B. La gestion de l'entreprise publique.
136. La creation de la societe CAMTEL, intervenue seulement
quelques mois apres la loi autorisant la concurrence dans le secteur des
telecommunications, permettait aux pouvoirs publics de mettre en place une
entre prise autonome13° capable, d'une part, de gerer
l'ensemble des infrastructures de telecommunications et d'autre part, d'a
pporter
130 Bien que la société soit dotée d'une
personnalité juridique, cette autonomie est toute relative et ne
concerne que son aspect financier. Sur le plan de sa politique en
matière de télécommunications, elle est encore
placée sous la tutelle de l'administration chargée des
télécommunications qui fixe les orientations en prenant en compte
les intérêts de l'Etat. Cette tutelle administrative peut
constituer un frein aux développements de ses activités
nationales de télécommunications.
des ré ponses aux demandes qui émaneraient des
autres o pérateurs pour faciliter l'acces a ces infrastructures. Ce
pendant, la société a rencontré quelques
difficultés qui ont freiné le dévelo ppement de ses
activités. Ces difficultés sont liées soit a l'absence
d'autonomie de l'entre prise, soit aux insuffisances techniques et
technologiques.
1. L'absence de l'autonomie de l'entreprise.
137. Selon A. CHALANDON131, cité par
KUAGBENU AFI AKPE132, « le handicap le plus lourd,
pour une entreprise publique, est bien celui de sa relation avec l'Etat. Le
gouvernement et son administration exercent en permanence un controle qui la
freine dans sa liberte d'agir, quand il ne lui impose pas la sienne propre.
L'actionnaire prive s'exprime par une assemblee generale annuelle et un conseil
d'administration. L'Etat actionnaire se manifeste a tout moment par l'ensemble
des administrations concernees. Non seulement il intervient dans la gestion
quotidienne mais s'attribue le controle absolu de la strategie. Au mieux, il
approuve la politique de l'entreprise, souvent il la refuse, au pire il
l'impose ».
138. Dans le cas du Cameroun, l'autonomie financiere de la
société a eu pour contre partie sa mise sous tutelle
administrative, ce qui ne lui a pas permis de dévelo pper une
réelle politique de télécommunications. La
société n'a véritablement pas réussi : s'im poser
dans ce secteur.
Le personnel de direction, désigné par le
pouvoir politique, ne s'est pas préoccu pé de l'intérDt de
l'entre prise, ni de l'intérDt général des usagers. La
culture du remerciement133, utilisée par le pouvoir
politique, a crée une véritable course a la recherche de la
satisfaction de ce pouvoir.
139. De plus, on sait que dans une entre prise privée,
la pérennité de l'em ploi et de la carriere dé pendent en
grande partie des résultats économiques obtenus par l'entre
prise. Cela produit une incidence sur l'ensemble du personnel qui est alors
tenu de travailler pour améliorer de plus en plus les performances de
leur entre prise. Cette culture du résultat est inexistante chez le
personnel de l'entre prise publique.
131 Ancien Président d'entreprise publique
en France. Interview dans Le Monde, 11 octobre 1984, cité par KUAGBENU
AFI AKPE, « La libéralisation des
télécommunications en Afrique à travers le cas du
Togo », thèse de Doctorat de Droit public, Aix-en -Provence,
2007, p 96, 519 p
132 KUAGBENU AFI AKPE, thèse de Doctorat, op cit.
133 C'est une politique qui a longtemps prévalu
au Cameroun et qui consistait à nommer à des postes de
responsabilités, des personnes qui pouvaient oeuvrer pour le bien
être d'un dirigeant, d'un ministre ou encore d'un parti politique.
Dans la chasse à la reconnaissance, les employés du
service public ne se souciaient plus de l'intérêt
général de la population, mais se contentaient de plaire au chef
du chef, ce qui, leur assurait une carrière longue et dorée.
Ces situations ont contribué a fragiliser l'entre prise
publique qui n'a pas réussi : s'im poser sur le marché
concurrentiel. De même, les difficultés techniques a offrir les
services de télécommunications de base comme la
télé phonie fixe ont entrainé son rejet, autant par la
population que par les acteurs économiques134.
2. Les insuffisances techniques.
140. Ce sont des difficultés liées a
l'obsolescence des équi pements techniques de l'entre prise qui n'ont
pas permis qu'elle décolle sur le marché. La création
d'une nouvelle structure n'a pas été suivie par un renouvellement
com plet du matériel technique. La nouvelle société a
hérité de l'ensemble du parc de l'ex INTELCAM qui était
mal entretenu ou pas du tout. L'absence de com pétence nationale
obligeait l'entre prise a recourir : l'ex pertise étrangere pour toute
ré paration. Cela revenait tres cher pour la société, qui,
au final, privilégiait l'o ption nationale dite provisoire et pas
toujours conforme aux normes internationales.
141. Malgré des investissements im portants consentis
par l'Etat, les performances réalisées étaient
plutôt mitigées. La demande sociale en matière de services
de télécommunications restait largement insatisfaite. Il fallait
attendre de tres long mois pour obtenir une ligne de télé phonie
fixe tandis que, par ailleurs, on assistait a un gas pillage des ressources
financieres et matérielles de l'entre prise. De plus, l'admission de
l'Entre prise dans un vaste processus de privatisation, des 1999, pour
ré pondre aux exigences internationales135, va permettre a
l'Etat de sus pendre ses investissements dans la Société, portant
ainsi un sérieux coup a ses installations dont la vétusté
va aller en s'aggravant.
Ce qui, du même coup, va se ré percuter sur la
qualité du service avec de nombreuses difficultés de
communication. Ces difficultés techniques ont entrainé un manque
de confiance dans les services de l'entre prise de la part des usagers. Ce qui
peut ex pliquer l'engouement suscité par l'arrivée de nouveaux o
pérateurs, avec la libéralisation, qui offraient des services
nouveaux de télécommunications136.
134 La société n'arrive pas à
se positionner véritablement sur le marché national. Elle a
acquis récemment une licence pour l'exploitation du mobile au Cameroun
mais n'a pas encore réussi à s'imposer comme une force sur
laquelle l'on peut compter, et ce, malgré les prix véritablement
attractifs qu'elle pratique.
De plus, le gouvernement a lancé depuis quelques
années un plan de privatisation en vue de se désengager
totalement de son capital. Suite à l'échec de ce plan,
l'idée d'un partenariat public/privé est de plus en plus
avancée dans la perspective de mieux accompagner le développement
de la société de l'information et de la
télécommunication du Cameroun.
135 Cf infra n° 148 sur « la pression
des institutions internationales ».
136 Bien avant l'entrée des nouveaux
opérateurs sur le marché national, la société
CAMTEL offrait déjà un accès au
téléphone mobile et un accès à l'internet. Mais,
les difficultés administratives pour obtenir une ligne et surtout les
prix encore très élevé de
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