG NGUYEN et Denis PHAN, Ed° Economica, 2000, p 74. 156 Décision de 1959 en vertu de laquelle la FCC accorde à des micro-ondes radio un accès privé à la partie du spectre supérieure à 890 Mhz. A pres quelques hesitations, les premieres ventes aux encheres seront realisees en Nouvelle-Zelande en 1989, non sans difficulte157. Mais, c'est aux Etats-Unis que les mecanismes d'encheres ont ete les plus s pectaculaires, tirant profit des erreurs de la Nouvelle Zelande pour reflechir et concevoir des regles d'enchere prudentes. C'est en 1993 que le Congres americain a permis a la Federal Communications Commission (F.C.C), avec l'Omnibus Budget Reconciliation Act, d'allouer par encheres les frequences hertziennes pour des services de communication personnelle sous les conditions que les services de communications im pliques soient payants par abonnement158, que l'o peration ne porte que sur des licences nouvelles et non sur des renouvellements, que les dispositions particulieres soient a ppliquees aux entites designees, minorites, PME, zones rurales defavorisees, sous la forme d'aides financieres directes. Selon le Congres, les ventes aux encheres etaient, a priori, la methode ideale pour attribuer des ondes a ceux qui leur accordent la plus grande valeur puisqu'il y a toutes les chances que ces personnes fassent l'offre la plus elevee159. Cela signifiait vendre des milliers de licences avec une couverture geogra phique et des plages de frequence differentes. Elle exigeait sim plement que la F C C mette en place un mecanisme permettant d'allouer ces licences aux encherisseurs les plus interesses. Dans ce contexte, le Congres avait demande de veiller surtout a assurer une utilisation intensive et efficace du spectre plutôt qu'a maximiser les recettes pour le gouvernement federal americain. 164. Le succes de cette mise aux encheres du spectre des frequences devait permettre la generalisation du mecanisme au niveau mondial (la France pense notamment au mecanisme de vente aux encheres pour l'attribution de licences d'ex ploitation des services a la norme UMTS). C'est le mecanisme de vente aux encheres qui est retenu par le gouvernement camerounais. Le contrôle et l'assignation des frequences sont reserves exclusivement a l'Agence de Regulation des Telecommunications160, sur presentation d'un important dossier technique et financier qui fait penser a une vente aux encheres. |
|