Section 2 : L'émergence progressive d'une
fiscalité sécurisée
Il est bien connu que l'attractivité et la
compétitivité d'une économie ne se résument pas
à une fiscalité minimale66. Autrement dit, il ne
suffit pas d'avoir une fiscalité attrayante, voire inexistante pour
attirer les capitaux, les entreprises et les personnes physiques. A cette
fiscalité minimale, à la supposer bien pensée, il faut
adjoindre un niveau suffisant de sécurité juridique. En effet,
plus que la fiscalité minimale, la sécurité juridique est
aux entreprises ce qu'est le pollen aux abeilles : elle les attire, elle leur
donne, par sa solidité, la matière première
nécessaire à leur ouvrage ; elle leur fournit un socle, une
assise. En cela, elle doit nécessairement être prise en compte
dans une politique de développement de l'attractivité et de la
compétitivité. Au Cameroun, le souci de cette prise en compte
transparaît dans certaines mesures prises par le législateur
fiscal depuis quelques lois de finances. Certaines de ces mesures se situent en
amont, au moment de la création ou du développement de
l'entreprise (§ 1), alors que d'autres s'intéressent plus
singulièrement à la vie de l'entreprise (§ 2).
65 Article 3 décret n°2011/019 op. cit.
66 LOPEZ (C.), « La fiscalité comme
vecteur de l'attractivité du territoire », in LEROY (M.),
Mondialisation et fiscalité (sous la dir.), L'Harmattan,
collection finances publiques, 2006, pp. 245-262.
§ 1 - La sécurisation du processus de
création et de développement de l'entreprise : le rescrit
fiscal
Dans un contexte de mondialisation des économies, les
créateurs de richesses sont de plus en plus demandeurs de
sécurité juridique et de connaissance exacte du traitement fiscal
applicable aux affaires qu'ils projettent, l'objectif étant celui d'une
meilleure prévisibilité dans la conduite desdites affaires.
Conscientes de cette exigence, les autorités camerounaises ont
institué, dans le cadre de la loi de finances pour l'exercice 2008, la
procédure du rescrit fiscal. Le rescrit fiscal est un
procédé qui permet à tout investisseur de connaître
à l'avance, et de manière précise, le régime fiscal
applicable aux opérations qu'il envisage de réaliser. Pour la
compréhension de cette innovation dans la législation fiscale
camerounaise, il convient de s'arrêter sur sa signification et de
préciser l'encadrement dont elle fait l'objet.
A - La signification du rescrit fiscal
De manière générale, deux traits
fondamentaux permettent de restituer la signification véritable du
rescrit fiscal. Il s'agit, d'une part, de la possibilité qu'ont les
contribuables de consulter l'Administration fiscale préalablement
à la conclusion d'un acte juridique ou à la réalisation
d'une opération d'une part et, d'autre part, de la garantie qui
résulte pour eux du fait de la réponse donnée par
l'Administration.
1) La possibilité de consultation préalable
de l'Administration fiscale
La loi de finances pour l'exercice 2008 a institué pour
les contribuables, la possibilité de consultation préalable de
l'Administration, avec obligation de réponse pour cette
dernière.
a- Le principe de la consultation
préalable
Les investisseurs ont souvent eu pour principale
récrimination à l'encontre de l'Administration fiscale
l'incertitude du régime fiscal qui leur est applicable. De fait, en
dépit de l'existence du Code Général des Impôts et
du Livre des Procédures Fiscales, l'instabilité souvent
constatée des interprétations faites par l'Administration
fiscale, notamment à l'occasion des contrôles, n'était pas
de nature à rassurer.
En consacrant formellement la procédure du rescrit
fiscal dans la loi de finances pour l'exercice 200867, le
législateur a voulu renforcer la sécurité juridique au
profit des investisseurs et, partant, améliorer l'environnement
fiscal des affaires au Cameroun. Ainsi,
67 Article L 33 bis du CGI.
depuis 2008, les investisseurs qui souhaitent réaliser
un projet, conclure un contrat ou mener une opération au Cameroun
peuvent, préalablement à la réalisation de leurs
opérations, saisir l'Administration fiscale d'une demande sur le
régime fiscal applicable à leurs opérations.
b- L'obligation de réponse de
l'Administration
L'Administration a l'obligation de répondre aux
sollicitations des contribuables relatives au rescrit fiscal dans un
délai de un (01) mois à compter de la réception de leurs
demandes. Dans sa réponse, elle leur donne alors des précisions
sur le régime fiscal applicable à leurs projets,
opérations ou actes. Les précisions ainsi données par
l'Administration fiscale procèdent d'une interprétation faite par
elle des dispositions légales en vigueur, interprétation sur
laquelle le contribuable peut légitimement se fonder dans la conduite de
ses affaires.
Il convient à cet effet de préciser que lorsque
le contribuable introduit son dossier de rescrit, l'Administration lui
délivre un accusé de réception dont la date est le point
de départ de la computation du délai de un (01) mois imparti
à l'Administration pour le traitement des demandes de rescrit.
L'accusé de réception n'est cependant délivré que
lorsque le dossier est complet et donc recevable.
Lorsque l'Administration ne répond pas dans le
délai sus-indiqué, aucun redressement ne peut etre mis en oeuvre
à l'encontre du contribuable sur la base de l'interprétation
qu'il a faite des dispositions fiscales.
2) L'octroi de garanties conséquentes au
contribuable
Les garanties offertes au contribuable dans le cadre de la
procédure du rescrit fiscal concernent d'une part la protection contre
les redressements fondés sur une interprétation autre que celle
acceptée ou donnée par l'Administration et, d'autre part, la
stabilité et l'irrévocabilité de cette
interprétation pour l'opération ou l'acte en cause.
a- La protection contre les redressements
fondés sur d'autres interprétations
La procédure du rescrit constitue une protection
offerte au contribuable contre les changements de doctrine souvent
opérés par l'Administration. Ainsi, lorsque le contribuable se
conforme à une position édictée par l'Administration
préalablement à la réalisation de son affaire, il ne peut
se voir opposer une position contraire par cette même administration,
notamment à l'occasion des contrôles fiscaux. Il se trouve ainsi
protégé contre les abus, souvent décriés, de
certains agents en charge de la conduite des opérations de
contrôle.
Par cette protection, le rescrit fiscal permet aux entreprises
de réaliser des gains indirects de trésorerie. En effet, si le
contribuable qui a sollicité et obtenu un rescrit ne peut pas faire
l'objet de redressements sur la base d'une interprétation autre que
celle donnée par l'Administration elle-méme, cela signifie
également qu'il n'aura pas à effectuer des décaissements
pour ce type de redressements. Ce faisant, il réalise une
économie indirecte qu'il peut consacrer au développement de son
activité.
b- La stabilité et
l'irrévocabilité du régime applicable à
l'opération du contribuable en vertu du rescrit
La position donnée par l'Administration à la
suite de sa saisine préalable par le contribuable l'engage. Elle ne peut
la modifier à l'encontre du contribuable demandeur : c'est ici
l'idée de stabilité et d'irrévocabilité du
régime applicable à l'opération. Cela signifie que la
position donnée par l'Administration reste applicable à
l'opération ou à l'acte juridique décrit par le
contribuable dans sa demande de rescrit.
Compte tenu de l'importance des incidences de cette
procédure, sa mise en oeuvre a été encadrée par la
loi afin d'en faciliter l'usage et d'en assurer une application uniforme par
les différents services fiscaux et par les contribuables
intéressés.
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